lundi 4 avril 2011

Réseautage social à des fins éducatives

par Professeur Mohamed Rached Boussema, Ecole nationale d’ingénieurs de Tunis

Les réseaux sociaux au cœur de l’Internet
Dans un monde qui change à grande vitesse, l’avenir appartiendra aux sociétés riches en créateurs et aux personnes qui sauront mettre à jour leurs savoirs et innover. De leur côté, les technologies d’information et de communication (TIC) évoluent, elles aussi, rapidement dans de multiples dimensions, notamment mobile, sociale et en temps réel. Nous sommes, en effet, à l’ère du Web 2.0 qui est plus avancé technologiquement que son prédécesseur et permet une interaction régulière et constante avec les utilisateurs. C'est un web participatif où chacun peut donner son avis et mettre ses réflexions en ligne. On dit qu’il est en train de devenir plus social grâce aux réseaux sociaux qui font partie des nouveaux outils du Web 2.0.
Ces deux dernières années, les réseaux sociaux constituent un phénomène remarquable de société, de communication et un lieu commun de partage de l’information et de circulation de contenus. Le temps passé par les internautes sur ces sites se compte en plusieurs heures. Leur audience se chiffre à des centaines de millions dans le monde. On dénombre, en effet, plus de 900 millions d'utilisateurs répartis dans plus de 200 pays. Plus de 70% des internautes sont membres d'au moins un réseau social. En Tunisie, plus d’un million d’utilisateurs sont semble-t-il sur Facebook. Il est particulièrement attrayant pour les jeunes.
Les sites des réseaux sociaux sont des services Web qui permettent à un individu de construire un profil public, de définir une liste d’utilisateurs avec lesquels il va partager des connexions, et de visualiser et de parcourir la liste de leurs connexions et celles faites par d'autres au sein du système. La nature et la nomenclature de ces connexions peuvent varier d'un site à un autre.
Ils comportent généralement une messagerie instantanée et une plateforme de blogging ou de micro-blogging. Ils servent à se faire des amis qui sont les abonnés et à prendre part à des discussions. Des applications sont créées autour d’eux par des développeurs Web. Ces applications peuvent être gratuites ou payantes.
Les réseaux sociaux ont mis en œuvre un large éventail de caractéristiques techniques. Ce qui les caractérise, c’est leur contenu, leur vocabulaire, leurs outils, leurs abonnés, leurs listes, la gestion de leur profil, la gestion de leurs applications, etc. Le contenu, c’est du texte, des images et des vidéos, à partager.
A ce jour, il y a des centaines de sites de réseaux sociaux, avec divers apports technologiques, soutenant un large éventail d'intérêts et de pratiques. Bien que leurs principales caractéristiques techniques sont les mêmes, les cultures qui se dégagent de ces sites sont variées. Alors qu’ils sont souvent conçus pour être largement accessibles, de nombreux réseaux sociaux attirent d'abord des populations homogènes, il n'est pas rare en utilisant des sites de trouver des groupes séparés par nationalité, âge, niveau d'instruction, ou autres facteurs, même si ce n'était pas l'intention des concepteurs.
Certains des réseaux sociaux sont généralistes comme Facebook, d’autres sont professionnels comme Linkedln et certains sont désormais disponibles sur les « smartphones ».
La gratuité d’accès et d’utilisation est l’un des piliers des réseaux sociaux personnels. L’option de les rendre payants serait même inconcevable, s’ils ne veulent pas que les internautes se détournent d’eux ou de se reporter sur des équivalents gratuits.
Il n’y a pas, non plus, de contrôles d’identité. Le premier réseau social qui mettra en place des contrôles d’identité réels à l’inscription se suicidera. La raison est toute simple, un réseau social existe d’abord parce qu’il offre un espace de liberté suffisant à ses utilisateurs pour leur permettre de changer d’identité.
Aussi, il n’y a pas d’authentification forte. Probablement, il n’y en aura jamais. Parce que, tout simplement, l’authentification forte contredit le principe de la gratuité des réseaux sociaux.

« Danger » des réseaux sociaux
Beaucoup d’encre a coulé ces dernières années à propos des réseaux sociaux. Le sujet est encore mal compris. Les commentaires sont rarement positifs. L’engouement pour ces médias a soulevé de nombreuses inquiétudes. Certains voient « la cybercriminalité » partout et mettent en garde contre leur exploitation. Pour eux, toutes les menaces augmentent et les réseaux sociaux sont une arme à double tranchant.
Ces inquiétudes ont bien des raisons. D’abord, les réseaux sociaux ont axé leur développement en privilégiant la convivialité au détriment de la sécurité et de la confidentialité. Ils ne permettent pas de protéger efficacement les données personnelles de leurs utilisateurs. Tout ce qui s’écrit ne peut être effacé du Web. Les comptes des utilisateurs peuvent être usurpés en masse par les criminels. La frontière entre vie privée et communication publique est parfois difficile à saisir. Or lorsque la zone de vie privée se rétrécie, le risque de vol d'identité ainsi que l'éventualité de contacts indésirables grandissent.
Ensuite, c’est de par la nature même du service et de sa conception qui sont certes différentes d’un réseau social à un autre. Ils ont néanmoins un point commun, c'est qu’ils créent tous des liens entre les individus. A chacun sa manière. Le point de départ est la liste « amis communs ». Celle-ci a ses inconvénients. Elle peut révéler des amitiés ou des relations qu’on voudrait laisser discrètes. De même, des connaissances recueillies au hasard peuvent se révéler inopportunes voire dangereuses.
De par cette conception, les réseaux sociaux deviennent une source inépuisable de collecte de données à caractère personnel permettant de les croiser et de les analyser. Le débit d'information va encore croître dans le futur, rendant de plus en plus vulnérables les utilisateurs de ces nouveaux médias aux échecs des protections de leurs données personnelles.
Les plus sceptiques s'interrogent, par conséquent, sur le revers évident d'une telle expansion concernant la vie privée. Ils les voient en train de bousculer et de remettre en question des valeurs et des croyances que l’on pensait jusqu’ici bien établies. Pour eux, les réseaux sociaux sont destructeurs de valeur.
Mais les adeptes répondront : que chacun sache gérer sa « vie numérique » ! Les dangers existent mais découlent du niveau faible de compétence des utilisateurs ainsi que de leur méconnaissance des mesures de protections de leurs données personnelles. Les utilisateurs ne connaissent que très peu la façon dont leurs données personnelles sont exploitées. Pour de nombreux utilisateurs, la liste des amis communs est devenue une partie intégrante de leur vie numérique.
Ils mettent en exergue les avantages des activités de réseautage social, bien que basées sur des profils personnalisés, ont une conception qui favorise les interactions, le partage des ressources, la mise en œuvre d’activités de collaboration, etc.

Les réseaux sociaux sont-ils inévitables ?
La situation à laquelle se trouvent les réseaux sociaux aujourd’hui rappelle celle des télévisions par satellite à la fin des années 1980 où des débats furent intenses sur des questions qui relèvent de la souveraineté des pays. Certains se posaient la question du comment empêcher leur arrivée et sur leur rôle néfaste. Qu’en est-il aujourd’hui ? Il me semble que les réseaux sociaux comme phénomène universel sont inévitables et qu’une réflexion approfondie serait nécessaire voire urgente pour les rendre profitables.
Sous une apparente simplicité, ils sont particulièrement complexes. Ils sont parfois difficiles à appréhender. Sans tomber dans leur apologie, essayons d’examiner ce qui milite en leur faveur.
D’abord, il s’agit d’un phénomène mondial. Le monde entier se trouve dans ces réseaux. Peut-on arrêter ce phénomène ? On s’étonne de leur croissance fulgurante avec des milliers de nouveaux inscrits par jour.  Qu'est-ce qui motive ces nouvelles inscriptions? Est-ce un phénomène de mode ? Probablement jamais une technologie ne s’est répandue aussi rapidement que ces réseaux. D’autant plus que ces technologies sont entre les mains de tout âge.
Je dois cependant l'avouer, je ne pensais pas qu'il fut possible que ces sites maintinrent pareille croissance. Toutes les modes passent à un moment ou un autre, et les réseaux sociaux ne devaient pas échapper pas à la règle. Je pensais que ces sites aller finir par atteindre un niveau maximum pour ensuite subir une perte de vitesse.
Or, rien ne préfigure qu’ils vont cesser de grossir et d'atteindre leur apogée de sitôt. Ils sont en passe de faire partie intégrante de l'infrastructure même du Web, de devenir aussi indispensables à notre navigation quotidienne que Google ou les emails. Ils tentent de centraliser toutes les activités effectuées sur le Web. Ils deviennent de plus en plus des « services d'identification universels ». Le succès de Facebook n’est-il pas en train de le transformer graduellement en un service d'identification universel, donc un site unique sur lequel sont stockés toutes les relations, les commentaires, les photos et les statuts ? Certains prévoient déjà que peut-être dans un futur pas si éloigné, le Web ne sera plus qu'une simple extension de Facebook.
C’est aussi un phénomène incontournable. Les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés dans de nombreux domaines. Observons les enjeux de l’utilisation de ces réseaux sur les entreprises. Il semblerait en effet que ces dernières s'y mettent également pour étendre leur influence, recruter et communiquer. Les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés comme un outil pour faire leur promotion. Celles qui jouent le temps ne vont plus pouvoir satisfaire leurs employés, leurs clients, leurs partenaires… Ces derniers peuvent changer d’entreprise, car , tous exigent désormais la facilité de communication que procurent les réseaux sociaux. 80 % des grandes entreprises mondiales communiquent aujourd’hui avec leur clientèle grâce aux réseaux sociaux.
Ils sont aussi utilisés pour trouver un emploi. Certains, destinés aux jeunes diplômés, favorisent la mise en relation avec les entreprises. En politique, plusieurs gouvernements et instances politiques sont d’ores et déjà présents sur les principaux réseaux sociaux.
En plus du large spectre d’utilisations, il y a beaucoup de potentiel en eux pour aller au-delà de ce que nous connaissons à ce que nous savons en commun. Une nouvelle culture se développe, celle du partage. Ce désir de partager est bien réel. Si l'on commente un article ou qu'on publie une photo, c'est bien pour partager son opinion ou un morceau de sa vie avec, potentiellement, le monde entier.
Le potentiel de ces nouvelles technologies de communication ne pouvait pas, en bonne logique, échapper à nos écoles et nos universités. Très peu d’écrits étaient consacrés au lien des réseaux sociaux avec le monde de l’éducation. Peut-être à cause des raisons évoquées plus haut.

Les réseaux sociaux doivent-ils entrer à l'école ?
Les écoles doivent-elles ou ne doivent-elles pas bloquer l'accès aux réseaux sociaux ? Doivent-elles interdire ou ne pas interdire aux élèves ainsi qu’aux enseignants l’utilisation de ces sites ? S’agit-il de vouloir préserver leurs salles de classe des dangers associés aux réseaux sociaux ? Quelle réponse doivent-elles adopter face à ce phénomène rampant ? Est-ce le silence ? Est-ce la répression ?
Au regard de la formidable énergie intellectuelle et sociale que les jeunes investissent dans ces médias, une attitude négative ne serait-elle pas de courte vue ? Au lieu de chercher et imaginer des façons de réprimer cette énergie, ne serait-il pas mieux de commencer à envisager des façons de la rediriger, afin qu'elle soit dépensée dans la salle de classe plutôt qu'à l'extérieur ? Pourquoi ne pas essayer de construire un pont entre le monde des réseaux sociaux et celui de la salle de classe ?
Il est facile de constater que les jeunes développent une vie sociale virtuelle avec ces réseaux sociaux. Devons-nous être contre l'intervention des écoles dans leurs activités ? Fermer la porte de la salle de classe aux médias sociaux ne fera que rendre plus vide de sens le monde virtuel. Il y a 100 ans déjà, John Dewey (1) avait prévenu que quand les enseignants supprimaient les sujets naturels d'intérêt des enfants dans la salle de classe, ils «remplaçaient l'enfant par l'adulte, et ainsi affaiblissaient la curiosité et la vivacité intellectuelles, supprimant l'initiative et tuant l'intérêt». Interdire les réseaux sociaux à l'école, ne revient-il pas à commettre exactement la même erreur ? Ne vaudrait-il pas plutôt s’attacher à rencontrer les jeunes là où ils vivent, c’est-à-dire sur le web ?

Quelles sont les raisons qui motivent le recours aux réseaux sociaux dans les écoles ?
Des études ont montré que grâce aux environnements technologiques et à des pratiques innovantes, les réseaux sociaux sont à l’origine de nouvelles pédagogies qui favorisent l’acquisition par les élèves de compétences transversales, nécessaires au 21e siècle. "Nous nous sommes aperçus que les étudiants qui utilisent les réseaux sociaux acquièrent précisément le type de compétences qu’on attend d’eux au 21e siècle pour réussir", lisait-on sur le site de l’Atelier (2).
Grâce à ces médias, les jeunes développent en effet un savoir-faire technologique non négligeable : téléchargement mais aussi édition et modification de contenu. Ils doivent être encouragés et aidés à approfondir leurs compétences et habilités acquises sur Internet. C’est désormais aux parents et aux éducateurs de se saisir de ce potentiel éducatif. En tant qu’éducateurs, nous avons le devoir d’être non pas des technophiles, non plus que des technophobes, mais des « technologues humanistes », pour reprendre l’expression de Joël de Rosnay (3).
Ainsi, fréquenter les réseaux sociaux serait un moyen pour les élèves d’acquérir de nombreuses compétences. Lesquelles ?
Il est admis aujourd’hui que l’école est appelée à former les élèves pour qu’ils soient capables de développer des méthodes de travail efficaces, de défendre un point de vue, de travailler en collaboration avec d’autres et d’utiliser les ordinateurs. Ces compétences se développent dans toutes les disciplines. Elles sont en quelque sorte ce qui permet d’apprendre à apprendre. Devauchelle écrivait (4) que «la société de la connaissance ne le sera que pour ceux qui sauront apprendre». C’est aussi le concept de «la capacité d’adaptation», qui est mis de l’avant. Thibert ajoutait (5) : «Oui, il faut former à l’école des gens capables d’être autonomes par la suite, de transférer des connaissances, des compétences dans d’autres domaines, des gens capables d’adaptation…». Il a un credo, emprunté à Charles Darwin : «Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements.»
La créativité, l’adaptabilité, la collaboration ou la construction collective ou collaborative de connaissances et bien entendu le « savoir apprendre » font partie de ces compétences transversales attendues de toutes les utilisations possibles des outils des réseaux sociaux. Elles sont novatrices et la portée de leur utilisation a été très variée, complexe et innovante. Cela sonne un peu comme le défi de la qualité de l'enseignement en général : comment encourager les élèves à devenir plus actifs et plus créatifs dans leur engagement dans le processus d'apprentissage, plutôt que de simplement suivre les sentiers infructueux de la passivité.
Il serait donc primordial de s’attacher à promouvoir création et invention au sein de l’éducation. Avec les TIC, la démonstration de l’adaptabilité n’est plus à faire. Il s’avère aussi que la construction collective ou collaborative de connaissances est largement facilitée. Plus que jamais, les jeunes, élèves ou étudiants, ont accès à des environnements collaboratifs qui favorisent le partage et la co-construction des connaissances. Les sites comme Wikipédia contiennent de plus en plus de contenu et d’approches susceptibles d’enrichir l’expérience d’apprentissage des étudiants. Cependant, ouvrir les pratiques pédagogiques vers une « co-créativité ouverte et libre dans le temps » exige un « contrôle plus horizontal ». C’est la base du concept de « l'intelligence collective ».
Cela signifie-t-il que les réseaux sociaux vont se situer au cœur d’un changement au niveau de l’enseignement et de l’apprentissage ?
La compréhension et la maîtrise des environnements technologiques actuels et futurs à la base du Web 2.0 et des réseaux sociaux ainsi que les outils Web 2.0 envisageables pour l’éducation sont aujourd’hui indispensables. L’identification des liens de complémentarité et/ou de substituabilité entre les environnements numériques d’apprentissage officiels mis en place par les établissements scolaires et universitaires et les environnements Web 2.0 centrés sur les apprenants sont plus que nécessaires. De même, il faut prendre connaissance des pratiques innovantes faisant appel aux outils du Web 2.0 et identifier des pistes de recherche qui pourraient enrichir les connaissances. Nous faisons même face à un véritable défi à la conception pédagogique.

Y a-t-il de nouvelles pédagogies avec les réseaux sociaux ?
Les réseaux sociaux sont ils à la source de nouvelles pédagogies ou ne sont ils qu’un outil ? Parviendraient-ils à trouver une place dans l’activité pédagogique ? Doivent-ils s’y adapter ?  S’agit-il plutôt de pédagogies favorisant l’intégration des réseaux sociaux en milieu scolaire ? Invitent-ils à faire des choix pédagogiques ou imposent-ils certains selon les choix de technologies faits ? Peut-on déterminer les impacts de leur utilisation par les jeunes sur la conception et la conduite des cours, sur les systèmes d’encadrement et sur le système scolaire et administratif ? La littérature commence à être riche par des exemples réussis de l’usage des réseaux sociaux à des fins éducatives.
Il est possible d’affirmer, d’ores et déjà, qu’intégrer les réseaux sociaux dans un environnement d’enseignement et d'apprentissage exige nécessairement de l'innovation pédagogique. Il y a toute une gamme d’expériences pédagogiques à développer avec ces outils dans des situations d'enseignement ou d’apprentissage telles que les tâches et les ressources pédagogiques, la pratique du tutorat, etc. Par conséquent, les enseignants sont mis au défi d’amener les élèves à un niveau supérieur de collaboration et de la créativité dans ce domaine.
Ensuite, ces médias provoquent les pratiques pédagogiques car ils ouvrent des possibles inimaginables il y a vingt ou trente années. Ils peuvent permettre d’envisager des évolutions pédagogiques. L’intégration des outils audio et vidéo peut favoriser la compréhension et la production orales chez les étudiants, si souvent oubliées ou remplacées par la pratique écrite. Ils apportent aussi  une interactivité en temps réel. Dans une autre configuration, le réseau social peut être perçu comme une salle virtuelle des professeurs où les enseignants peuvent accéder en quelques secondes à des liens, des idées, des opinions et des ressources à partir d'une sélection triés sur le volet des professionnels mondiaux.
Les véritables défis sont d'être capables de créer du contenu, des discussions et des relations intéressantes avec autrui.

Les exemples d’intérêt pour l’éducation.
Dans certains pays, les réseaux sociaux sont utilisés d’abord pour un apprentissage en réseau. Les enseignants reproduisent les fonctionnalités de ces sites qui permettent d’opérer des connexions entre les étudiants et de partager ce qu’ils peuvent créer comme produits (les vidéos, les logiciels, …).  Ils peuvent aussi gérer les projets en sélectionnant le contenu et les conversations les plus intéressantes. Ainsi, si un étudiant crée une entrée, d'autres pourraient travailler en équipe pour réviser sa contribution ou pour l'incorporer dans un projet plus large. Les étudiants peuvent de la sorte être mobilisés par des activités « fédératives » s’adressant à un large public, plutôt qu’à des intérêts spécifiques. La « communauté » est ainsi nourrie d’information sur les activités et les contenus. Le contenu doit donner un bénéfice direct et rapide aux membres. Dans ce contexte, l’institution et ses professeurs sont créateurs et diffuseurs de savoir.
Comme autre intérêt, les écoles en profitent pour capitaliser sur l'expertise technique de leurs étudiants. Elles leur demandent par exemple de créer des outils et des applications adaptées aux média sociaux afin de créer et de partager des projets.  Les projets ainsi réalisés sont ensuite mis sur le site web de l'école. Il a été possible, dans certains cas et grâce à ces pratiques, d’identifier des étudiants à potentiel (scientifique, artistique, pratique ou autre) et de les aider à développer ce potentiel.
Il a été aussi possible à certaines universités de développer « une communauté de pratique » des diplômés intéressés par un thème donné. Les diplômés y sont inscrits, de même que les professeurs. Ils peuvent ainsi avoir un contact plus fréquent parce que reliés aux intérêts des membres et s’échanger des contenus.
Dans d’autres cas, les réseaux sociaux ont même pu aider des étudiants qui avaient des problèmes de socialisation ou d’intégration, en leur apportant de nouvelles façons de communiquer. Avec un bon encadrement, les jeunes peuvent faire évoluer leur comportement en développant une capacité à fédérer, des aptitudes au compromis, un esprit constructif, une tendance à partager ses informations ou, en abandonnant une agressivité stérile... Ils peuvent aussi être incités à être « auteur » dans leur environnement à l’aide d’outils d’expression ou collaboratifs et à concevoir des activités à réaliser en collaboration.
Une étude réalisée par des chercheurs en technologies de l’éducation à l’Université du Minnesota (2) montre que les réseaux sociaux peuvent être de formidables outils éducatifs. Ils permettent l’acquisition de compétences technologiques. Les autres motivations citées sont notamment la créativité ainsi que le fait d’être ouvert à la nouveauté et à des opinions différentes.
D’autres types d’activités, pas nécessairement d’apprentissage, ont été mises en œuvre pour développer l’esprit relationnel, le réseautage, le mentorat, des moyens de communication pour le groupe, mais aussi le sens d’un intérêt commun à partager, un intérêt à faire progresser le savoir du groupe, le souhait de partager des expériences, des outils, des pratiques, etc.

Les expériences étrangères
Facebook a démarré au début de 2004 comme un site de réseau social de l’Université de Harvard. Les réseaux sociaux sont ainsi un pur produit des universités. Pour adhérer à ce réseau, un utilisateur devait avoir une adresse e-mail harvard.edu. Le site a été ainsi perçu  à ses débuts comme représentant une communauté fermée, intime et privée. A partir de Septembre 2005, Facebook s’est élargi pour inclure les élèves du secondaire, les professionnels des entreprises, et finalement, tout le monde.
Par la suite, des plateformes de réseautage social ont été développées spécifiquement  pour l’éducation, notamment au Canada. Elles fournissent les fonctionnalités qui permettent de gérer son propre site de réseau social, qu'il soit publique (comme Facebook) ou en interne sur un intranet en réseau (comme Microsoft Sharepoint). Elles sont généralement des produits open source et à téléchargement gratuit. A titre d’exemple, LL4Schools (6) est un environnement social anglais d'apprentissage pour les écoles qui utilise la plate-forme de Elgg  (7) qui, lui-même, comprend une gamme d'outils Web 2.0 (blogs, forums, wikis, stockage de fichiers, flux RSS, signets sociaux, galerie de photos, etc.), en plus de la possibilité de créer des communautés d'utilisateurs et, bien sûr, d’avoir des «amis». Ces plateformes constituent un environnement sûr pour explorer le potentiel pédagogique des réseaux sociaux. C’est en quelque sorte la création d’un réseau social soutenu par une infrastructure à accès contrôlé.

La sécurité passe par l’éducation numérique
La pratique du «réseautage social» devient par conséquent courante. D’utile, nous l’avons vu, elle risque de devenir dangereuse compte tenu des informations publiées. Il est important d’être conscient des risques que cela implique. Par ailleurs, décourager l'usage pur et simple des réseaux sociaux n'aurait pas forcément de sens. Développer une véritable éducation numérique serait plus utile. Il est important d’expliquer aux utilisateurs les menaces qui découlent d'une utilisation non réfléchie des réseaux sociaux. Il est important aussi de les sensibiliser au contrôle des informations qu’ils diffusent. C’est pourquoi l’utilisation des réseaux sociaux devrait faire l’objet d’une éducation numérique auprès de chaque internaute.
La formation sur les risques numériques est donc nécessaire, car elle porte à la fois sur l'aspect technique mais aussi sur l'approche stratégique de la défense. Il faut faire de la formation et de la prévention partout, dans les entreprises, les écoles, auprès des parents. Tous doivent être sensibilisés au risque numérique.
Il est aussi nécessaire d’introduire à l’école l’apprentissage des règles d’utilisation et de précaution vis-à-vis de ces médias. Selon une enquête menée au Royaume-Uni (8), les élèves sont moins vulnérables aux cyberdangers à long terme quand ils ont plus de liberté sur le Web à l’école. Les auteurs du rapport d’enquête concluent que les systèmes de contrôle qui « gèrent » le contenu en ligne sont plus sécuritaires que ceux qui le « verrouillent ». Cette modalité « oblige les élèves à assumer leur propre responsabilité ».
Les élèves deviennent ainsi outillés pour qu’ils apprennent à travailler avec les cyberdangers sans danger. Ils acquièrent progressivement des compétences qui les aident à adopter des pratiques sécuritaires, même quand ils ne sont pas supervisés. Ils sont aidés, dès leur jeune âge, à évaluer le risque d’accéder à certains sites.
Le rapport fait l’éloge des écoles qui ont adopté une politique qu’ils ont appelée « Réfléchis avant de cliquer ». La politique encourage les élèves à se poser des questions telles que «Suis-je sûr que ces personnes sont bien comme elles prétendent l’être ? » et « Quelles sont les informations que je peux dévoiler sur Internet à mon sujet ? ».
Le défi devient alors de savoir comment encourager davantage de jeunes à utiliser les outils activement plutôt que passivement - l'utilisateur contrôle l'outil, plutôt que l'outil de dicter l'activité de l'utilisateur.

Conclusion
Globalement, il est encore tôt d’évaluer l’impact des réseaux sociaux sur  notre vie quotidienne, notre identité culturelle, nos modes de consommation, les médias, etc. Nous ne pouvons qu’apprécier partiellement leurs tendances et les utilisations possibles à court et à moyen terme.
Dans le domaine éducatif, une réponse appropriée à l’utilisation de ces outils de réseautage social n'est pas, à mon avis, de les rejeter comme non pertinents à l’enseignement et l'apprentissage, mais plutôt d’en tirer profit du fait que de nombreux étudiants sont déjà familiers avec l'utilisation passive du réseautage social et de les encourager à développer des utilisations plus innovantes. Ils veulent participer et il serait plus judicieux de garantir leur participation en classe.
Nous avons vu que les précurseurs de ces outils les considèrent comme un service au bénéfice de l’« intelligence collective ». Ils exploitent les technologies de la communication leur conférant une capacité d’unifier les efforts et de générer des activités humaines à valeur ajoutée, une synergie du partage. On s’aperçoit de plus en plus de la synergie éducative des réseaux virtuels.
Ainsi, les réseaux sociaux peuvent jouer un rôle bienfaiteur dans le domaine de l'éducation (enseignement et apprentissage), car ils favorisent la communication réelle, le travail collaboratif entre les enseignants et les étudiants et le développement de contacts interculturels. Ils ont la capacité de coconstruire le savoir. Il est important d’une part de rester contemporain et de suivre le progrès et d’autre part, de rester conscient de leurs pièges. Une telle conscientisation passe nécessairement par l’école. Notre école est-elle prête ?
L’éducation et les réseaux sociaux sont donc un monde à réinventer. On ne doit pas prendre cela à la légère. Peut-être que nous ne saisissons toujours pas les changements importants dans ce monde numérique. Avec le Web 2.0, une nouvelle culture, pouvant être appelée « Culture 2.0 », basée sur la communication, le relationnel et le partage est en train d’émerger. Bien au-delà de l’outil, c’est un élément du changement culturel qui s’opère sous nos yeux. Le système éducatif doit s’en emparer.

Références
(1) John Dewey. L'école et l'enfant (1913), Fabert, 2004
(2) L'Atelier BNP Paribas, 23 juin 2008. http://www.atelier.fr/usages/10/23062008/reseaux-sociaux-bons-education-universite-minnesota-36730-.html
(3) Joël de Rosnay, Le Carrefour du future, 2010. http://www.cite-sciences.fr/derosnay/
(4) Bruno Devauchelle. Créativité, construction collective de connaissances, adaptabilité : vers une société autodidacte ? Site web « Veille et Analyse TICE ». http://www.brunodevauchelle.com/blog/?p=327
(5) Rémi Thibert. Former des autodidactes ? Blog. 2009. http://thibert.apinc.org/2009/04/27/former-des-autodidactes/
(6) http://www.ll4schools.co.uk/
(7) http://elgg.org/
(8) RIRE (Réseau d’information pour la réussite éducative). Les élèves doivent apprendre à gérer les risques du Web. 11 février 2010. http://rire.ctreq.qc.ca/2010/02/les-eleves-doivent-apprendre-a-gerer-les-risques-du-web/




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