jeudi 29 mars 2012

Nanotechnologies, une révolution invisible

Le mot est partout, évoquant des recherches de pointe mystérieuses et des composants électroniques high-tech, de plus en plus miniaturisés. Mais la réalité va bien au-delà. Car les nanotechnologies constituent une vraie révolution. La chimie, l’énergie, le textile, la communication et même la médecine risquent d’en être transformées. En fait, sans qu’on s’en aperçoive, les nanomatériaux ont déjà envahi notre quotidien. Pneus et parechocs; crèmes solaires et cosmétiques; emballages et additifs alimentaires; vêtements et chaussures; peintures et vernis; articles de sport; écrans tactiles; téléphones portables, etc., plus de 1 300 produits «nanos» sont déjà sur le marché.
 
Les nanotechnologies consistent à manipuler et à contrôler la matière dans l’infiniment petit, à l’échelle du nanomètre (nm) – un milliardième de mètre. Par exemple, plutôt que d’utiliser du métal ou du carbone sous forme de «blocs» de grosse taille, on les utilise à l’état de minuscules fragments de moins de 100 nm, soit la taille de quelques atomes. Pour avoir une idée de ce que cela signifie, on utilise souvent cette analogie: il y a le même rapport de taille entre la planète Terre et une orange qu’entre une orange et une nanoparticule!



Or, ces minuscules éléments ont des propriétés spectaculaires. Ainsi, le carbone, friable quand il est utilisé dans la mine d’un crayon, devient 100 fois plus résistant que l’acier – mais reste 6 fois plus léger – quand il prend la forme de nanotubes. Ces cylindres, constitués d’un feuillet d’atomes de carbone environ 100 000 fois plus fin qu’un cheveu, peuvent aussi conduire l’électricité de façon 1 000 fois plus efficace que le cuivre ou l’argent. Quant à l’or, qui est un métal habituellement inerte, il devient un excellent semi-conducteur et un bon catalyseur facilitant certaines réactions chimiques lorsqu’il est «fragmenté» à l’échelle nanométrique.

«Le terme englobe une multitude de choses», précise Benoît Balmana, président de NanoQuébec, un organisme financé par le gouvernement, dont le but est de promouvoir l’émergence des nanotechnologies.
Oxydes nanométriques de titane, de fer, de césium et de zinc, nanoparticules d’argent, de silice, fullerènes (des sphères constituées d’atomes de carbone), polymères appelés «dendrimères», etc. Les nanos nous rendent déjà de nombreux services, qu’il s’agisse de miniaturisation des composants et des circuits électroniques, ou d’intégration de nanomatériaux dans les plastiques et les composites, et, bientôt, de nanorobots capables de transporter les médicaments dans l’organisme. Car leurs «talents» sont multiples: résistance aux UV, aux chocs, aux rayures et à la corrosion; mais aussi légèreté, solidité, conductivité, propriétés antibactériennes ou antireflets surpassant de loin celles des matériaux classiques.

«Par une simple réduction de taille à l’échelle nanométrique, la matière acquiert des propriétés radicalement nouvelles», explique Claude Ostiguy, chimiste spécialiste des nanoparticules et chercheur dans le service de Prévention des risques chimiques et biologique de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) à Montréal.

À quoi peut-on attribuer ces propriétés? Principalement au fait que le rapport entre la surface et la masse des nanomatériaux est très élevé. Autrement dit, ces minuscules grains de matière, qui se présentent sous forme de billes, de tubes, de cristaux ou encore de filaments, présentent une proportion très élevée d’atomes à leur surface. Ainsi, une petite sphère de 0,1 mm de diamètre n’aura que 0,006% de ses atomes en surface (le reste étant confiné dans le cœur de la bille), alors que, sur une sphère de 10 nm, 6% des atomes affleurent à la surface. Or, plus le nombre d’atomes exposés à la surface est élevé, plus les matériaux sont réactifs.

Il faut aussi savoir que, à cette échelle, la matière est régie par les lois de la physique quantique. Rien de magique, même si cela peut en avoir l’air. «Chaque atome peut influencer le comportement des autres atomes et des électrons dans son environnement. Ces effets quantiques affectent le comportement optique, électrique ou magnétique du matériau. Par exemple, en contrôlant précisément la dimension de particules d’or de quelques nanomètres, on peut obtenir de l’or de différentes couleurs: rouge, bleu, jaune, etc. De tels phénomènes n’existent pas à grande échelle», ajoute Claude Ostiguy.

Il suffit ensuite d’incorporer ces nanoparticules «magiques» à des matériaux classiques pour conférer à ces derniers des propriétés exceptionnelles. «Deux à 3% de nanoparticules peuvent augmen­ter la résistance ou la conductivité d’un composite de 40% à 80%», s’enthousiasme Benoît Balmana. Ajoutez 3% de nano­tubes de carbone à un caoutchouc synthétique, et vous multipliez par 10 sa rigidité. «En répartissant une infime quantité de nanotubes de façon homo­gène dans un plastique, on obtient un réseau de fibres interagissant les unes avec les autres, ce qui renforce considérablement le matériau», précise Claude Ostiguy. Les nanoparticules permettent par ailleurs de s’affranchir de certains métaux rares et coûteux comme le platine ou l’indium, utilisés en électronique ou en chimie. De quoi faire rêver les industriels!

Le marché mondial de l’infiniment petit représentait 40 milliards de dollars en 2001, 500 milliards en 2008 et pourrait atteindre le double d’ici 2015, selon la National Science Foundation, aux États-Unis.
Au Québec, la révolution en est à ses débuts, mais les choses s’accélèrent.

Lire la suite dans notre numéro de mars 2012.

Crédit illustration: Vin Crespi / Penn State

par Par Marine Corniou - 01/03/2012

http://www.quebecscience.qc.ca/Nanotechnologies-une-revolution-invisible

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