vendredi 27 mai 2011

Faut-il vraiment tuer l'open space ?

Les nouvelles formes de travail et les attentes des jeunes salariés pourraient donner un second souffle à l'open space, accusé de créer stress, fatigue et problèmes de concentration.

L'open space suscite toujours autant de débats passionnés. Ses détracteurs n'en finissent pas de dénoncer ses méfaits : augmentation des risques psycho-sociaux, perte de temps et d'efficacité liés à la difficulté de se concentrer et de s'isoler, fatigue due aux nuisances sonores, repli sur soi, absentéisme... L'annonce de nouveaux aménagements en open space dans une entreprise suscite en général une opposition farouche des salariés et des partenaires sociaux. Les bruits courent...

L'open space aurait été interdit dans certains pays, et en France, les entreprises qui en ont fait l'expérience re-cloisonneraient leurs bureaux. L'open space est-il en passe d'être tué ? Rien n'est moins sûr.

Dans la course à l'optimisation des coûts, les préoccupations financières ne sont bien sûr pas absentes. Moins on cloisonne les espaces, moins on a besoin de superficie pour répondre aux contraintes architecturales de l'immeuble. L'open space permet donc de gagner en superficie globale, donc en loyers et en coûts fixes annuels.


Des économies, mais pas seulement
Mais il est faux d'affirmer, comme on l'entend souvent, que l'open space est uniquement un moyen de faire des économies sur le dos des salariés. Un open space bien conçu nécessite la démultiplication d'espaces supports, comme des salles de réunion, bulles de confidentialité, espaces détente, salles de projet... La superficie privative par personne diminue, mais au profit d'espaces mutualisés.

Par ailleurs, contrairement à une croyance répandue, la superficie par personne ne constitue qu'un élément de confort secondaire. Le confort sensoriel - visuel, acoustique, thermique, olfactif -, l'informatique et la téléphonie, le mobilier, sont autant de fondamentaux pour un environnement de travail de qualité. Les entreprises misent de plus en plus sur des bâtiments haut de gamme de dernière génération, donc chers, et investissent sur les aménagements, les équipements, les services aux salariés. L'économie d'un projet d'aménagement en open-space ne peut ainsi se résumer à une simple équation de mètres carrés par personne.


Des salariés de plus en plus nomades
L'open space est-il alors une mode éphémère ? Là encore, des éclaircissements méritent d'être apportés. Au-delà d'un modèle d'agencement de bureaux, l'open space renvoie à une nouvelle approche du travail. Les technologies mobiles conduisent la plupart des salariés du tertiaire à être de plus en plus nomades, à l'intérieur des locaux de l'entreprise ou à l'extérieur. Si le business everywhere ne se vérifie pas pour tous, il n'en demeure pas moins que nous passons de moins en moins de temps à nos postes de travail, environ 50% de notre journée.

En parallèle, les évolutions rapides des métiers, des marchés, des compétences à acquérir impliquent un besoin croissant de partager des informations en temps réel. A l'ère de l'économie de la connaissance, le travail en mode projet ou en réseau se développe. Cela nécessite de fluidifier les échanges et de pouvoir reconfigurer les espaces facilement.

Sur ces points, mobilité, interactivité et flexibilité, le bureau cloisonné, qu'il soit individuel ou à plusieurs, n'apporte clairement aucune réponse satisfaisante. Par ailleurs, alors que dans une vision traditionnelle, le bureau répondait à une image symbolique reflétant le niveau hiérarchique ou l'ancienneté, les nouvelles générations privilégient la qualité des services offerts, l'interactivité, la vie collective.


"Travailler en open space, c'est travailler autrement"
Si l'open space constitue la panacée pour répondre à ces besoins, pourquoi une image aussi désastreuse lui est-elle associée ? Tout simplement parce que sa mise en oeuvre est exigeante et demande la coordination parfaite de plusieurs composantes, dont le concept d'aménagement, les technologies, l'exploitation de l'immeuble et surtout le management. L'open space correspond en effet à de nouveaux modes d'organisation du travail auxquels les managers doivent être formés pour accompagner leurs équipes dans ce changement important.

Si ces éléments ne sont pas intégrés dans une réflexion globale allant dans le sens de la mobilité, de la transversalité, de la fonctionnalité, du partage, on court à la catastrophe. Travailler en open space, c'est travailler autrement. Ce n'est pas une question de cloisons.

L'open space va continuer à se généraliser, mais il est appelé à évoluer. Il faut espérer que l'on tirera les leçons des échecs du passé, que la qualité de la conception, l'exploitation de l'immeuble et les services aux occupants, ainsi que l'accompagnement humain et social seront traités comme il se doit.

On peut aussi imaginer d'autres modes de travail que la salle de réunion ou le bureau, même si la baignoire ou la piscine à boules de chez Google à Zürich ne sont pas appelées à exister partout. Un certain nombre d'entreprises qui fonctionnent aujourd'hui bien en open-space passent désormais à une nouvelle étape, le desk sharing, c'est-à-dire le poste de travail partagé entre plusieurs personnes. De multiples possibilités s'offrent. L'avenir de nos environnements de travail est ouvert !

Marina Dédéyan, consultante chez Mobilitis, cabinet de conseil en immobilier de bureau

L'Expansion.com - publié le 26/05/2011 à 17:33

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