mercredi 3 août 2011

Sept mois plus tard, où en sont les révolutions ?

C’est un mouvement en dents de scie, progressant dans un sens positif comme en Tunisie, marquant a priori le pas comme en Égypte, où les islamistes essaient de rafler la mise, se heurtant à de lourdes menaces en Syrie et au Yémen.


Sept mois après la révolution tunisienne qui a balayé le pouvoir de Ben Ali en Tunisie, et près de six mois après la chute d’Hosni Moubarak en Égypte, le plus dur semble avoir été fait. Dans les autres pays arabes gagnés par la « contagion » démocratique – Syrie, Libye, Yémen, Bahreïn, Jordanie, Maroc, Algérie –, en raison des conditions historiques propres à chacun d’entre eux, la dynamique et le rythme des mouvements populaires contre les régimes en place se traduisent différemment. Aggravation de la crise en Syrie, où le Baas au pouvoir a concédé ce qu’il refusait en mars dernier : lundi, Bachar Al Assad, qui sait que la chute de son régime est un objectif à peine dissimulé des États-Unis et de leurs alliés, a adopté un projet autorisant le multipartisme, mais la répression continue (95 morts hier pour la seule ville d’Hama), et les manifestations, qui ont pris une dimension religieuse sunnite, avec de surcroît l’appel au djihad par al-Qaida, se poursuivent, faisant craindre un risque de tensions interconfessionnelles.

Démocratie, libertés et justice sociale réclamées
Intervention impérialiste (voir ci-contre) sur fond de guerre civile en Libye ; intervention militaire saoudienne avec l’aval de Washington au Bahreïn pour sauver la monarchie absolutiste des Khalifa ; situation préoccupante au Yémen où la stratégie du chaos du président Abdallah Saleh, qui s’accroche au pouvoir avec le soutien de Washington et de Riyad, conjuguée à la dislocation de l’État et à l’offensive d’al-Qaida dans plusieurs régions, fait craindre un risque de « somalisation » ; timide ouverture constitutionnelle au Maroc qui laisse en l’état la nature absolutiste de la monarchie (voir article ci-contre) et concessions mineures avec à la clé l’achat à coups de milliards de dollars de la paix sociale en Algérie, deux régimes qui ne veulent pas se laisser imposer un agenda par la rue… mais partout, un même mot d’ordre, « le peuple veut la chute du régime », les mêmes aspirations à la démocratie, aux libertés, à la justice sociale, à la fin de la corruption, traduisant la volonté des peuples arabes de s’affranchir des États et des régimes ­autoritaires !

La Tunisie, pionnier de ce printemps arabe, donne encore le ton : en vue des élections du 23 octobre, la « haute instance pour la protection des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique », regroupement de 28 organisations sociales et partis politiques, dont ­Ennahda (islamiste), a déjà adopté un certain nombre de réformes, dont un « pacte républicain » (voir ci-contre entretien avec Mohamed Romdhani). Mieux, le procès de Ben Ali et de son clan – plusieurs peines ont déjà été prononcées – se poursuit, et son parti, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), a été dissous et ses locaux saisis.

Des lois liberticides toujours en vigueur
En dépit de ces avancées et du fait d’un contexte économique dégradé – un chômage de 20 %, un tourisme en berne, une économie au ralenti – et faute d’une aide internationale pourtant promise par le G8 en mai dernier, les forces de la contre-révolution, aidées dans leur entreprise par le jeu trouble du parti islamiste Ennahda, relèvent la tête : elles sont derrière les actes de violence dont la Tunisie a été récemment le théâtre. Y parviendront-elles ? Rien n’est moins sûr dans cette Tunisie où la jeunesse, les femmes et les forces de progrès sont décidées à ne pas se laisser voler leur victoire et à faire de leur pays le premier État démocratique du monde arabe.

À la différence de la Tunisie, en Égypte, les réformes semblent marquer le pas : l’état d’urgence datant de 1981 et les lois liberticides sont toujours en vigueur. De plus, le 23 mars, a été promulguée une loi interdisant les grèves sous prétexte d’entrave « au processus démocratique » ! Certes, des proches de l’ex-chef d’État (le premier ministre Ahmed Chafik) ont été limogés, certains arrêtés, mais le conseil des forces armées, qui assure la transition, traîne à faire juger l’ex-président Moubarak. Les partis de gauche, dont le PC égyptien, regroupés au sein d’un Front des forces socialistes, tentent de peser sur l’évolution d’une situation a priori incertaine. En effet, les Frères musulmans, qui se sont dotés d’un parti, le Parti de la justice et de la liberté (PJL), et les salafistes ont mobilisé, vendredi au Caire, plusieurs centaines de milliers de personnes pour défendre « l’identité islamique de l’Égypte » et réaffirmer la primauté de la religion sur la loi. Cette démonstration de force est surtout destinée à contrer les vrais acteurs de la chute de Moubarak, ces jeunes qui ont réoccupé récemment la place Tahrir par crainte de voir leur révolution confisquée et qui sont déterminés à défendre les idéaux qui ont permis de renverser Moubarak. Il faudra compter avec eux mais aussi avec les syndicats ouvriers. Les islamistes le savent. Car il ne s’agit pas d’une histoire fléchée où tout est joué d’avance.

Hassane Zerrouky

le 1 Août 2011

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