François Hollande a annoncé lundi vouloir créer un fonds destiné à financer les innovations sociales, car "l'innovation n'est pas que technologique". L'éclairage de Jacques Danoy, délégué général du Mouves.
Parmi les voies que la France doit emprunter pour sortir d'une crise économique qui dure, celle de l'innovation est dans toutes les têtes. Mais généralement selon une approche purement technologique, encore souvent perçue comme la seule "vraie" manière d'innover.
"Elaborer des réponses nouvelles à des problématiques sociales apparemment insolubles"
Or une autre forme d'innovation s'épanouit en silence, c'est l'innovation sociale, qui vient d'être officiellement reconnue par le Président de la République François Hollande, à l'occasion de la clôture des Assises de l'entrepreneuriat. Centrée sur l'intérêt général, elle consiste à élaborer des réponses nouvelles à des problématiques sociales apparemment insolubles -chômage de longue durée, égalité dans l'accès aux soins ou au logement, délitement du lien de solidarité, malnutrition- dans les conditions actuelles du marché et des politiques sociales.
"Il n'est pas rare qu'innovation sociale et technologique aillent de paire"
Comme toute innovation, l'innovation sociale nécessite d'investir dans la R&D, de s'entourer d'experts et bien sûr de prendre des risques. Mais sa caractéristique principale est d'impliquer dans l'invention, l'expérimentation, la diffusion et l'évaluation de l'offre tous les acteurs - en premier lieu, les usagers- concernés. Multiforme, elle a recours autant aux sciences humaines et sociales qu'aux technologies numériques. En cela, il n'est pas rare qu'innovation sociale et innovation technologique aillent de paire.
C'est à travers cette combinaison qu'Eqosphère a par exemple bâti une plateforme internet permettant aux associations un meilleur accès "en temps réel" aux stocks d'invendus des grandes surfaces et centrales d'achats. Quand à la coopérative Les Fermes de Figeac, voilà 30 ans qu'elle met au service du développement durable de son territoire une stratégie d'innovation diversifiée: services mutualisés pour ses adhérents, revitalisation des commerces de proximité, mais aussi développement du photovoltaïque -2500 foyer alimentés en électricité-, de l'éolien, etc.
Une innovation sociale co-construite pour un impact social multiplié
Mais si les entreprises sociales sont les leaders de cette autre manière d'innover, elles n'en ont pas le monopole. Elaborer des réponses nouvelles à des enjeux comme le vieillissement de la population ou la mobilité concernent tout autant l'Etat, les collectivités et les entreprises "classiques".
"L'innovation sociale naît ainsi souvent d'alliances inattendues"
L'innovation sociale naît ainsi souvent d'alliances inattendues qui lui permettent de multiplier son impact. Parce que l'accès à la mobilité est facteur d'insertion et de maintien dans l'emploi, l'association Voiture&Co collabore, par exemple, avec Renault pour enrichir son dispositif. Ils proposent ensemble des tarifs de réparation automobiles de qualité aux personnes à faibles revenus dans les garages volontaires de la marque.
Cette co-construction de l'innovation sociale, les pouvoirs publics s'y intéressent de près. De plus en plus de collectivités y voient un moyen efficace de continuer à assurer une action publique de qualité, accessible à toutes et à tous, partout sur leur territoire, dans un contexte de croissance des besoins sociaux... et de fortes contraintes budgétaires. Des régions comme l'Ile-de-France ou le Languedoc-Roussillon ont ainsi clairement inscrit l'innovation sociale dans leur "Stratégie Régionale d'Innovation". Quand au secrétariat général de Modernisation de l'Action publique (SGMAP), il réfléchit à cette nouvelle manière de dessiner les politiques publiques de demain.
Comment encourager l'innovation sociale ?
Malgré cette effervescence, les acteurs rencontrent encore des difficultés pour financer et accompagner leurs innovations sociales, mal prises en compte dans les dispositifs traditionnels de soutien à l'innovation, aujourd'hui orientés quasi-exclusivement sur l'innovation technologique. Pour le Mouvements des entrepreneurs sociaux (Mouves), qui a contribué avec d'autres à définir et caractériser l'innovation sociale, son développement passe par trois leviers essentiels.
Premier levier, concevoir une politique publique au long cours qui intègre l'innovation sociale à la "stratégie nationale d'innovation" en reconnaissant sa capacité à répondre aux grands défis sociaux et environnementaux de notre société. Les Assises de l'entrepreneuriat en ont clairement posé les prémices, avec la création d'un fond dédié à son financement. La future loi relative à l'économie sociale et solidaire devrait lui ouvrir définitivement l'ensemble des dispositifs "de droit commun" consacrés au soutien de l'innovation.
"Faire des territoires les premiers écosystèmes d'appui de l'innovation sociale"
Second levier, faire des territoires les premiers écosystèmes d'appui de l'innovation sociale. Les ressources y sont nombreuses : collectivités, structures de recherche et établissement d'enseignement supérieur, entreprises, citoyens... Le défi est de pouvoir fédérer les acteurs et les ressources pour maximiser cette capacité d'innovation au service des besoins sociaux locaux.
Dernier levier, mettre en réseau et permettre aux innovateurs de tous types, sociaux et numériques, ceux du secteur public et des entreprises privées, ceux de l'urbain et du rural, les chercheurs aussi bien que les praticiens de terrain, de converger. Pour y parvenir, il faut faciliter l'échange des pratiques les plus innovantes dans le cadre de réseaux et de lieux pluri-acteurs et pluridisciplinaires.
La France, terre d'innovations technologiques, est aussi une terre d'innovations sociales dont le potentiel ne demande qu'à être libéré. Face à la crise sociale et écologique, faisons en sorte qu'avec le TGV, ce soit aussi notre innovation sociale que le monde nous envie.
Auteur : Mouves
Source : www.lexpress.fr
Publié par : Temey, le Mardi 30 Avril 2013 - 06:00
Parmi les voies que la France doit emprunter pour sortir d'une crise économique qui dure, celle de l'innovation est dans toutes les têtes. Mais généralement selon une approche purement technologique, encore souvent perçue comme la seule "vraie" manière d'innover.
"Elaborer des réponses nouvelles à des problématiques sociales apparemment insolubles"
Or une autre forme d'innovation s'épanouit en silence, c'est l'innovation sociale, qui vient d'être officiellement reconnue par le Président de la République François Hollande, à l'occasion de la clôture des Assises de l'entrepreneuriat. Centrée sur l'intérêt général, elle consiste à élaborer des réponses nouvelles à des problématiques sociales apparemment insolubles -chômage de longue durée, égalité dans l'accès aux soins ou au logement, délitement du lien de solidarité, malnutrition- dans les conditions actuelles du marché et des politiques sociales.
"Il n'est pas rare qu'innovation sociale et technologique aillent de paire"
Comme toute innovation, l'innovation sociale nécessite d'investir dans la R&D, de s'entourer d'experts et bien sûr de prendre des risques. Mais sa caractéristique principale est d'impliquer dans l'invention, l'expérimentation, la diffusion et l'évaluation de l'offre tous les acteurs - en premier lieu, les usagers- concernés. Multiforme, elle a recours autant aux sciences humaines et sociales qu'aux technologies numériques. En cela, il n'est pas rare qu'innovation sociale et innovation technologique aillent de paire.
C'est à travers cette combinaison qu'Eqosphère a par exemple bâti une plateforme internet permettant aux associations un meilleur accès "en temps réel" aux stocks d'invendus des grandes surfaces et centrales d'achats. Quand à la coopérative Les Fermes de Figeac, voilà 30 ans qu'elle met au service du développement durable de son territoire une stratégie d'innovation diversifiée: services mutualisés pour ses adhérents, revitalisation des commerces de proximité, mais aussi développement du photovoltaïque -2500 foyer alimentés en électricité-, de l'éolien, etc.
Une innovation sociale co-construite pour un impact social multiplié
Mais si les entreprises sociales sont les leaders de cette autre manière d'innover, elles n'en ont pas le monopole. Elaborer des réponses nouvelles à des enjeux comme le vieillissement de la population ou la mobilité concernent tout autant l'Etat, les collectivités et les entreprises "classiques".
"L'innovation sociale naît ainsi souvent d'alliances inattendues"
L'innovation sociale naît ainsi souvent d'alliances inattendues qui lui permettent de multiplier son impact. Parce que l'accès à la mobilité est facteur d'insertion et de maintien dans l'emploi, l'association Voiture&Co collabore, par exemple, avec Renault pour enrichir son dispositif. Ils proposent ensemble des tarifs de réparation automobiles de qualité aux personnes à faibles revenus dans les garages volontaires de la marque.
Cette co-construction de l'innovation sociale, les pouvoirs publics s'y intéressent de près. De plus en plus de collectivités y voient un moyen efficace de continuer à assurer une action publique de qualité, accessible à toutes et à tous, partout sur leur territoire, dans un contexte de croissance des besoins sociaux... et de fortes contraintes budgétaires. Des régions comme l'Ile-de-France ou le Languedoc-Roussillon ont ainsi clairement inscrit l'innovation sociale dans leur "Stratégie Régionale d'Innovation". Quand au secrétariat général de Modernisation de l'Action publique (SGMAP), il réfléchit à cette nouvelle manière de dessiner les politiques publiques de demain.
Comment encourager l'innovation sociale ?
Malgré cette effervescence, les acteurs rencontrent encore des difficultés pour financer et accompagner leurs innovations sociales, mal prises en compte dans les dispositifs traditionnels de soutien à l'innovation, aujourd'hui orientés quasi-exclusivement sur l'innovation technologique. Pour le Mouvements des entrepreneurs sociaux (Mouves), qui a contribué avec d'autres à définir et caractériser l'innovation sociale, son développement passe par trois leviers essentiels.
Premier levier, concevoir une politique publique au long cours qui intègre l'innovation sociale à la "stratégie nationale d'innovation" en reconnaissant sa capacité à répondre aux grands défis sociaux et environnementaux de notre société. Les Assises de l'entrepreneuriat en ont clairement posé les prémices, avec la création d'un fond dédié à son financement. La future loi relative à l'économie sociale et solidaire devrait lui ouvrir définitivement l'ensemble des dispositifs "de droit commun" consacrés au soutien de l'innovation.
"Faire des territoires les premiers écosystèmes d'appui de l'innovation sociale"
Second levier, faire des territoires les premiers écosystèmes d'appui de l'innovation sociale. Les ressources y sont nombreuses : collectivités, structures de recherche et établissement d'enseignement supérieur, entreprises, citoyens... Le défi est de pouvoir fédérer les acteurs et les ressources pour maximiser cette capacité d'innovation au service des besoins sociaux locaux.
Dernier levier, mettre en réseau et permettre aux innovateurs de tous types, sociaux et numériques, ceux du secteur public et des entreprises privées, ceux de l'urbain et du rural, les chercheurs aussi bien que les praticiens de terrain, de converger. Pour y parvenir, il faut faciliter l'échange des pratiques les plus innovantes dans le cadre de réseaux et de lieux pluri-acteurs et pluridisciplinaires.
La France, terre d'innovations technologiques, est aussi une terre d'innovations sociales dont le potentiel ne demande qu'à être libéré. Face à la crise sociale et écologique, faisons en sorte qu'avec le TGV, ce soit aussi notre innovation sociale que le monde nous envie.
Auteur : Mouves
Source : www.lexpress.fr
Publié par : Temey, le Mardi 30 Avril 2013 - 06:00
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