Le ramadan, un mois dont le respect des us et interdits est autant liés au culturel qu'au cultuel. © AFP |
La plupart des musulmans, qu'ils soient ou non pratiquants, ont entamé le 20 juillet trente longs jours de privations. En Tunisie, comme en Algérie et au Maroc, le respect des us et interdits liés à ce mois sacré est presque aussi culturel que cultuel. À quelques différences près. Notamment au regard des non-jeûneurs.
En 1964, Bourguiba, buvant un jus de fruit en public durant le ramadan, signifiait au peuple que la construction du pays avait priorité sur les coutumes, et suscita alors une énorme polémique. De fait, en Tunisie, comme en Algérie et au Maroc, le respect du ramadan a toujours été bien plus ancré dans les moeurs que la prière. Quarante-huit ans et une révolution plus tard, à la faveur de l'émergence islamiste, les Tunisiens se révéleraient-ils plus conservateurs et moins tolérants que les autres Maghrébins et que leurs aînés ?
Les musulmans qui ne jeûnent pas, désignés avec dédain par le sobriquet de fatara (« ceux qui mangent »), sont perçus comme des mauviettes, sans volonté, incapables de supporter quelques privations - comparables à celles qu'observent les Juifs lors de Yom Kippour et les chrétiens pendant le mois de carême. En revanche, contrairement au droit algérien ou marocain, la loi tunisienne ne prévoit aucune sanction contre ceux qui n'observent pas le ramadan et n'interdit pas aux établissements de servir leurs clients.
Bras de fer tunisien
Depuis quelques années, les patrons de café et de restaurant hésitent cependant à lever le rideau pendant la journée. « La demande est là, et beaucoup de Tunisiens, surtout en milieu urbain, ne jeûnent pas, mais avec les islamistes ultras, ouvrir est un risque que je ne veux pas courir », explique un cafetier du centre de Tunis. Son propos n'est pas exagéré. L'autoproclamé défenseur des moeurs et de la vertu, Adel Almi, président de l'association Al-Jamia al-Wassatia Li Tawia Wal Islah (« Association centriste de sensibilisation et de réforme »), invite le gouvernement à retirer leur licence aux établissements ouverts durant le mois sacré et intime aux fatara de ne pas provoquer les salafistes en s'affichant.
Comme celui des quatre autres piliers de l'islam, le respect du jeûne relève d'un choix personnel et sa non-observance a toujours été entourée d'une discrétion que certains estiment hypocrite. « Je n'ai pas de comptes à rendre aux hommes. Je ne suis pas pratiquant, je ne jeûne pas et nul ne peut m'y obliger. Pourtant, depuis quelques années, la pression sociale est telle qu'on finit par se sentir honteux », confie Farès, blogueur actif durant la révolution. « Le regard des autres est tel qu'il peut conduire à des drames. Des malades ou des personnes âgées s'entêtent à jeûner, mais beaucoup finissent aux urgences », remarque un médecin de l'hôpital de Sahloul, à Sousse.
Alors que les communautés juive et chrétienne ne changent pas leurs habitudes mais observent plus de retenue en public, nombre de musulmans ont fait des provisions d'alcool, et la bière est en rupture de stock, du jamais vu. Le ramadan, qui tenait plus d'une coutume culturelle que cultuelle dans les années 1970-1980, symbolise désormais, en Tunisie, le bras de fer entre pratiquants et non-pratiquants.
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