mardi 13 août 2013

« Nous avons besoin d’un Web qui reste entre les mains des citoyens »

Bernard Benhamou est délégué aux usages d’Internet au ministère de l’Economie numérique. A l’heure où ces usages se concentrent dans les réseaux sociaux et les applications mobiles, il rappelle à quel point le combat pour un réseau ouvert et neutre reste plus que jamais d’actualité.

La vision du Web établie par Tim Berners-Lee est-elle encore pertinente aujourd’hui ?

Elle l’est plus que jamais. En choisissant de ne pas breveter le Web, Tim Berners-Lee a révolutionné Internet, qui était auparavant réservé aux seuls scientifiques. Or, à mesure que tous les secteurs de nos sociétés reposent sur des architectures numériques, nous avons plus que jamais besoin d’un Web ouvert qui reste, au propre et au figuré, entre les mains des citoyens.

A quels dangers le Web doit-il faire face ?

Le Web est aujourd’hui remis en cause par des acteurs privés mais aussi certains Etats qui souhaitent contrôler l’économie et les usagers d’Internet. Le Web, tel qu’on l’a connu pendant vingt ans, pourrait progressivement être remplacé par de nouvelles générations des services, autour des « Gafa » (Google, Apple, Facebook, Amazon). Cela pourrait entraîner une fragmentation et une privatisation du réseau mais aussi, comme l’a rappelé l’affaire Prism, un risque accru de contrôle des usagers.

Vous pointez le paradoxe d’une utilisation simplifiée d’Internet, mais qui ne cesse de restreindre le pouvoir de création des internautes...

L’explosion en volume des contenus, notamment de la vidéo, a rendu plus complexe l’accès et la création de ressources. Une tension s’est créée entre le caractère démocratique du Web et son ergonomie. Cela a suscité un appel d’air pour de nouveaux services plus simples, comme les réseaux sociaux ou les applications mobiles. Les usagers ont désormais moins de possibilités de créer ces nouveaux services, même s’ils accèdent plus facilement aux services existants.

Comment éviter que le rêve de Tim Berners-Lee ne vire au cauchemar ?

Rien n’est écrit, mais les enjeux industriels et politiques sont immenses avec l’arrivée d’Internet 3.0, qui correspond à la montée en puissance des objets connectés dans les domaines de la santé, de l’énergie, des transports ou de l’environnement. Ce nouvel Internet sera-t-il le champ clos de la compétition de quelques acteurs ? Remplaceront-ils Internet tel que nous le connaissons par une nouvelle architecture beaucoup plus rigide et sécurisée et qui restreindrait à terme l’innovation ? Ce sont les questions qui devront nous occuper collectivement ces prochaines années.

Comment faire en sorte que les usagers soient plus réceptifs à ces questions ?

Ergonomie et démocratie doivent se renforcer et non s’opposer. Il s’agit d’éduquer les citoyens pour qu’ils ne soient pas que des consommateurs, mais qu’ils puissent faire évoluer eux-mêmes les technologies du Web.

par Christophe Alix

Paru dans Libération du 30 juillet 2013

http://www.ecrans.fr/Nous-avons-besoin-d-un-Web-qui,16783.html

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