samedi 21 mai 2011

« Réinventer » la Tunisie par l’innovation - Quatrième partie : De la connaissance à l’innovation

Dans les toutes prochaines premières années post-révolution, une vraie politique de valorisation des résultats de la recherche et surtout de commercialisation de ses résultats devrait être mise en place de manière concrète. Pour cela, un partenariat efficient et durable entre les structures de recherche, les écoles d’ingénieurs, les centres techniques et les entreprises économiques devrait être établi. Une véritable « industrie » de la valorisation de la recherche peut alors éclore. Des entreprises privées de services auront ainsi pour objet de commercialiser les savoirs existants dans le monde de la recherche pour répondre aux besoins des entreprises.

Des projets issus des recherches technologiques et de développement gagneraient à être mis en œuvre en coordination avec l’Agence nationale de promotion de la recherche scientifique à laquelle on devrait rattacher à nouveau l’innovation. Car cette agence, pour que son existence ait un sens réel, devrait faire le lien entre la communauté des chercheurs et celle des entrepreneurs. Ce n’est qu’ainsi qu’elle peut assurer une meilleure adéquation entre recherche et besoins des entreprises en matière d’innovation. Elle doit profiter d’un environnement qui est appelé à évoluer. Dans cet environnement, les structures nationales de recherche constituées de centres de recherche, de laboratoires et d’unités de recherche bénéficient, généralement, de « main d’œuvre » qualifiées pour réaliser leurs projets de recherche. Les pépinières d’entreprises, mis en place autour des établissements d’enseignement supérieur et plus particulièrement proches des écoles d’ingénieurs, des instituts supérieurs d’études technologiques (ISET), disposent aussi de ressources humaines qui aident les jeunes promoteurs et initiateurs de projets innovants. Il reste à trouver les moyens qui leur permettraient d’aider les entreprises dans leurs activités d’innovation.

Une priorité devrait être accordée pour que notre pays puisse disposer aussi de chercheurs de haut niveau, surtout dans les spécialités en relation avec les priorités du développement. Il est possible de puiser dans le grand vivier des compétences tunisiennes résidantes à l’étranger en concevant des mécanismes d’incitation pour qu’elles puissent contribuer à cet effort d’innovation. Il y a lieu de les mobiliser. Leur pays d’origine leur sera désormais plus attractif. Cela est une autre façon de profiter de nos compétences résidantes à l’étranger au-delà de leur simple retour.

Des bureaux universitaires de transfert technologique (BuTT) commencent à voir le jour au sein des universités. Nous suivons de la sorte ceux qui nous ont devancés depuis assez longtemps, à l’instar des Offices of Technology Transfer (OTT) américains, des Bureaux de Liaison Entreprises-Universités (BLEU) canadiens, des LIaisons Entreprises Universités (LIEU) belges, des Association for University Research and Industry Link (AURIL) britanniques, des Oficiana de Transferencia de Resuldados de la Investigation (OTRI) espagnols, etc. Les BuTTs devraient avoir comme mission principale d’assurer l’interface universités-entreprises. Ils doivent avoir parmi leurs objectifs de contribuer à structurer la fonction transfert de technologie des universités, jusque-là inexistante ou confiée à de multiples unités administratives. Ils vont disposer sans doute de personnel de valorisation hautement qualifié doté d’une solide formation scientifique du niveau du mastère ou du doctorat à laquelle s’ajoutera une formation en affaires, en marketing ou en droit. A mon avis, ils doivent être spécialisés dans les secteurs phares de l’université ou des universités concernés. Ils auront ainsi à œuvrer « à structurer la recherche partenariale (mailler les partenaires des différents secteurs et formaliser la collaboration), gérer la recherche contractuelle (négocier les conditions (coûts, livrables) et rédiger les ententes contractuelles), identifier les innovations (gérer la propriété intellectuelle (brevets, droits d’auteurs, marques de commerce…)), commercialiser les innovations (rechercher du capital de risque, accorder des licences, créer des entreprises essaimantes) » (1).

Dans ce nouvel élan post-révolution vers le développement régional, de nombreuses structures régionales verront nécessairement le jour, tels que les pôles régionaux de recherche scientifique et d’innovation technologique ; fondés sur la mise en réseau des universités et des centres de recherche, afin de renforcer la synergie entre l’enseignement supérieur et la recherche scientifique, d’une part ; et faciliter le positionnement de nos universités dans les classements internationaux, d’autre part. Ces pôles vont pouvoir attirer les investissements dans les activités à forte valeur technologique, notamment dans les domaines de l’agriculture, de l’agroalimentaire, des biotechnologies, des technologies de l’information et de la communication, de l’électronique, des composants aéronautiques, du textile et de l’habillement, de l’environnement et de la santé.

Ces pôles vont permettre de concentrer, de mobiliser ou de rassembler dans une même aire géographique en réseaux, une masse critique d’entreprises innovantes, des centres de recherche publics et privés, de fournisseurs et d’investisseurs en capital risque et des organismes de formation, autour de projets communs à fort contenu en valeur ajoutée et innovation. Ce développement par grappes ou clusters permettra de stimuler sensiblement l'économie nationale ; les clusters étant un excellent moteur de la mise en connexion. Ils permettent d’éviter les problèmes dus aux fragmentations sur des bases nationales et d’éviter que chacun fasse la même chose.

Ces pôles ont aussi comme avantage de lier innovation et territoire, de créer une dynamique et de favoriser des contacts entre les acteurs qui s’ignoraient. C’est le catalyseur du progrès technologique et de la croissance économique.

Les facteurs-clés de succès de ces structures sont : une stratégie commune de développement, des partenariats forts entre acteurs, une concentration sur des technologies à haut potentiel de marché et une visibilité internationale.

De même, l’adhésion de la Tunisie à des réseaux locaux et internationaux de recherche scientifique et d’innovation technologique devrait être renforcée pour tirer profit de cette fertilisation croisée engendrée par ces réseaux. A partir de ce moment, nous pouvons parler de la naissance d’une véritable économie de la connaissance en réseau et s’appuyant sur une bonne collaboration entre les centres de recherche, les universités et les entreprises.

Références

(1) Bernatchez J., et Trottier C. (2005). Les Bureaux de liaison entreprises-universités (BLEUs) des universités québécoises : évolution et état des lieux. Présentation à la Journée d’études du RESUP – Sciences Po, Paris, 9 juin 2005.

Rached Boussema

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