Briller dans ce palmarès n'est pas seulement une question de prestige national. A la clé, il y a des milliards en jeu. Par Véronique Radier.
(Article publié dans l'hebdomadaire le 25 août 2011)
Evidemment, voir notre chère école Polytechnique reléguée au-delà du 300e rang mondial, cela fait toujours un peu mal.
La lecture du 9e classement de Shanghai, réalisé par l'université de Jiaotong en Chine, est toujours douloureuse pour la France. Ce n'est plus l'électrochoc des débuts, mais on reste loin de la partie de plaisir.
D'autant que nous glissons cette année du 6e au 8e rang mondial de ce palmarès, fondé sur l'excellence de la recherche (nombre de prix Nobel et autres récompenses, publications scientifiques...).
Des établissements plus "visibles"
Pour redresser la barre, le ministère de l'Enseignement supérieur s'est pourtant démené : autonomie des universités, grand emprunt, labos d'excellence, etc. Il a aussi poussé aux regroupements entre facs ou écoles pour créer des établissements plus "visibles".
En juillet, il a même convié une délégation de Shanghai à visiter nos Pres (Pôles de Recherche et d'Enseignement supérieur). "Certes la France recule dans le classement par pays mais, si rien n'avait été fait, nous perdrions sans doute encore plus de places", tempère Catherine Paradeise, sociologue à l'université de Marne-la-Vallée, auteure de plusieurs études sur le marché mondial de l'éducation.
Un classement peu pertinent ?
Mais le verdict reste désagréable. Et certains brandissent toujours "l'exception française" pour le justifier. Ainsi Bertrand Monthubert, en charge de ces questions au PS, affirme sur notre site Le Plus que, de l'avis même des auteurs du classement, celui-ci ne serait pas pertinent pour la France et l'Allemagne, en raison de leur organisation très différente des autres pays.
Sauf que les experts chinois disent exactement le contraire sur leur site internet. Ils revendiquent le sérieux et la pertinence de leur palmarès, y compris en ce qui concerne la France !
La simulation de Laurent Wauquiez
Quant à Laurent Wauquiez, le nouveau ministre de l'Enseignement supérieur, il donne dans la science-fiction.
Il a demandé aux classeurs de Shanghai de réaliser une simulation, comme si les ébauches de regroupement d'établissements en pôles de recherche et d'enseignement avaient été menées à bien.
Et de déclarer dans "Les Echos" : "Les résultats sont extraordinaires. Quatre regroupements pourraient intégrer directement le Top 50." On peut rêver.
L'industrie de l'éducation
Reste que l'enjeu est de taille, car l'éducation est devenue en moins de dix ans une "industrie" de poids pour de nombreux pays.
"En Grande-Bretagne, elle pèse autant que le secteur pharmaceutique. En Australie, c'est la deuxième industrie du pays, avec 320 000 étudiants étrangers, la Chine espère en faire venir 500 000, explique Richard Yelland, responsable de division à l'OCDE. Non seulement les étudiants étrangers paient des frais d'inscription, mais ils vivent et logent dans le pays d'accueil."
Un marché en plein essor
"L'an passé, 3,3 millions d'étudiants avaient choisi de s'inscrire dans une université hors de leur pays. Nous pensons que ce chiffre va encore doubler d'ici à 2020."
Et ce n'est pas tout. Shanghai, qu'on le veuille ou non, fait office d'agence de notation pour les Etats en matière d'enseignement supérieur, mais aussi de recherche.
Catherine Paradeise assure : "Etre bien placé dans ces classements est devenu primordial pour décrocher des marchés internationaux, attirer des entreprises, des investisseurs..." Mieux vaut se le tenir pour dit !
Véronique Radier - Le Nouvel Observateur
Publié le 22-09-11 à 11:47 Modifié le 23-09-11 à 14:38 par Le Nouvel Observateur
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/economie/20110922.OBS0868/pourquoi-le-classement-de-shanghai-nous-fait-mal.html
(Article publié dans l'hebdomadaire le 25 août 2011)
Evidemment, voir notre chère école Polytechnique reléguée au-delà du 300e rang mondial, cela fait toujours un peu mal.
La lecture du 9e classement de Shanghai, réalisé par l'université de Jiaotong en Chine, est toujours douloureuse pour la France. Ce n'est plus l'électrochoc des débuts, mais on reste loin de la partie de plaisir.
D'autant que nous glissons cette année du 6e au 8e rang mondial de ce palmarès, fondé sur l'excellence de la recherche (nombre de prix Nobel et autres récompenses, publications scientifiques...).
Des établissements plus "visibles"
Pour redresser la barre, le ministère de l'Enseignement supérieur s'est pourtant démené : autonomie des universités, grand emprunt, labos d'excellence, etc. Il a aussi poussé aux regroupements entre facs ou écoles pour créer des établissements plus "visibles".
En juillet, il a même convié une délégation de Shanghai à visiter nos Pres (Pôles de Recherche et d'Enseignement supérieur). "Certes la France recule dans le classement par pays mais, si rien n'avait été fait, nous perdrions sans doute encore plus de places", tempère Catherine Paradeise, sociologue à l'université de Marne-la-Vallée, auteure de plusieurs études sur le marché mondial de l'éducation.
Un classement peu pertinent ?
Mais le verdict reste désagréable. Et certains brandissent toujours "l'exception française" pour le justifier. Ainsi Bertrand Monthubert, en charge de ces questions au PS, affirme sur notre site Le Plus que, de l'avis même des auteurs du classement, celui-ci ne serait pas pertinent pour la France et l'Allemagne, en raison de leur organisation très différente des autres pays.
Sauf que les experts chinois disent exactement le contraire sur leur site internet. Ils revendiquent le sérieux et la pertinence de leur palmarès, y compris en ce qui concerne la France !
La simulation de Laurent Wauquiez
Quant à Laurent Wauquiez, le nouveau ministre de l'Enseignement supérieur, il donne dans la science-fiction.
Il a demandé aux classeurs de Shanghai de réaliser une simulation, comme si les ébauches de regroupement d'établissements en pôles de recherche et d'enseignement avaient été menées à bien.
Et de déclarer dans "Les Echos" : "Les résultats sont extraordinaires. Quatre regroupements pourraient intégrer directement le Top 50." On peut rêver.
L'industrie de l'éducation
Reste que l'enjeu est de taille, car l'éducation est devenue en moins de dix ans une "industrie" de poids pour de nombreux pays.
"En Grande-Bretagne, elle pèse autant que le secteur pharmaceutique. En Australie, c'est la deuxième industrie du pays, avec 320 000 étudiants étrangers, la Chine espère en faire venir 500 000, explique Richard Yelland, responsable de division à l'OCDE. Non seulement les étudiants étrangers paient des frais d'inscription, mais ils vivent et logent dans le pays d'accueil."
Un marché en plein essor
"L'an passé, 3,3 millions d'étudiants avaient choisi de s'inscrire dans une université hors de leur pays. Nous pensons que ce chiffre va encore doubler d'ici à 2020."
Et ce n'est pas tout. Shanghai, qu'on le veuille ou non, fait office d'agence de notation pour les Etats en matière d'enseignement supérieur, mais aussi de recherche.
Catherine Paradeise assure : "Etre bien placé dans ces classements est devenu primordial pour décrocher des marchés internationaux, attirer des entreprises, des investisseurs..." Mieux vaut se le tenir pour dit !
Véronique Radier - Le Nouvel Observateur
Publié le 22-09-11 à 11:47 Modifié le 23-09-11 à 14:38 par Le Nouvel Observateur
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/economie/20110922.OBS0868/pourquoi-le-classement-de-shanghai-nous-fait-mal.html
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