Dans la nuit de lundi à mardi, la fusée européenne Vega a décollé de la base de Kourou avec succès. Elle a mis trois satellites en orbite : un européen, un vietnamien et un estonien. Un marché low-cost de l'espace est-il en train de se développer ?
Atlantico : Les lancements de petits satellites se faisaient jusque récemment via des missiles stratégiques russes reconvertis. Le programme Vega a-t-il vocation à faire concurrence aux Russes ? Le marché des petites charges à envoyer dans l’espace (entre 100 et 150 kg) est-il porteur ? Quels en sont les clients potentiels ?
Jacques Villain : Le programme Vega a été lancé il y a une dizaine d’années. A l’origine, l’Europe ne disposait que d’un lanceur lourd, qui était Ariane, pour lancer des gros satellites de télécommunications sur orbite géostationnaire. En 2003, décision a été prise d’acquérir un lanceur moyen, Soyouz, qui est maintenant en Guyane. L’Europe a décidé de compléter sa "gamme" par un petit lanceur : Vega.
L’objectif des lancements de Vega était les petits satellites scientifiques et d’observation. En effet, l’orbite de prédilection de Vega est l’orbite héliosynchrone, à 700 km d’altitude, propice à l’observation (civile et militaire). En moyenne, ils pèsent de 300 à 500 kg.
Aujourd’hui, une quinzaine de petits pays possèdent des satellites d’observation, alors qu’il y a trente ans c’était l’apanage des Américains et des Soviétiques. Les Français s’y sont mis à partir de 1986 sur des satellites d’observation civils. Les satellites sont aujourd’hui beaucoup moins lourds (on est passé de 18 tonnes il y a trente ans à 200 kg pour les mêmes capacités). C’est à ce marché des petits satellites que Vega s’est attaqué.
Vega doit lancer de petits satellites de l’Agence spatiale européenne, mais également des petits satellites scientifiques des pays ne disposant pas de lanceurs. Ceux réalisés dans le cadre universitaire par des étudiants pour plusieurs millions de dollars constituent depuis 10 ou 15 ans un marché non négligeable .
Pour une institution désirant mettre en orbite un petit satellite d’observation, quel est le tarif moyen ? Avec l’arrivée de Vega, les prix vont-ils être tirés à la baisse comme sur n’importe quel marché concurrentiel ?
En matière de lancements, les coûts sont presque plus secrets que la technique. Un coût objectif de lancement de Vega tourne autour de 30 ou 40 millions de dollars. Soyouz est autour de 60-70 millions. Ils sont les plus bas possibles, car les universités n’ont pas des moyens très importants. Mon expérience chez Ariane montre qu’on ne divise pas les coûts par deux. On peut gagner 5 à 10 pourcent selon les innovations, mais les gains restent assez limités.
Peut-on dire qu’un modèle low-cost pour l’espace est appelé à se développer ? La politique spatiale européenne va-t-elle s’orienter en ce sens ? Pourquoi ?
L’Europe et les pays dits industrialisés ont un lourd handicap : ils fabriquent leurs lanceurs et leurs satellites avec des coûts beaucoup plus importants qu’en Chine ou en Inde. Un lanceur russe, qui est un ancien lance-missiles reconverti, ne coûte plus grand chose. Cela étant, un tel lanceur a été conçu il y vingt ans pour des missiles balistiques : sa fiabilité n’est pas garantie. On observe d’ailleurs de moins en moins de lancements de missiles balistiques reconvertis.
Les lanceurs européens, eux, sont très fiables, et les clients y sont sensibles. Les marchés de lancement n’ont pas des chiffres d’affaires considérables par rapport à ceux de l’énergie ou de l’automobile. Ariane, par an, fait deux milliards de chiffre d’affaires. Les sociétés qui commercialisent ces lancements n’ont pas en charge d’amortir les coûts de développement, qui sont financés par les Etats. La logique industrielle ne s’applique pas à l’espace, d’autant que les volumes sont limités : le marché mondial est de vingt lancers par an.
Publié le 8 mai 2013
Atlantico : Les lancements de petits satellites se faisaient jusque récemment via des missiles stratégiques russes reconvertis. Le programme Vega a-t-il vocation à faire concurrence aux Russes ? Le marché des petites charges à envoyer dans l’espace (entre 100 et 150 kg) est-il porteur ? Quels en sont les clients potentiels ?
Jacques Villain : Le programme Vega a été lancé il y a une dizaine d’années. A l’origine, l’Europe ne disposait que d’un lanceur lourd, qui était Ariane, pour lancer des gros satellites de télécommunications sur orbite géostationnaire. En 2003, décision a été prise d’acquérir un lanceur moyen, Soyouz, qui est maintenant en Guyane. L’Europe a décidé de compléter sa "gamme" par un petit lanceur : Vega.
L’objectif des lancements de Vega était les petits satellites scientifiques et d’observation. En effet, l’orbite de prédilection de Vega est l’orbite héliosynchrone, à 700 km d’altitude, propice à l’observation (civile et militaire). En moyenne, ils pèsent de 300 à 500 kg.
Aujourd’hui, une quinzaine de petits pays possèdent des satellites d’observation, alors qu’il y a trente ans c’était l’apanage des Américains et des Soviétiques. Les Français s’y sont mis à partir de 1986 sur des satellites d’observation civils. Les satellites sont aujourd’hui beaucoup moins lourds (on est passé de 18 tonnes il y a trente ans à 200 kg pour les mêmes capacités). C’est à ce marché des petits satellites que Vega s’est attaqué.
Vega doit lancer de petits satellites de l’Agence spatiale européenne, mais également des petits satellites scientifiques des pays ne disposant pas de lanceurs. Ceux réalisés dans le cadre universitaire par des étudiants pour plusieurs millions de dollars constituent depuis 10 ou 15 ans un marché non négligeable .
Pour une institution désirant mettre en orbite un petit satellite d’observation, quel est le tarif moyen ? Avec l’arrivée de Vega, les prix vont-ils être tirés à la baisse comme sur n’importe quel marché concurrentiel ?
En matière de lancements, les coûts sont presque plus secrets que la technique. Un coût objectif de lancement de Vega tourne autour de 30 ou 40 millions de dollars. Soyouz est autour de 60-70 millions. Ils sont les plus bas possibles, car les universités n’ont pas des moyens très importants. Mon expérience chez Ariane montre qu’on ne divise pas les coûts par deux. On peut gagner 5 à 10 pourcent selon les innovations, mais les gains restent assez limités.
Peut-on dire qu’un modèle low-cost pour l’espace est appelé à se développer ? La politique spatiale européenne va-t-elle s’orienter en ce sens ? Pourquoi ?
L’Europe et les pays dits industrialisés ont un lourd handicap : ils fabriquent leurs lanceurs et leurs satellites avec des coûts beaucoup plus importants qu’en Chine ou en Inde. Un lanceur russe, qui est un ancien lance-missiles reconverti, ne coûte plus grand chose. Cela étant, un tel lanceur a été conçu il y vingt ans pour des missiles balistiques : sa fiabilité n’est pas garantie. On observe d’ailleurs de moins en moins de lancements de missiles balistiques reconvertis.
Les lanceurs européens, eux, sont très fiables, et les clients y sont sensibles. Les marchés de lancement n’ont pas des chiffres d’affaires considérables par rapport à ceux de l’énergie ou de l’automobile. Ariane, par an, fait deux milliards de chiffre d’affaires. Les sociétés qui commercialisent ces lancements n’ont pas en charge d’amortir les coûts de développement, qui sont financés par les Etats. La logique industrielle ne s’applique pas à l’espace, d’autant que les volumes sont limités : le marché mondial est de vingt lancers par an.
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