mardi 1 mai 2012

L'université est un outil de développement économique

v30/04 | 07:00 | Alain Perez
JEAN CHAMBAZ, PRÉSIDENT DE L'UNIVERSITÉ PIERRE-ET-MARIE-CURIE

La loi sur l'autonomie aura bientôt cinq ans. Quel est le bilan que vous en tirez à la tête de l'université Pierre-et-Marie-Curie ?

L'élément le plus important est ce qu'on appelle les compétences élargies. Au lieu d'avoir un budget qui est défini ligne par ligne par le ministère, nous avons une dotation globale. C'est donc à l'université de définir les lignes budgétaires en fonction de ses priorités. Cela nous donne une réelle marge d'action permettant de développer une politique propre à l'établissement. Le problème, c'est que l'augmentation de budget n'a pas été à la hauteur des montants annoncés. On nous a transféré des charges sans augmenter nos moyens et la situation est donc tendue. Plus généralement, on n'a pas été au bout de la réflexion de ce que représente l'université comme levier de développement économique et social. On nous considère encore comme une dépense pour l'Etat. On ne voit pas que les cadres que nous formons et la recherche que nous produisons contribuent au développement du pays. Conclusion : il faut nous donner les moyens d'être plus performants.

Etes-vous satisfait de votre situation financière ?

Pour nous, les voyants sont au vert. Mais nous n'avons pas de marge de manoeuvre et la dotation des universités reste encore très en dessous de celle des classes préparatoires ou des grandes écoles. L'Etat a tellement peu investi dans l'immobilier universitaire au cours de ces cinquante dernières années qu'il y a un effet de rattrapage considérable. Le problème vient de la caste des dirigeants sortis de Sciences po ou de l'ENA. Comme ils ne connaissent pas les universités, il y a une défiance vis-à-vis de leur capacité à gérer. Mais nous sommes en train d'acquérir ces compétences. 

L'autonomie n'est pourtant pas l'indépendance telle qu'elle existe dans les grandes universités anglo-saxonnes

Ce n'est pas le niveau d'indépendance qui va nous rendre plus compétitifs mais les moyens que nous sommes capables de lever. Harvard et le MIT disposent d'un capital qui leur donne des moyens d'action considérables. Il y a des spécificités françaises et notre modèle n'a pas que des inconvénients. Du moment que l'enseignement supérieur continue d'être pour l'essentiel gratuit, nous exerçons une mission de service public avec une dotation qui vient de l'Etat. 

Quels sont vos objectifs de développement de l'UPMC ?

Construire Sorbonne Université sur le modèle de l'Université de tous les savoirs, où l'UPMC représente la médecine, les sciences et l'ingénierie. Le plus important est de définir où sont nos forces et d'être au meilleur niveau dans les domaines où nous sommes très compétitifs. Nous allons par exemple investir très fortement dans le domaine des matériaux. De même, il y a un projet d'observatoire de la vie littéraire qui se fait avec des spécialistes de l'intelligence artificielle et de l'informatique qui viennent de chez nous. L'esprit de Sorbonne Université consiste à décloisonner le cadre actuel des recherches. Nous avons besoin de philosophes et de juristes pour accompagner les changements de l'économie numérique. C'est tout aussi vrai pour le climat ou la nutrition. 

Vous êtes condamnés à trouver des sources de financement complémentaires ?

Dans le cadre des initiatives d'excellence, nous avions demandé 1,4 milliard d'euros. Nous avons obtenu 900 millions et on nous dit de compléter avec des fonds d'entreprise. Nous devons donc continuer de plaider pour une dotation d'Etat qui tienne compte de notre rôle économique et social, et nous avons besoin de ressources complémentaires. En France, nous avons perdu la culture du mécénat scientifique et les grandes fortunes investissent plutôt dans le sport ou la culture. Nous avons commencé la mise en place de chaires ciblées, mais ce dont j'ai besoin c'est de financer des actions plus génériques. Aller convaincre des mécènes de me donner de l'argent est donc un nouvel enjeu et ce n'est pas gagné. C'est à moi de rencontrer les grands patrons ou les grandes fortunes, d'exposer la vision que nous avons de l'université et de les séduire. Nous aimerions ainsi créer une fondation au niveau de Sorbonne Université avec un grand patron emblématique. Pour moi, Françoise Bettencourt-Meyers est un coeur à prendre. 

Propos recueillis par Alain Perez,  Journaliste

http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/innovation-competences/sciences/0202028062328-jean-chambaz-l-universite-est-un-outil-de-developpement-economique-317870.php

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