Cette fois, ça y est ! L’éducation semble rencontrer pour de bon le potentiel des réseaux numériques. Nouveaux acteurs, nouveaux enjeux, nouveaux défis : PLAYER fait le tour de l’éducation en mode réseau en 2013, et au-delà…
Le numérique frappe depuis longtemps à la porte de notre système éducatif : l’association Enseignement public et informatique a été fondée dans les années 1970. Mais il s’apprête à le faire voler en éclats et à chambouler bien des certitudes et des conservatismes qui, de la maternelle au doctorat, interdisent toute réforme significative venue d’en haut. La raison en est simple : l’un des écosystèmes les plus innovants au monde, si ce n’est le plus innovant, s’est emparé du sujet. Du nord au sud de la Silicon Valley, universités, entreprises et centres de recherche publics ou privés ont inscrit l’éducation sur leurs agendas, à égalité avec les autres priorités du moment – nanotechnologies, génome à 300 dollars, biotechnologies, énergie… Un tsunami s’annonce. S’il produit sur l’éducation les mêmes effets que sur les industries de la presse, du disque ou de la distribution, trois conséquences affecteront demain les enseignements primaire et supérieur, et après-demain l’enseignement secondaire : un changement de modèle économique impliquant une baisse des tarifs sur certains services ; une prise de pouvoir du « consommateur d’école » aux dépens du « citoyen usager du service public » ; et une montée en puissance des organisations collaboratives au détriment des structures pyramidales archi-hiérarchisées.
SUPÉRIEUR
Ces changements affecteront en premier lieu l’enseignement supérieur. Parce qu’il est déjà structuré en marché. Parce que le secteur privé y est dynamique et s’est construit, depuis ses origines, sur sa capacité à proposer des approches pédagogiques disruptives. Parce les ordinateurs, tablettes et smartphones ont déjà envahi amphis et salles de TD alors qu’ils restent le plus souvent dans les cartables au collège et au lycée. Parce que nombre d’établissements ont effectué les indispensables investissements matériels. Parce que le lien avec le marché de l’emploi permettra très vite de prouver – ou non – l’efficacité de telles innovations. Enfin, parce qu’une partie minoritaire mais hyperactive et influente du secteur vit à l’heure de la mondialisation.
Les signes annonciateurs de la révolution sont déjà perceptibles et ne concernent pas seulement l’engouement pour les MOOC (massive open online courses), qui méritent attention et encouragements mais sont à l’innovation pédagogique ce que Pong est à World of Warcraft en matière de jeu vidéo, puisque le MOOC se contente d’actualiser la forme la plus traditionnelle de pédagogie : celle du cours magistral. Écoles de commerce, d’ingénieurs, de design, sont déjà en train de diversifier leur mode de recrutement et leur organisation pédagogique pour y intégrer les fondamentaux de la révolution numérique et de l’innovation. On commence à enseigner le design thinking. Des formations mariant commerce, technologie et conception voient le jour, comme par exemple la Web School Factory à Paris. Certaines écoles, comme la France Business School, renoncent aux concours traditionnels pour aller chercher les talents ailleurs que dans le vivier formaté des bacheliers S mention très bien. Les « fab labs » se multiplient. Des écosystèmes se structurent afin qu’enseignement, recherche et entrepreneuriat se fertilisent mutuellement, de Troyes à Saclay en passant par Grenoble. Des missions à caractère humanitaire entrent dans les cursus afin de nourrir l’empathie et l’intelligence émotionnelle des étudiants.
MODÈLE(S) ÉCONOMIQUE(S)
Le supérieur est donc prêt à aborder la révolution qui vient. Reste à en dessiner les contours économiques. À quelle vitesse les systèmes de correction automatisés qui permettent de traiter des milliers de copies (et plus seulement des QCM) s’imposeront-ils ? Quand écoles et universités renonceront-elles à leurs cours magistraux pour basculer en mode MOOC ? Quel impact le développement des imprimantes 3D aura-t-il sur l’image de la technologie ? Les établissements sauront-ils, mieux que la presse par exemple, convertir rapidement leurs troupes aux formidables potentialités qu’offre le numérique, à commencer par le temps qu’il pourrait libérer au profit d’activités de tutorat individualisé et d’expériences in vivo – stages, voyages, travaux en labo, projets académiques, professionnels ou associatifs, etc. ? Si ces innovations tardent dans les établissements classiques, de nouveaux pure players émergeront dans le secteur de l’enseignement supérieur et le numérique leur permettra de proposer des formations à des tarifs aujourd’hui impensables. Et s’ils font la preuve de leur capacité à insérer leurs étudiants, ils se passeront de toute autre forme de reconnaissance et d’accréditation, au moins au début. C’est exactement de cette façon que s’est développé l’enseignement supérieur privé dans les années 1970, époque où la question de l’emploi était le cadet des soucis des universités et où les écoles de commerce et d’ingénieurs étaient loin d’avoir tissé les liens qui les relient aujourd’hui au monde économique.
CHALLENGES
Logiquement, ces évolutions ne devraient pas laisser indifférent l’enseignement secondaire. Pourtant, rarement l’écart entre la pédagogie et les qualités requises pour « réussir » au lycée général et dans l’enseignement supérieur ont été aussi éloignées. En fait, la seule filière à laquelle prépare le lycée est… le lycée, à savoir les études en BTS et en classes préparatoires. Les filières technologiques et professionnelles sont nettement plus innovantes, mais elles souffrent encore, au pays de Descartes et du lycée napoléonien, d’une image injustement dégradée, si bien qu’elles ne peuvent pas encore rivaliser, en termes d’attractivité, avec la filière générale. Si bien que c’est peut-être par le primaire que la révolution numérique pourrait entreprendre la conquête de l’enseignement scolaire. Le choix d’applis de qualité dédiées à l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul s’accroît chaque jour. Les ventes de tablettes ayant dépassé celles d’ordinateurs, et l’anxiété des parents étant ce qu’elle est, on peut sans grand risque prédire une explosion de ce secteur. Là non plus, la question n’est pas de savoir si le numérique entrera dans toutes les écoles mais plutôt à quelle vitesse, et si le secteur public et le privé sous contrat réagiront avant qu’une offre purement privée ne se structure, soit en complément de l’école, comme cela existe en Corée du Sud ou au Japon, soit à sa place.
Innovation portée par les acteurs dans le supérieur, poussée par les parents dans le primaire, sans doute imposée bientôt dans le secondaire par les jeunes qui finiront par rejeter une pédagogie frontale si éloignée du monde connecté dans lequel ils sont nés et grandissent… L’école « à la papa » a vécu. Ses enseignants, de plus en plus ouverts au numérique, le pressentent à défaut de le savoir. Collectivités et, ici ou là, autorités académiques aussi. Il ne reste plus à l’Éducation nationale qu’à faire sa révolution copernicienne.
Par Emmanuel Davidenkoff
Directeur de la rédaction de L'étudiant
Le 19 / 09 / 13 | Posté par la rédaction de SFR PLAYER
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