mardi 13 septembre 2011

Première tentative d'archéologie... spatiale

Reprendre contact avec un satellite lancé il y a 40 ans, c'est ce que va tenter dans les jours qui viennent une équipe d'ingénieurs en Angleterre. La cible: Prospero, le seul satellite britannique en orbite lancé par une fusée britannique. 

Une réplique du satellite Prospero exposé au Science Museum de Londres. (Wikicommons)Une réplique du satellite Prospero exposé au Science Museum de Londres. (Wikicommons)
 


Au sein du laboratoire spatial Mullard en Angleterre, un petit groupe d’ingénieurs s’est lancé dans une aventure d’archéologie spatiale. Sous la direction de Phil Gutridge, chef du département d’électronique, ils essaient de faire revivre un satellite mis en orbite il y a 40 ans. Ce n’est pas n’importe quel satellite : Prospero (X-3) est l’unique satellite britannique mis en orbite par un lanceur britannique. Un morceau d’histoire national auquel le jeune Phil Guttridge a lui-même participé.

C’était le 28 octobre 1971 : une fusée Black Arrow s’arrachait du pas de tir de la base de Woomera, en Australie, pour mettre en orbite le satellite de recherches Prospero. Celui-ci embarquait de nouvelles cellules photovoltaïques à tester, ainsi que des dispositifs pour étudier les effets des micrométéorites sur les satellites et autres artefacts spatiaux. Le satellite a fonctionné jusqu’en 1996, date à laquelle ses activités ont été stoppées. Prospero est toujours en orbite, «il est comme une télévision en veille prête à recevoir un signal pour se rallumer», explique Adrien Content, un étudiant de l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Toulouse, qui effectue son stage au cœur de cette petite cellule de ‘réveil’ au Mullard Space Science Laboratory (MSSL).

Tout recréer de zéro
 
Pour fêter les 40 ans de ce lancement, l’équipe de Guttridge compte bien envoyer un signal de remise en marche au satellite Prospero. Cependant toutes les informations sur les commandes à envoyer au satellite étaient perdues, dispersées depuis longtemps. Le doctorant Roger Duthie a effectué le travail de recherches, fouillant dans les archives du centre de la Royal Aircraft de Farnborough où avait été construit le satellite. Finalement c’est dans un document conservé aux archives nationales, à Londres, que Duthie a retrouvé les codes indispensables pour communiquer avec Prospero. «Il faut savoir sur quelle fréquence envoyer la commande, comment faire partir l’information, sachant que le signal doit être découpé, comme si on éteignait et rallumait», explique Adrien Content.

C’est à ce jeune étudiant en électronique qu’incombait la tache de reconstruire le matériel nécessaire à l’envoi du signal -analogique, bien sûr. «Il fallait recréer le système électronique à l’identique, en partant de zéro, raconte Adrien Content. Cependant nous disposons de technologies plus performantes qu’à l’époque pour le concevoir : ça m’a pris un mois et demi pour créer le système qui génère les commandes, il y a 40 ans il fallait sûrement plus de temps ! ».

Ces derniers jours l’étudiant toulousain était attelé aux dernières vérifications. «Tout est prêt, nous attendons l’autorisation officielle pour utiliser la fréquence d’émission, qui est au-dessus des fréquences amateurs». Une fois ce feu vert obtenu, il faut attendre que le satellite Prospero passe au-dessus du centre Mullard, d’où est émis le signal. Même si les batteries ne sont plus capables de stocker l’énergie, le satellite peut encore compter sur ses panneaux solaires pour lui fournir de l’énergie. L’équipe attendra donc un passage de jour, pour être sûr que le satellite est alimenté au moment où le signal lui arrive.

Décoder la réponse

Si tout fonctionne, la réponse ne se fera pas attendre. Encore faudra-t-il décoder ce signal. Le réveil du satellite risque de renvoyer Roger Duthie dans les cartons d’archives, afin de retrouver la documentation nécessaire à la reconstruction du système de réception des signaux de Prospero.

Adrien Content, qui achève son stage en Angleterre à la fin de la semaine, espère bien assister à l’émission du premier signal vers le satellite. Plusieurs tentatives pourraient cependant être nécessaires avant de réveiller Prospero, s’il consent à sortir de son sommeil.

Prospero a été lancé par une fusée Black Arrow en octobre 1971 alors que le programme de ces lanceurs avait été stoppé… en juillet 1971. Après trois lancements suborbitaux dont deux ratés, la Grande-Bretagne avait en effet décidé de mettre fin à ce programme de lanceur. La fusée R3 qui a lancé Prospero est la première et la dernière à avoir atteint l’orbite terrestre. La fusée R4 n’est jamais partie et est exposée au Musée des Sciences de Londres. (Nicholas Bailey / Rex F/REX/SIPA)


Cécile Dumas

 Sciences et Avenir.fr
 
13-09-11 à 18:28  
 
http://www.sciencesetavenir.fr/actualite/espace/20110913.OBS0301/premiere-tentative-d-archeologie-spatiale.html

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