dimanche 7 août 2011

L'été arabe se fait attendre




Agrandir

(Québec) Trois ou quatre titres pour mieux comprendre le printemps arabe. Un printemps qui tarde à céder sa place à l'été.




Agrandir




Agrandir


On commence avec l'écrivain marocain Tahar Ben Jelloun, prix Goncourt en 1987 pour La nuit sacrée.

Chez Gallimard il publie L'étincelle, un essai de 128 pages.

C'est plutôt une réflexion aux accents lyriques qu'un essai.

Selon Tahar Ben Jelloun, les islamistes ont raté le coche : «Ce printemps signe la défaite de l'islamisme. Cette fois-ci les Arabes ont pris leur destin en main et ont décidé de monter dans le train de la modernité sans évoquer d'alibi, sans culpabiliser le reste du monde.»

Mettant sur le même pied ce qui s'est passé en Tunisie et en Égypte, il écrit : «Comme les Tunisiens, les manifestants égyptiens ont adopté le fameux Dégage!. Une révolution qui s'est faite avec un mot français, pendant que la France et ses hommes politiques étaient dépassés.»

Le problème avec ce livre, c'est qu'il a été écrit à chaud. Sans le recul nécessaire à une analyse rigoureuse et objective. Tahar Ben Jelloun est bien le seul à croire que les islamistes observent le spectacle en restant les bras croisés.

Toujours chez Gallimard, il publie une nouvelle d'une quarantaine de pages, Par le feu, dans laquelle il reconstitue les jours qui ont précédé le sacrifice de Mohamed Bouazizi.

Mohamed Bouazizi est ce jeune vendeur ambulant de Sidi Bouzid dont la tentative de suicide par immolation le 17 décembre a été à l'origine des émeutes qui ont déclenché la révolution tunisienne. Il est mort trois semaines plus tard.

Extrait : «Mohamed est un héros, une victime et un martyr. Son histoire n'appartient à personne; c'est l'histoire d'un homme simple, comme il y en a des millions qui, à force d'être écrasé, humilié, nié dans sa vie, a fini par devenir l'étincelle qui embrase le monde.»

On reste en Tunisie avec Jacques Lanxade. Chez France-Empire, il publie Demain la Tunisie.

Militaire de carrière, cet ancien ambassadeur de France en Tunisie a été conseiller militaire de François Mitterrand et chef d'état-major des armées.

Quand il était jeune, il a vécu et il a étudié à Bizerte, en Tunisie.

L'intérêt de ce livre de 176 pages? Soutenant que le printemps arabe est un événement aussi important et aussi lourd de conséquences que la chute du mur de Berlin, Jacques Lanxade s'efforce d'évaluer l'influence que pourraient avoir les révolutions tunisiennes et égyptiennes sur le reste du monde arabe.

Jacques Lanxade aurait dû attendre avant de publier ce livre.

En effet, huit mois ont passé et le monde arabe n'a pas été entraîné dans un vaste et irrépressible mouvement de libération. Ce qui retient l'attention, aujourd'hui, c'est l'enlisement militaire en Libye, ce sont les massacres en Syrie, ce sont les économies tunisiennes et égyptiennes dévastées par la désertion des touristes.

Finalement, le livre le plus intéressant sur ce fameux printemps arabe est celui de Robert Solé : Le pharaon renversé. Un reportage de 256 pages publié par Les Arènes.

Né et éduqué en Égypte jusqu'à l'âge de 18 ans, Robert Solé est un journaliste français qui a fait carrière au journal Le Monde. Il a aussi publié de nombreux livres : romans, essais, beaux livres, etc.

C'est un grand écrivain.

Dans Le pharaon renversé, il raconte les dix-huit jours qui ont changé l'Égypte et abouti à la démission de Hosni Moubarak.

Contrairement à Tahar Ben Jelloun qui s'enorgueillit à l'idée que la révolution égyptienne se soit faite avec un mot français, Robert Solé écrit : «Abdel Méguid, un cadre bancaire, brandit une pancarte en français, inspiré de la Tunisie, qui aura les honneurs des médias francophones : Moubarak dégage. Cela donnera l'illusion d'une forte présence de la langue de Molière en Égypte, alors que la francophonie y a beaucoup reculé.»

Et, toujours contrairement à Tahar Ben Jelloun qui prétend que les islamistes ont raté le coche, Robert Solé constate que les Frères musulmans sont sortis de l'ombre et ont largement gagné leurs galons de révolutionnaires.

Ils sont devenus la force politique avec laquelle doit composer la junte militaire qui tient encore l'Égypte en main.


Didier Fessou
Le Soleil

Publié le 07 août 2011 à 05h00 | Mis à jour à 05h00     

http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/arts-et-spectacles/livres/201108/06/01-4424023-lete-arabe-se-fait-attendre.php

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire