lundi 1 août 2011

Belgique : Thésard... un mal qui se soigne


Ils sont l’élite de l’université. Et pourtant, loin des standards internationaux, leur présence dans l’entreprise est restée faible. Longtemps ignorés, les thésards commencent à séduire les grandes entreprises.

C’est une exception. Alors qu’en Belgique, le taux de chômage diminue continuellement avec l’augmentation du niveau de qualification, les docteurs échappent à la règle. Les thésards éprouvent-ils davantage de difficultés à s’insérer professionnellement ? Il y a, au commencement, un rêve : celui de devenir chercheur. Au moment de la soutenance de leur thèse, trois quarts des doctorants souhaitent travailler dans la recherche publique. Puis une réalité : la Belgique forme beaucoup plus de docteurs que ne peuvent en absorber l’enseignement supérieur et la recherche. L’insuffisance des financements accordés à la recherche publique en est la cause. Tout comme la place des thésards, « main-d’œuvre bon marché et très disponible », dans un système pernicieux où « aucun laboratoire de sciences ne pourrait fonctionner sans eux », résume un docteur en physique.

Parmi ceux qui s’éloignent des laboratoires publics, on compte donc beaucoup de déçus, parfois écœurés par un enchaînement sans fin de postes de chercheurs en CDD. Que faire, alors ? La recherche privée peut constituer un débouché. Mais des freins existent. Tout d’abord, la capacité d’accueil est limitée. « Les tâches de recherche et développement (R&D) ont, en Belgique, un moindre poids dans les entreprises qu’à l’étranger », résume-t-on auprès de Focus Research, une ASBL qui a pour objectif la promotion de la recherche scientifique en Belgique. Autre handicap : « Le monde des affaires préfère embaucher des ingénieurs réputés plus capables de s’adapter, plus rationnels aussi dans la conduite de projets industriels », poursuit-on auprès de l’ASBL.

Mais c’est ne pas connaître les thésards. Autonomes, ils sont persévérants, disposent d’une grande aisance rédactionnelle et ont de bons contacts avec les laboratoires. Une valeur ajoutée qui commence à séduire les grandes entreprises. « Une société, quelle que soit sa taille, ne recrutera pas un docteur pour son titre mais pour une fonction », rappelle Philippe Meysman, directeur du Recrutement et de la Sélection auprès du cabinet Hudson. Or, ces fonctions, en sciences sociales et humaines (plus d’un tiers des thésards) comme en math, docteur ou pas docteur, sont rares dans le privé.
 

Méconnaissance réciproque

Les jeunes docteurs connaissent mal l’entreprise, qui le leur rend bien. Le secteur privé peut proposer des postes hors recherche que les docteurs n’identifient pas forcément, alors que les services de ressources humaines « n’ont pas toujours une connaissance précise du travail de recherche que les docteurs ont effectué », indique-t-on auprès de Focus Research. « Les thésards doivent par ailleurs choisir dès le début de leurs travaux s’ils souhaitent se diriger vers la recherche académique ou privée. C’est une décision irréversible. »

Ceux ayant opté pour la sphère publique n’auront pu tenter de construire des projets et des liens avec des entreprises. Et puis il y a enfin l’idée tenace que les docteurs ne savent ni « se vendre » ni à quoi ils peuvent prétendre. Les structures travaillant à l’insertion professionnelle des docteurs cherchent justement à mettre en valeur les qualités des diplômés qui seraient utiles aux entreprises. « Leurs compétences de chercheurs sont adaptables à d’autres secteurs d’activité », assure l’ASBL Focus Research. « Ils ont notamment de réelles capacités de remise en question et d’argumentation. » D’après cet observateur, les thésards sont de plus en plus recherchés pour des postes de commerciaux. « Les entreprises ont pris conscience qu’il était plus facile de former un docteur aux techniques commerciales qu’un commercial aux notions scientifiques », juge-t-il. C’est toutefois souvent par la R&D que les docteurs s’insèrent dans les sociétés privées. « Cette porte d’entrée leur permettra ensuite d’évoluer dans l’entreprise », indique Philippe Meysman.
 

Un recyclage difficile ?

Les possibilités sont multiples : commerce, marketing, ressources humaines, édition… L’ingénierie, les études, l’informatique et le conseil rassemblent 25 % des docteurs du privé. Des secteurs en expansion et qui doivent, pour satisfaire leurs besoins, élargir leur vivier de recrutement aux titulaires d’une thèse. Il y a aussi des cas de figure récurrents : beaucoup de docteurs en biologie deviennent commerciaux dans des entreprises de biotechnologies. Les banques confient des postes d’analystes financiers à des jeunes diplômés de la physique des hautes énergies habitués à travailler sur d’énormes quantités de données complexes. Autre évolution, les thésards sont de plus en plus nombreux dans la création d’entreprises high-tech ou de portage de projets dans les incubateurs, voire associés en dépôt de brevet.

Ces changements d’orientation à 180 ° affectent-ils ces docteurs qui se rêvaient dans des laboratoires ? Le porte-parole de Focus Research l’affirme : « Ceux qui ne sont pas sur des postes de recherche se sentent déclassés : ils sont beaucoup plus nombreux à déclarer être employés en dessous de leur niveau de compétences. » Dans les faits, la plupart sont toutefois cadres, avec des salaires attractifs. Mais des exceptions existent. « Certains docteurs embauchés par des entreprises de biotechnologies faisant peu de recherche appliquée peuvent se retrouver avec des fonctions de technicien », déplore-t-on au FNRS. Il est aussi question de déclassement pour les docteurs en sciences humaines qui, lorsqu’ils ne parviennent pas à percer à l’université, finissent souvent professeurs dans le secondaire. C’est là que le piège se referme pour ceux qui n’ont pas l’agrégation.
 

Thésard : ses forces et ses faiblesses

Les 3 forces du docteur

Rigueur intellectuelle
Le thésard est avant tout un intellectuel. C’est un esprit vif, capable d’analyser un sujet sous tous les angles, de comprendre les enjeux d’une situation et de les synthétiser brillamment. Sa rigueur se double en général d’un sens de la créativité et de l’innovation.

FiabilitéLe docteur est à même de mener un projet à terme. Il est tenace et persévérant. Généralement, il a aussi été habitué à planifier son travail, à diriger une équipe et à gérer un budget.

Communication
Le docteur est généralement un bon communicateur. Par oral ou par écrit, il est amené à transmettre fréquemment le fruit de ses recherches devant de larges auditoires ou des cénacles restreints. Souvent, il maîtrise aussi plusieurs langues.

Les 3 faiblesses du docteur

Peu de sens pratique
Il aime creuser, fouiller, conceptualiser et théoriser. Parfois aux dépens d’une certaine efficacité. Il arrive au docteur d’oublier qu’on l’attend sur des résultats concrets…

Méconnaissance du monde du travail
En quittant le cocon universitaire, le chercheur peut se sentir tout perdu. Il doit s’approprier le monde extérieur et ses règles de fonctionnement. Un apprentissage qui peut s’avérer douloureux…

Son image
Le marché de l’emploi est souvent cruel avec les docteurs. Ceux-ci coûtent cher et ne rapportent pas grand-chose, estiment certains employeurs. Une image que les docteurs peinent parfois eux-mêmes à combattre. Ils éprouvent souvent des difficultés à mettre en avant les forces de leur parcours et la valeur de leur formation.

Sur Reference. : http://www.references.be/carriere/t…

Lire sur le site de Références.be

Note de PAPERA : on constate que même en Belgique encore pas mal de stéréotypes sur le doctorat sont véhiculés dans les articles…

Illustration : Healing par Sortvind (voir sur www.deviantart.com)


Références. | 14-05-2011 | Texte : Rafal Naczyk
lundi 1er août 2011
par antonin
 

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