Comment les Américains perçoivent-ils l'innovation technique, scientifique, et ses conséquences? C'est ce qu'on tenté de comprendre deux députés français, Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut, en voyage aux Etats-Unis. Ils répondent aux questions de Sciences et Avenir.
Pour préparer leur rapport sur «l’innovation à l’épreuve des peurs et des risques», deux députés français sont partis en mission aux Etats-Unis. Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut, de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (OPESCT), rencontrent experts et décideurs pour comprendre comment s’articule la réflexion sur l’innovation et ses conséquences dans différents pays. En France le débat public avorté sur les nanotechnologies a laissé de mauvais souvenirs… Claude Birraux (UMP) et Jean-Yves Le Déaut (PS) répondent aux questions de Sciences et Avenir.
Pensez-vous que les Américains soient moins réticents sur les conséquences des innovations et de la science que les Français?
MM. Birraux et Le Déaut : Le moteur de l’innovation est grippé en Europe, contrairement aux Etats-Unis ou aux pays émergents. Pourquoi la France a-t-elle réussi à entrer dans les aventures aéronautique, spatiale et nucléaire – même si cela pose aujourd’hui des problèmes –et ne parvient-elle pas aujourd’hui à s’engager sur les biotechnologies et les nanotechnologies? Les laboratoires américains que nous avons visités travaillent beaucoup sur les risques, ils s’interrogent sur la perception du public, mais ils ne craignent pas de blocage sociétal. S’ils perçoivent un risque particulier, ils vont saisir l’EPA (l’Agence de l’environnement) ou le USDA (Département de l’agriculture). On a l’impression qu’ils avancent tout en réfléchissant.
Les Américains ont-ils, comme en France, des structures garantissant un débat démocratique sur les innovations technologiques, comme par exemple notre Commission nationale du débat public créée en 1997?
Non, mais les acteurs de l’innovation, privés ou institutionnels, s’adressent au public en permanence par le biais de forums internet. En fonction des retours, ils adaptent soit la recherche, soit la communication. L’interaction semble plus facile que chez nous. En France, les mécanismes d’association des citoyens cristallisent plus les peurs qu’ils ne favorisent le règlement du problème posé. C’est la principale différence de culture avec les Américains : ils n’associent pas le public, mais ils en prennent le pouls et agissent en conséquence.
Les Etats-Unis connaissent cependant un très fort mouvement anti-science, basé sur le respect littéral de la bible, qui rejette l’évolution des espèces, ou encore une contestation de la science du climat et la recherche sur les cellules souches. Comment les Américains gèrent-ils cela?
Il y a sûrement un chaînon manquant entre les gens nous avons rencontrés, qui bâtissent des passerelles pour diffuser des connaissances de manière équilibrée, et le public qui ne participe à aucun forum d’information. Mais en France aussi il y a un mouvement conservateur fort, qui conteste la science quand elle ne va pas dans le sens des idées qu’il développe. En ce qui concerne la protection de l’environnement –défi majeur de notre 21° siècle –, c'est vrai qu'elle est parfois difficile à concilier avec l’avancée et les perspectives des recherches scientifiques. Dans une société démocratique et moderne, il faudrait trouver des formes de débat public permettant de dégager des équilibres.
A part les Etats-Unis, où allez-vous vous rendre dans le cadre de la rédaction de votre rapport?
Jusqu’à présent nous sommes allés en Chine et en Inde, en Belgique et en Allemagne. Nous allons nous rendre en Suède et en Afrique du sud. Nous voulons aussi voir comment les pays du sud participent à tout cela. Nous avons beaucoup travaillé sur le questionnaire avec les jeunes lycéens français, et avec des milliers de chercheurs.
Propos recueillis aux États-Unis par Hélène Crié-Wiesner
Sciences et Avenir.fr
21/09/11
http://www.sciencesetavenir.fr/actualite/fondamental/20110921.OBS0824/innovation-les-labos-americains-ne-craignent-pas-de-blocage-societal.html
Pour préparer leur rapport sur «l’innovation à l’épreuve des peurs et des risques», deux députés français sont partis en mission aux Etats-Unis. Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut, de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (OPESCT), rencontrent experts et décideurs pour comprendre comment s’articule la réflexion sur l’innovation et ses conséquences dans différents pays. En France le débat public avorté sur les nanotechnologies a laissé de mauvais souvenirs… Claude Birraux (UMP) et Jean-Yves Le Déaut (PS) répondent aux questions de Sciences et Avenir.
Pensez-vous que les Américains soient moins réticents sur les conséquences des innovations et de la science que les Français?
MM. Birraux et Le Déaut : Le moteur de l’innovation est grippé en Europe, contrairement aux Etats-Unis ou aux pays émergents. Pourquoi la France a-t-elle réussi à entrer dans les aventures aéronautique, spatiale et nucléaire – même si cela pose aujourd’hui des problèmes –et ne parvient-elle pas aujourd’hui à s’engager sur les biotechnologies et les nanotechnologies? Les laboratoires américains que nous avons visités travaillent beaucoup sur les risques, ils s’interrogent sur la perception du public, mais ils ne craignent pas de blocage sociétal. S’ils perçoivent un risque particulier, ils vont saisir l’EPA (l’Agence de l’environnement) ou le USDA (Département de l’agriculture). On a l’impression qu’ils avancent tout en réfléchissant.
Les Américains ont-ils, comme en France, des structures garantissant un débat démocratique sur les innovations technologiques, comme par exemple notre Commission nationale du débat public créée en 1997?
Non, mais les acteurs de l’innovation, privés ou institutionnels, s’adressent au public en permanence par le biais de forums internet. En fonction des retours, ils adaptent soit la recherche, soit la communication. L’interaction semble plus facile que chez nous. En France, les mécanismes d’association des citoyens cristallisent plus les peurs qu’ils ne favorisent le règlement du problème posé. C’est la principale différence de culture avec les Américains : ils n’associent pas le public, mais ils en prennent le pouls et agissent en conséquence.
Les Etats-Unis connaissent cependant un très fort mouvement anti-science, basé sur le respect littéral de la bible, qui rejette l’évolution des espèces, ou encore une contestation de la science du climat et la recherche sur les cellules souches. Comment les Américains gèrent-ils cela?
Il y a sûrement un chaînon manquant entre les gens nous avons rencontrés, qui bâtissent des passerelles pour diffuser des connaissances de manière équilibrée, et le public qui ne participe à aucun forum d’information. Mais en France aussi il y a un mouvement conservateur fort, qui conteste la science quand elle ne va pas dans le sens des idées qu’il développe. En ce qui concerne la protection de l’environnement –défi majeur de notre 21° siècle –, c'est vrai qu'elle est parfois difficile à concilier avec l’avancée et les perspectives des recherches scientifiques. Dans une société démocratique et moderne, il faudrait trouver des formes de débat public permettant de dégager des équilibres.
A part les Etats-Unis, où allez-vous vous rendre dans le cadre de la rédaction de votre rapport?
Jusqu’à présent nous sommes allés en Chine et en Inde, en Belgique et en Allemagne. Nous allons nous rendre en Suède et en Afrique du sud. Nous voulons aussi voir comment les pays du sud participent à tout cela. Nous avons beaucoup travaillé sur le questionnaire avec les jeunes lycéens français, et avec des milliers de chercheurs.
Propos recueillis aux États-Unis par Hélène Crié-Wiesner
Sciences et Avenir.fr
21/09/11
http://www.sciencesetavenir.fr/actualite/fondamental/20110921.OBS0824/innovation-les-labos-americains-ne-craignent-pas-de-blocage-societal.html
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