Le "rapport de diagnostic" sur l'éducation prioritaire produit, anonymement, par l'Education nationale et le Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique, invite le ministère à investir dans l'accompagnement pédagogique des enseignants plutôt que réduire le nombre d'élèves par classe ou augmenter la rémunération des enseignants. Alors que l'éducation prioritaire devient un des trois grands dossiers de l'année pour le ministère (avec les programmes et le collège), les orientations de ce rapport devraient peser d'autant plus lourdement sur les décisions ministérielles que les rapporteurs affirment avoir identifié les bons leviers.
Mardi 23 juillet 2013 : Jean-Paul Delahaye, directeur général de l'enseignement scolaire, planche devant les commissions des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée qui mènent un rapport d'information sur la politique d'éducation prioritaire. Son intervention se produit alors qu'un rapport réalisé en 2012 par l'Inspection générale sur "l'élargissement du programme CLAIR au programme ECLAIR", coordonné par Michel Hagnerelle, Alain Houchot et Simone Christin, dresse un tableau très critique de la réforme des Eclair imposée au pas de charge par Luc Chatel. " Globalement, malgré des réussites ponctuelles qu’il convient de saluer, les effets du programme ECLAIR sont très modestes dans les écoles et les établissements. La plus-value éducative et pédagogique est limitée", note le rapport. C'est que les résultats ne sont pas au rendez-vous des efforts fournis. Si le niveau des élève s'est stabilisé au primaire selon l'enquête internationale PIRLS, il continue à baisser dans les collèges selon les enquêtes CEDRE du ministère.
Restructurer le continent éducation prioritaire
L'éducation prioritaire concerne près de 1,7 million d'élèves soit 18% des écoliers, 20% des collégiens et 2% des lycéens. Peut-on encore parler d'éducation prioritaire quand il s'agit d'un élève sur cinq, interroge à juste titre le rapport de diagnostic. Il souligne aussi le fait que des établissements socialement défavorisés sont hors dispositif et que des établissements favorisés en font partie. Enfin les écarts , sur le plan social, sont importants à l'intérieur de l'éducation prioritaire. La conclusion s'impose : il faut restructurer l'éducation prioritaire et concentrer les moyens sur les établissements et les écoles les plus en difficulté. JP Delahaye , le 23 juillet, a annoncé des sorties du dispositif.
Des moyens insuffisants
Le rapport s'attache également à évaluer les moyens attribués à l'éducation prioritaire. Le ministère estime consacrer 1,1 milliard soit 2% de son budget à l'éducation prioritaire. Pour le rapport il faut en défalquer un moindre coût salarial, lié au fait qu'une bonne partie des enseignants est jeune, correspondant à environ 200 millions. La politique de la ville et les collectivités locales consacreraient environ 250 millions à l'éducation prioritaire. Au total ce serait plutôt 1,5% du budget de l'éducation nationale qui alimenterait l'éducation prioritaire et on serait à environ la moitié de l'investissement recommandé par l'OCDE. Pour le rapport il est clair qu'il faut investir davantage. Mais comment ?
Le rapport écarte la revalorisation des enseignants de l'éducation prioritaire
Les enseignants intervenants en éducation prioritaire bénéficient d'avantages financiers et de carrière différents selon qu'ils sont en RRS ou en ECLAIR. Mais pour le rapport, "ces dispositifs indemnitaires ou d’avantages de carrière incitatifs n’ont pas produit ce qui en était attendu : attirer ou retenir les personnels dans les établissements de l’éducation prioritaire. En revanche elles sont désormais vécues comme de justes reconnaissances des spécificités de l’exercice dans les écoles et les établissements concernés."
Réduire le nombre d'élèves par classe n'est pas la solution
Le rapport souligne que l'écart du nombre d'élèves par classe entre l'éducation prioritaire et les autres établissements reste marginal et a donc peu d'effet. Mais que produirait une baisse importante du nombre d'élèves comme le proposait un travail célèbre de Piketty et Valdenaire en 2006. " La mise en oeuvre de telles baisses au CP en France à la rentrée 2002 avec des CP à 10 élèves par classe n’en a pourtant pas fait la preuve loin de là... Les études convergent plus ou moins en revanche sur le fait qu’il y a un effet de ces baisses importantes de nombre d’élèves par classe à court terme, notamment à l’école primaire mais que l’effet à long terme est beaucoup plus difficile à démontrer." Ainsi est écartée une mesure dont l'efficacité a pourtant été constatée et dont la mise en place est assez simple.
Le rapport estime pourtant que "le dispositif « plus de maîtres que de classe » porte une espérance double : il se doit d’être favorable au travail d’équipe des maîtres tout en ayant pour objectif l’amélioration des résultats des élèves les plus en difficulté sur les fondamentaux".
Investir dans la pédagogie et dans les écoles
Pour le rapport, " le principal moteur des réussites scolaires dans les réseaux est l’enseignement tel qu’il est pratiqué dans la classe". Il relève donc les éléments de cette pédagogie : école de la bienveillance, estime de soi mais aussi exigences culturelles. " Le rapport à l’écrit : toute la scolarité repose sur l’écrit qui est indispensable pour continuer d’apprendre tout au long de la vie. Maîtriser l’oral d’abord, puis la lecture et l’écriture dans toutes les disciplines est essentiel. La compréhension en lecture doit être au coeur des interventions à cet égard." Logiquement, le rapport appelle à investir dans le primaire quitte à dégager des moyens dans les lycées : " Dans l’état actuel des connaissances et des budgets disponibles, il est souhaitable de centrer l’usage des moyens vers l’école quitte à trouver des ressources au niveau du lycée..."
Investir dans la pédagogie est-ce investir dans les formateurs et l'encadrement ?
C'est donc dans les leviers du changement pédagogique qu'il faut mettre les moyens estime le rapport. " Les professeurs supplémentaires dans les RAR devenus ECLAIR, les préfets des études contribuent à des dynamiques de travail collectives en favorisant des ponts entre les divers métiers. Ils contribuent aussi à un meilleur suivi des élèves... Les postes de coordonnateurs de réseaux devenus secrétaires de comités exécutifs ont particulièrement montré leur importance dans les secteurs en politique de la ville et pour le développement des liaisons entre écoles et collèges, en relation avec le chef d’établissement et l’IEN... Le dispositif d’accompagnement qui a produit les effets les plus nets est l’accompagnement par des équipes de circonscription, dans des écoles, ou le renforcement de la présence des IAIPR dans les collèges RAR pour accompagner tous les enseignants dans une perspective qui n’a pas été exclusivement disciplinaire. Parmi les mesures, les formations spécifiques à l’arrivée des nouveaux personnels en éducation prioritaire, pour rassurer et outiller les personnels en leur faisant connaître les ressources locales, ont été appréciées", poursuit-il.
Des recommandations qui tournent les moyens vers les formateurs
" Les données de la recherche montrent aussi clairement qu’il ne serait pas pertinent de travailler sur le nombre d’élèves par classe en le faisant varier encore d’un ou deux élèves... Si l’on veut renforcer la qualité de l’enseignement en éducation prioritaire, compte tenu du nombre plus important de jeunes enseignants qui y sont nommés, investir dans la formation initiale est tout à fait pertinent, mais il ne faudra pas négliger également la formation continue et l’accompagnement des enseignants par exemple par des formateurs de centres de ressources chargés de faciliter l’appropriation des données de la recherche par les praticiens. Il y a à cet égard un important investissement à consacrer à la formation de formateurs tant pour les ESPE que pour les centres de ressources".
C'est sur ces pistes que les auteurs du rapport veulent entraîner le ministère. Il ne fera pas l'unanimité chez les chercheurs où toute une école est favorable aux analyses de Piketty et Valdenaire. Le ministre devrait faire connaître ses arbitrages fin 2013.
François Jarraud
Le rapport
La séance du 23 juillet
Par fjarraud , le lundi 26 août 2013.
Mardi 23 juillet 2013 : Jean-Paul Delahaye, directeur général de l'enseignement scolaire, planche devant les commissions des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée qui mènent un rapport d'information sur la politique d'éducation prioritaire. Son intervention se produit alors qu'un rapport réalisé en 2012 par l'Inspection générale sur "l'élargissement du programme CLAIR au programme ECLAIR", coordonné par Michel Hagnerelle, Alain Houchot et Simone Christin, dresse un tableau très critique de la réforme des Eclair imposée au pas de charge par Luc Chatel. " Globalement, malgré des réussites ponctuelles qu’il convient de saluer, les effets du programme ECLAIR sont très modestes dans les écoles et les établissements. La plus-value éducative et pédagogique est limitée", note le rapport. C'est que les résultats ne sont pas au rendez-vous des efforts fournis. Si le niveau des élève s'est stabilisé au primaire selon l'enquête internationale PIRLS, il continue à baisser dans les collèges selon les enquêtes CEDRE du ministère.
Restructurer le continent éducation prioritaire
L'éducation prioritaire concerne près de 1,7 million d'élèves soit 18% des écoliers, 20% des collégiens et 2% des lycéens. Peut-on encore parler d'éducation prioritaire quand il s'agit d'un élève sur cinq, interroge à juste titre le rapport de diagnostic. Il souligne aussi le fait que des établissements socialement défavorisés sont hors dispositif et que des établissements favorisés en font partie. Enfin les écarts , sur le plan social, sont importants à l'intérieur de l'éducation prioritaire. La conclusion s'impose : il faut restructurer l'éducation prioritaire et concentrer les moyens sur les établissements et les écoles les plus en difficulté. JP Delahaye , le 23 juillet, a annoncé des sorties du dispositif.
Des moyens insuffisants
Le rapport s'attache également à évaluer les moyens attribués à l'éducation prioritaire. Le ministère estime consacrer 1,1 milliard soit 2% de son budget à l'éducation prioritaire. Pour le rapport il faut en défalquer un moindre coût salarial, lié au fait qu'une bonne partie des enseignants est jeune, correspondant à environ 200 millions. La politique de la ville et les collectivités locales consacreraient environ 250 millions à l'éducation prioritaire. Au total ce serait plutôt 1,5% du budget de l'éducation nationale qui alimenterait l'éducation prioritaire et on serait à environ la moitié de l'investissement recommandé par l'OCDE. Pour le rapport il est clair qu'il faut investir davantage. Mais comment ?
Le rapport écarte la revalorisation des enseignants de l'éducation prioritaire
Les enseignants intervenants en éducation prioritaire bénéficient d'avantages financiers et de carrière différents selon qu'ils sont en RRS ou en ECLAIR. Mais pour le rapport, "ces dispositifs indemnitaires ou d’avantages de carrière incitatifs n’ont pas produit ce qui en était attendu : attirer ou retenir les personnels dans les établissements de l’éducation prioritaire. En revanche elles sont désormais vécues comme de justes reconnaissances des spécificités de l’exercice dans les écoles et les établissements concernés."
Réduire le nombre d'élèves par classe n'est pas la solution
Le rapport souligne que l'écart du nombre d'élèves par classe entre l'éducation prioritaire et les autres établissements reste marginal et a donc peu d'effet. Mais que produirait une baisse importante du nombre d'élèves comme le proposait un travail célèbre de Piketty et Valdenaire en 2006. " La mise en oeuvre de telles baisses au CP en France à la rentrée 2002 avec des CP à 10 élèves par classe n’en a pourtant pas fait la preuve loin de là... Les études convergent plus ou moins en revanche sur le fait qu’il y a un effet de ces baisses importantes de nombre d’élèves par classe à court terme, notamment à l’école primaire mais que l’effet à long terme est beaucoup plus difficile à démontrer." Ainsi est écartée une mesure dont l'efficacité a pourtant été constatée et dont la mise en place est assez simple.
Le rapport estime pourtant que "le dispositif « plus de maîtres que de classe » porte une espérance double : il se doit d’être favorable au travail d’équipe des maîtres tout en ayant pour objectif l’amélioration des résultats des élèves les plus en difficulté sur les fondamentaux".
Investir dans la pédagogie et dans les écoles
Pour le rapport, " le principal moteur des réussites scolaires dans les réseaux est l’enseignement tel qu’il est pratiqué dans la classe". Il relève donc les éléments de cette pédagogie : école de la bienveillance, estime de soi mais aussi exigences culturelles. " Le rapport à l’écrit : toute la scolarité repose sur l’écrit qui est indispensable pour continuer d’apprendre tout au long de la vie. Maîtriser l’oral d’abord, puis la lecture et l’écriture dans toutes les disciplines est essentiel. La compréhension en lecture doit être au coeur des interventions à cet égard." Logiquement, le rapport appelle à investir dans le primaire quitte à dégager des moyens dans les lycées : " Dans l’état actuel des connaissances et des budgets disponibles, il est souhaitable de centrer l’usage des moyens vers l’école quitte à trouver des ressources au niveau du lycée..."
Investir dans la pédagogie est-ce investir dans les formateurs et l'encadrement ?
C'est donc dans les leviers du changement pédagogique qu'il faut mettre les moyens estime le rapport. " Les professeurs supplémentaires dans les RAR devenus ECLAIR, les préfets des études contribuent à des dynamiques de travail collectives en favorisant des ponts entre les divers métiers. Ils contribuent aussi à un meilleur suivi des élèves... Les postes de coordonnateurs de réseaux devenus secrétaires de comités exécutifs ont particulièrement montré leur importance dans les secteurs en politique de la ville et pour le développement des liaisons entre écoles et collèges, en relation avec le chef d’établissement et l’IEN... Le dispositif d’accompagnement qui a produit les effets les plus nets est l’accompagnement par des équipes de circonscription, dans des écoles, ou le renforcement de la présence des IAIPR dans les collèges RAR pour accompagner tous les enseignants dans une perspective qui n’a pas été exclusivement disciplinaire. Parmi les mesures, les formations spécifiques à l’arrivée des nouveaux personnels en éducation prioritaire, pour rassurer et outiller les personnels en leur faisant connaître les ressources locales, ont été appréciées", poursuit-il.
Des recommandations qui tournent les moyens vers les formateurs
" Les données de la recherche montrent aussi clairement qu’il ne serait pas pertinent de travailler sur le nombre d’élèves par classe en le faisant varier encore d’un ou deux élèves... Si l’on veut renforcer la qualité de l’enseignement en éducation prioritaire, compte tenu du nombre plus important de jeunes enseignants qui y sont nommés, investir dans la formation initiale est tout à fait pertinent, mais il ne faudra pas négliger également la formation continue et l’accompagnement des enseignants par exemple par des formateurs de centres de ressources chargés de faciliter l’appropriation des données de la recherche par les praticiens. Il y a à cet égard un important investissement à consacrer à la formation de formateurs tant pour les ESPE que pour les centres de ressources".
C'est sur ces pistes que les auteurs du rapport veulent entraîner le ministère. Il ne fera pas l'unanimité chez les chercheurs où toute une école est favorable aux analyses de Piketty et Valdenaire. Le ministre devrait faire connaître ses arbitrages fin 2013.
François Jarraud
Le rapport
La séance du 23 juillet
Par fjarraud , le lundi 26 août 2013.
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