Moleskine est une marque dont le fort héritage est intimement lié au support papier. Mais pour le CEO Arrigo Berni, le papier et le digital sont loin d'être contradictoires. Bien au contraire.
Entretien avec Arrigo Berni, CEO de Moleskine, ainsi que Peter Hobolt Jensen, Digital Business Director de Moleskine, à l’occasion de la conference d'Evernote EC2013 qui s’est tenue à San Francisco les 26 et 27 Septembre.
Qu’est-ce qui a motivé votre choix de « digitaliser » Moleskine ?
La règle fondamentale qui a toujours été la notre, c’est de partir du consommateur. Il est nécessaire de comprendre qui est le client pour déterminer comment améliorer son expérience. Clairement, le digital pour le digital n’a pas de sens. Il y a 10 ans, l’innovation en soi avait de la valeur, mais aujourd’hui que l’innovation est partout, ce n’est plus le cas. Dans le cas de Moleskine, nous avons donc commencé par étudier nos clients. Et très vite, nous nous sommes rendus compte que l’utilisateur Moleskine est plus susceptible d’utiliser des outils digitaux pour prendre des notes, que le consommateur moyen. Notre client type est très éduqué, exerce une profession créative et vit dans des zones urbaines. Pour aller plus loin, nous avons fait une campagne intitulée “Qu’avez-vous dans votre sac?” qui consistait à demander aux gens de décrire la composition de leurs sacs. Et nous nous sommes rendus compte que notre utilisateur a bien sûr toujours un smartphone (voire également une tablette) avec lui, et qu’il est loin de ne jurer que par le papier. Au contraire, il vit dans un continuum où il fait des aller-retour permanents entre papier et plateformes numériques. En réalité, il n’y a pas de dichotomie entre l’analogique et le numérique. Nous avons donc décidé de créer une expérience qui permet de passer du papier au numérique et vice versa très simplement, sans friction. Nous avons, entre autres choses, une application mobile, une place de marché où les artistes peuvent vendre leur Moleskine personnalisé, et nous avons une intégration avec Evernote.
Le client Moleskine garde-t-il les carnets papier et les carnets numériques pour des usages différents?
Absolument, oui. La distinction entre les deux activités dépend en fait de l’implication émotionnelle de l’utilisateur. Les gens ont conservé une relation au beau papier qui est de l’ordre de l’intime. Je vais vous raconter une anecdote. Un de mes amis est directeur artistique dans une agence et passe son temps à griffonner sur des feuilles de papier standard. Un jour je lui ai demandé pourquoi il n’écrivait pas dans un carnet Moleskine au lieu de feuilles volantes, et il m’a répondu qu’il donne ses croquis à ses équipes, et que s’il écrivait dans un carnet il serait donc obligé d’en arracher les pages. Or, un Moleskine est un trop bel objet pour en arracher les pages. Et cette histoire illustre bien le fait qu’un beau carnet reste quelque chose de spécial dans l’esprit des gens. Nos client ont recours aux outils numériques lorsque leur priorité est d’être efficace, ou productif. En général il s’agit de situations où leur implication émotionnelle est relativement faible. Lorsqu’ils passent dans leur sphère intime, qu’ils se retrouvent avec eux-mêmes, la technologie a peu de valeur ajoutée. Le support papier prend en revanche une importance toute particulière, surtout le beau papier. Autrement dit, le papier a été remplacé par les outils numériques pour la prise de note utilitaire, pratique, efficace. Mais un Moleskine représente l’intimité, la créativité, rien que par son aspect physique. On l’ouvre comme un livre, les coins des pages sont ronds, on le ferme avec un élastique… des éléments qui s’ajoutent au pouvoir d’une marque qui vous connecte à de grands écrivains.
Pouvez-vous nous parler de l’approche Moleskine de l’innovation ?
Notre héritage est principalement lié au fameux petit carnet noir. C’est un produit qui place la barre extrêmement haut, et qui place la simplicité au cœur de tout. Nous plaçons le client, l’utilisateur au cœur de tout ce que nous faisons, avant même notre produit. Dans les années 2000 nous avons très vite eu une importante présence en ligne, qui était le fait de notre communauté, qui parlait de nous en ligne. Les gens partagent leurs croquis, leurs dessins et autres en ligne avec d’autres amateurs de carnets Moleskine. Nous n’avions presque pas besoin de faire de marketing en ligne. Début de 2011, nous avons commencé à mettre en place et tester notre activité e-commerce. Notre approche de l’innovation c’est une approche de l’ouverture. Ce n’est pas évident car un carnet Moleskine est un espace de créativité. On ne peut pas toucher à ce processus créatif. En revanche nous souhaitons être une API, une plateforme ouverte de partage et de collaboration. Sur notre Artist Marketplace, nous permettons par exemple aux artistes de créer leur propre couverture de carnet Moleskine et de le vendre en ligne, via notre site. Dans cette optique, les partenariats sont extrêmement importants, nous cherchons des partenaires qui partagent les mêmes valeurs d’ouverture. Sur ce plan, le partenariat avec Evernote s’est révélé extrêmement fort. C’est un bon partenariat car il apporte encore plus de simplicité et d’efficacité à l’utilisateur. Celui-ci peut facilement prendre en photo les pages de son carnet Moleskine (ses notes, ses croquis…) et uploader les images directement sur Evernote pour y accéder depuis n’importe quel appareil, les annoter, les partager facilement, et les archiver avec le reste de son contenu Evernote. Le lancement du"smart notebook" Moleskine Evernote a notre lancement le plus réussi de notre histoire.
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