Même les plus énormes ogres ont un jour été petits. Et, dans le cas des trous noirs géants que l'on trouve au centre des galaxies, cela pose une véritable énigme aux astrophysiciens. Il est en effet arrivé à des chercheurs, en regardant loin dans le cosmos – ce qui revient à regarder dans son passé car la lumière des astres lointains a parfois mis des milliards d'années à nous parvenir –, de remonter à moins de 800 millions d'années après le Big Bang, dans la prime jeunesse d'un Univers aujourd'hui vieux de 13,8 milliards d'années, et de trouver des galaxies contenant un trou noir supermassif. Par supermassif, on entend un monstre équivalent à un milliard de fois la masse de notre Soleil, voire davantage. Or, même si, comme je l'écrivais dans un précédent billet, 800 millions d'années peuvent sembler une période bien longue, c'est en réalité très court pour fabriquer un trou noir aussi gargantuesque. Voilà donc où se situe l'énigme : comment ces objets étranges parviennent-ils à absorber une quantité aussi phénoménale de matière en si peu de temps ?
Pour mieux comprendre le problème, il faut savoir que, contrairement à une idée reçue, "les trous noirs ne pompent pas activement la matière – ils ne sont pas comme des aspirateurs", explique Tal Alexander, du département de physique des particules et d'astrophysique de l'Institut Weizmann (Rehovot, Israël). Ainsi que ce chercheur l'a précisé au site Space.com, "une étoile ou un flux de gaz peut se trouver sur une orbite stable autour d'un trou noir, exactement comme la Terre tourne autour du Soleil, sans tomber dedans. C'est réellement un défi de réfléchir à des moyens efficaces de conduire le gaz dans le trou noir à un rythme suffisamment élevé pour soutenir une croissance rapide."
Dans les galaxies âgées et proches de nous que nous pouvons observer, les trous noirs centraux sont plutôt à la diète : la matière y tombe lentement, presque au compte-gouttes. Cette matière provient en général du disque d'accrétion qui entoure le trou noir et tourne autour de lui un peu comme l'eau d'un lavabo qui se vide. Cela a deux effets ralentisseurs : le gaz se trouve en quelque sorte englué dans cette spirale visqueuse et c'est chacun son tour comme sur un rond-point (à la différence qu'on en "sort" par l'intérieur et non par l'extérieur). À cet embouteillage s'ajoute un second phénomène : les frictions internes au disque créent de l'énergie et une pression de radiation qui a pour effet de repousser la matière et de limiter la vitesse à laquelle elle choit dans le trou noir.
Dans une étude publiée le 7 août par Science, qu'il a cosignée avec Priyamvada Natarajan, astrophysicienne à l'université Yale (Etats-Unis), Tal Alexander a tenté de résoudre le casse-tête de la formation des trous noirs géants et de comprendre comment, à partir d'un premier trou noir, issu de la mort d'une grosse étoile de la toute première génération d'astres apparus après le Big Bang, on pouvait former un monstre du cosmos en moins d'un milliard d'années. Ces deux chercheurs ont imaginé une proto-galaxie : un trou noir de masse modeste (quelques fois la masse du Soleil) inséré au sein d'un amas d'étoiles jeunes, amas alimenté par un flux de gaz froid et dense tel qu'on pouvait en trouver dans le jeune Univers. Dans ce modèle de bébé-galaxie, le trou noir, encore léger, subit les interactions gravitationnelles des étoiles voisines et se promène à droite et à gauche comme une boule de flipper. En zigzaguant ainsi dans l'amas, il ramasse et engloutit sur son passage une bonne quantité de gaz qui lui tombe directement dans le bec sans passer par la phase du disque d'accrétion, lequel ne se forme pas dans ces conditions bousculées. Plus le trou noir grossit, plus il peut dévorer et sa croissance se déroule à une vitesse "supra-exponentielle", pour reprendre l'expression des chercheurs.
Selon les calculs de Tal Alexander et de Priyamvada Natarajan, il ne faut au maximum que quelques dizaines de millions d'années – une misère à l'échelle des temps astronomiques – pour que le trou noir accumule plus de 10 000 fois la masse du Soleil. Après cela, l'objet est devenu tellement respectable qu'il cesse de jouer au chien dans un jeu de quilles. Mais la "graine" de trou noir supermassif a bien poussé et rien ne l'arrêtera. Sa croissance ralentira certes progressivement mais cela ne l'empêchera pas d'atteindre une masse colossale avant même son milliardième anniversaire...
Pour mieux comprendre le problème, il faut savoir que, contrairement à une idée reçue, "les trous noirs ne pompent pas activement la matière – ils ne sont pas comme des aspirateurs", explique Tal Alexander, du département de physique des particules et d'astrophysique de l'Institut Weizmann (Rehovot, Israël). Ainsi que ce chercheur l'a précisé au site Space.com, "une étoile ou un flux de gaz peut se trouver sur une orbite stable autour d'un trou noir, exactement comme la Terre tourne autour du Soleil, sans tomber dedans. C'est réellement un défi de réfléchir à des moyens efficaces de conduire le gaz dans le trou noir à un rythme suffisamment élevé pour soutenir une croissance rapide."
Dans les galaxies âgées et proches de nous que nous pouvons observer, les trous noirs centraux sont plutôt à la diète : la matière y tombe lentement, presque au compte-gouttes. Cette matière provient en général du disque d'accrétion qui entoure le trou noir et tourne autour de lui un peu comme l'eau d'un lavabo qui se vide. Cela a deux effets ralentisseurs : le gaz se trouve en quelque sorte englué dans cette spirale visqueuse et c'est chacun son tour comme sur un rond-point (à la différence qu'on en "sort" par l'intérieur et non par l'extérieur). À cet embouteillage s'ajoute un second phénomène : les frictions internes au disque créent de l'énergie et une pression de radiation qui a pour effet de repousser la matière et de limiter la vitesse à laquelle elle choit dans le trou noir.
Dans une étude publiée le 7 août par Science, qu'il a cosignée avec Priyamvada Natarajan, astrophysicienne à l'université Yale (Etats-Unis), Tal Alexander a tenté de résoudre le casse-tête de la formation des trous noirs géants et de comprendre comment, à partir d'un premier trou noir, issu de la mort d'une grosse étoile de la toute première génération d'astres apparus après le Big Bang, on pouvait former un monstre du cosmos en moins d'un milliard d'années. Ces deux chercheurs ont imaginé une proto-galaxie : un trou noir de masse modeste (quelques fois la masse du Soleil) inséré au sein d'un amas d'étoiles jeunes, amas alimenté par un flux de gaz froid et dense tel qu'on pouvait en trouver dans le jeune Univers. Dans ce modèle de bébé-galaxie, le trou noir, encore léger, subit les interactions gravitationnelles des étoiles voisines et se promène à droite et à gauche comme une boule de flipper. En zigzaguant ainsi dans l'amas, il ramasse et engloutit sur son passage une bonne quantité de gaz qui lui tombe directement dans le bec sans passer par la phase du disque d'accrétion, lequel ne se forme pas dans ces conditions bousculées. Plus le trou noir grossit, plus il peut dévorer et sa croissance se déroule à une vitesse "supra-exponentielle", pour reprendre l'expression des chercheurs.
Selon les calculs de Tal Alexander et de Priyamvada Natarajan, il ne faut au maximum que quelques dizaines de millions d'années – une misère à l'échelle des temps astronomiques – pour que le trou noir accumule plus de 10 000 fois la masse du Soleil. Après cela, l'objet est devenu tellement respectable qu'il cesse de jouer au chien dans un jeu de quilles. Mais la "graine" de trou noir supermassif a bien poussé et rien ne l'arrêtera. Sa croissance ralentira certes progressivement mais cela ne l'empêchera pas d'atteindre une masse colossale avant même son milliardième anniversaire...
http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/08/11/nouveau-scenario-pour-resoudre-lenigme-des-trous-noirs-geants/#xtor=RSS-3208
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