Président de l'université Toulouse 1 Capitole depuis 2008, Bruno Sire est à la tête d'une université qui compte plus de 17 000 étudiants en droit économie et gestion. Son école d'économie est renommée dans le monde entier. Alors que la rentrée universitaire vient juste d'avoir lieu, il revient sur ses enjeux.
Constatez-vous une hausse des inscriptions cette année ?
Elle est tendancielle en droit, économie et gestion depuis quelques années avec encore + 10 % pour nous sur le site admission-postbac cette année. Ce n'est pas forcément facile à gérer mais je suis fermement opposé à la sélection. L'université doit donner sa chance à tout le monde. Pour autant, je ne veux pas non plus entendre parler de baisser le niveau. Il faut donc que le bac reste un examen suffisamment significatif pour nous garantir que ceux qui l'obtiennent sont capables de nous rejoindre. S'il est donné demain à 100 % des élèves, il faudra peut-être se poser des questions.
Que reprochez-vous à la sélection telle qu'elle est pratiquée en France, et notamment en classes préparatoires ?
Les prépas sont un scandale. Toute une vie se joue dès les premiers trimestres de première, voire un peu en terminale, à l'issue desquels on est ou pas accepté en prépa. Comment peut-on jouer sa vie à 16 ou 17 ans ? Comment tout peut-il se décider à un âge aussi difficile ? Ceux qui auraient bénéficié d'une stabilité familiale auraient tous les postes et pas les autres ?
Et ensuite, il faudrait travailler pendant 2 ans sur un principe d'humiliation. S'entendre dire "tu es nul, tu mérites 2/20" alors qu'on avait 18/20 en terminale ? On connaît trop d'élèves soufrant de troubles psychologiques en prépas. Sans compter la frustration que tous vivent finalement à l'exception de ceux qui sortent dans les meilleurs de Polytechnique ou de l'ENA.
Située dans le centre de Toulouse, l'université Toulouse 1 Capitole compte un ancien cloitre de chartreux en son sein.UNIVERSITE TOULOUSE 1 CAPITOLE
Il faut mieux aller à l'université alors ?
Chez nous on trouve le meilleur de l'enseignement supérieur car nous avons les meilleurs enseignants. Beaucoup de jeunes s'épanouissent chez nous quand ils ne réussissaient pas forcément au lycée. Mais il faut parfois aussi savoir les aider comme nous le faisons en proposant des cours d'initiation au droit avant la rentrée de première année.
Tous les profils n'ont quand même pas leur chance à l'université. On prend souvent l'exemple des bacheliers professionnels dont un nombre très restreint y réussit.
Effectivement le lycée général a su repérer ceux qui avaient le plus de goût pour la chose intellectuelle et qui réussiront le plus facilement ensuite dans la plupart des filières. Pour autant certains bacheliers professionnels réussissent très bien dans notre filière comptabilité qui compte d'ailleurs 60% de boursiers.
On ne le sait pas toujours en dehors de la sphère des initiés des sciences économiques mais l'Ecole d'économie de Toulouse (Toulouse School of Economics), qui dépend de votre université, est considérée comme l'une des toutes meilleures au monde. Vous lancez cette année une école d'économie ouverte aux étudiants.
Pensez-vous être aujourd'hui un concurrent d'HEC ?
Pas pour les étudiants, pas encore du moins, mais pour les professeurs oui clairement. Nos chercheurs sont parmi les meilleurs au monde. Quant aux étudiants, nous les recrutons essentiellement parmi ceux de nos deux premières années de licence. Nous souhaitons ainsi créer une troisième voie, à mi-chemin entre les universités et les grandes écoles, sans le couperet des concours d'entrée et en privilégiant le contrôle continu. Le recrutement post bac+2 n'est pas celui du LMD (licence-master-doctorat) mais reste largement un modèle français axé sur les classes préparatoires, les DUT ou les BTS.
L'amphithéâtre Cujas de l'université Toulouse 1 CapitoleUNIVERSITE TOULOUSE 1 CAPITOLE
Les étudiants qui entrent dans votre école d'économie ont tous suivi un cursus de double compétence (économie et gestion, économie et droit, etc.). Souhaiteriez-vous généraliser ce dispositif à toutes les filières ?
Effectivement les 800 étudiants susceptibles d'intégrer notre nouvelle école ont tous suivi un double cursus que je voudrais bien généraliser. Par exemple en proposant à tous les étudiants de préparer une mineure dans un autre champ disciplinaire que celui où ils sont inscrits. En droit si on est inscrits en mathématiques, en sociologie si on est en droit, etc. En licence au moins il faut rester curieux !
Aux Etats-Unis j'ai récemment rencontré une étudiante française du MIT (Massachusetts Institute of Technology) qui avait suivi des cours d'histoire de l'art en même temps que de chimie. Résultat, sa thèse de doctorat de chimie portait sur la restauration des tableaux anciens. En France un tel parcours est impossible.
Les chercheurs en économie-gestion sont de plus en plus recherchés. Comment faites-vous pour les attirer à Toulouse ?
Les chercheurs ne sont pas des mercenaires. Ils sont avant tout sensibles à la reconnaissance. L'équipe de l'Ecole d'économie de Toulouse compte 150 personnes et c'est pour travailler au sein d'un environnement stimulant que des chercheurs viennent nous rejoindre du monde entier.
On parle beaucoup de rapprochements entre les universités, notamment dans le cadre des PRES (pôles de recherche et d'enseignement supérieur). Pensez qu'on doive aller vers une fusion des universités toulousaines, comme à Strasbourg par exemple ?
Ce serait une erreur de vouloir fusionner nos universités et de créer un ensemble de 80 000 étudiants qui ne pourrait pas fonctionner. Les universités toulousaines sont trop hétérogènes, nous avons trop de grandes écoles dépendant de ministères différents pour fusionner. Je crois plus à un modèle du type de celui Paris Sciences et Lettres (qui regroupe aussi bien l'université Paris-Dauphine que l'Ecole normale supérieure de Paris, Chimie Paris-Tech ou encore l'Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts) permettant de travailler ensemble et de développer la recherche.
Propos recueillis par Olivier Rollot
pour Le Monde.fr | 20.09.11 | 16h12
http://www.lemonde.fr/orientation-scolaire/article/2011/09/20/a-l-universite-on-trouve-le-meilleur-de-l-enseignement-superieur_1574946_1473696.html
Constatez-vous une hausse des inscriptions cette année ?
Elle est tendancielle en droit, économie et gestion depuis quelques années avec encore + 10 % pour nous sur le site admission-postbac cette année. Ce n'est pas forcément facile à gérer mais je suis fermement opposé à la sélection. L'université doit donner sa chance à tout le monde. Pour autant, je ne veux pas non plus entendre parler de baisser le niveau. Il faut donc que le bac reste un examen suffisamment significatif pour nous garantir que ceux qui l'obtiennent sont capables de nous rejoindre. S'il est donné demain à 100 % des élèves, il faudra peut-être se poser des questions.
Que reprochez-vous à la sélection telle qu'elle est pratiquée en France, et notamment en classes préparatoires ?
Les prépas sont un scandale. Toute une vie se joue dès les premiers trimestres de première, voire un peu en terminale, à l'issue desquels on est ou pas accepté en prépa. Comment peut-on jouer sa vie à 16 ou 17 ans ? Comment tout peut-il se décider à un âge aussi difficile ? Ceux qui auraient bénéficié d'une stabilité familiale auraient tous les postes et pas les autres ?
Et ensuite, il faudrait travailler pendant 2 ans sur un principe d'humiliation. S'entendre dire "tu es nul, tu mérites 2/20" alors qu'on avait 18/20 en terminale ? On connaît trop d'élèves soufrant de troubles psychologiques en prépas. Sans compter la frustration que tous vivent finalement à l'exception de ceux qui sortent dans les meilleurs de Polytechnique ou de l'ENA.
Il faut mieux aller à l'université alors ?
Chez nous on trouve le meilleur de l'enseignement supérieur car nous avons les meilleurs enseignants. Beaucoup de jeunes s'épanouissent chez nous quand ils ne réussissaient pas forcément au lycée. Mais il faut parfois aussi savoir les aider comme nous le faisons en proposant des cours d'initiation au droit avant la rentrée de première année.
Tous les profils n'ont quand même pas leur chance à l'université. On prend souvent l'exemple des bacheliers professionnels dont un nombre très restreint y réussit.
Effectivement le lycée général a su repérer ceux qui avaient le plus de goût pour la chose intellectuelle et qui réussiront le plus facilement ensuite dans la plupart des filières. Pour autant certains bacheliers professionnels réussissent très bien dans notre filière comptabilité qui compte d'ailleurs 60% de boursiers.
On ne le sait pas toujours en dehors de la sphère des initiés des sciences économiques mais l'Ecole d'économie de Toulouse (Toulouse School of Economics), qui dépend de votre université, est considérée comme l'une des toutes meilleures au monde. Vous lancez cette année une école d'économie ouverte aux étudiants.
Pensez-vous être aujourd'hui un concurrent d'HEC ?
Pas pour les étudiants, pas encore du moins, mais pour les professeurs oui clairement. Nos chercheurs sont parmi les meilleurs au monde. Quant aux étudiants, nous les recrutons essentiellement parmi ceux de nos deux premières années de licence. Nous souhaitons ainsi créer une troisième voie, à mi-chemin entre les universités et les grandes écoles, sans le couperet des concours d'entrée et en privilégiant le contrôle continu. Le recrutement post bac+2 n'est pas celui du LMD (licence-master-doctorat) mais reste largement un modèle français axé sur les classes préparatoires, les DUT ou les BTS.
Les étudiants qui entrent dans votre école d'économie ont tous suivi un cursus de double compétence (économie et gestion, économie et droit, etc.). Souhaiteriez-vous généraliser ce dispositif à toutes les filières ?
Effectivement les 800 étudiants susceptibles d'intégrer notre nouvelle école ont tous suivi un double cursus que je voudrais bien généraliser. Par exemple en proposant à tous les étudiants de préparer une mineure dans un autre champ disciplinaire que celui où ils sont inscrits. En droit si on est inscrits en mathématiques, en sociologie si on est en droit, etc. En licence au moins il faut rester curieux !
Aux Etats-Unis j'ai récemment rencontré une étudiante française du MIT (Massachusetts Institute of Technology) qui avait suivi des cours d'histoire de l'art en même temps que de chimie. Résultat, sa thèse de doctorat de chimie portait sur la restauration des tableaux anciens. En France un tel parcours est impossible.
Les chercheurs en économie-gestion sont de plus en plus recherchés. Comment faites-vous pour les attirer à Toulouse ?
Les chercheurs ne sont pas des mercenaires. Ils sont avant tout sensibles à la reconnaissance. L'équipe de l'Ecole d'économie de Toulouse compte 150 personnes et c'est pour travailler au sein d'un environnement stimulant que des chercheurs viennent nous rejoindre du monde entier.
On parle beaucoup de rapprochements entre les universités, notamment dans le cadre des PRES (pôles de recherche et d'enseignement supérieur). Pensez qu'on doive aller vers une fusion des universités toulousaines, comme à Strasbourg par exemple ?
Ce serait une erreur de vouloir fusionner nos universités et de créer un ensemble de 80 000 étudiants qui ne pourrait pas fonctionner. Les universités toulousaines sont trop hétérogènes, nous avons trop de grandes écoles dépendant de ministères différents pour fusionner. Je crois plus à un modèle du type de celui Paris Sciences et Lettres (qui regroupe aussi bien l'université Paris-Dauphine que l'Ecole normale supérieure de Paris, Chimie Paris-Tech ou encore l'Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts) permettant de travailler ensemble et de développer la recherche.
Propos recueillis par Olivier Rollot
pour Le Monde.fr | 20.09.11 | 16h12
http://www.lemonde.fr/orientation-scolaire/article/2011/09/20/a-l-universite-on-trouve-le-meilleur-de-l-enseignement-superieur_1574946_1473696.html
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