L'île volcanique de Jeju, en Corée du Sud, un lieu de tourisme, de villégiature et d'expérimentation grandeur nature de réseaux électriques « intelligents ». / DR |
La Corée du Sud veut convertir tous ses réseaux électriques au smart grid, un ensemble de technologies qui visent à optimiser la production, la distribution et la consommation d'électricité. Alors que le premier test grandeur nature vient de se terminer, les entreprises engagées dans l'expérience expriment des réserves.
C'est un endroit ravissant mais improbable qu'a choisi la Corée du Sud pour sa première expérience grandeur nature de smart grid : son île volcanique de Jeju, située à l'extrême sud de la péninsule. Dans ses petits villages côtiers, où les femmes continuent de pratiquer la pêche aux coquillages en apnée, 2000 foyers ont été connectés à ces réseaux électriques dits « intelligents ».
« C'est la plus grande expérience de smart grid au monde pour le nombre de technologies rassemblées », s'enthousiasme Lee So-yun, l'une des responsables du projet de Jeju, qui a débuté en 2009 et s'est conclu en mai 2013.
Pour les utilisateurs, le principe est simple : le prix de l'électricité change toutes les cinq minutes en fonction de la demande. Un compteur « intelligent » et une interface de type tablette, installés dans les foyers, permettent d'adapter la consommation de chaque appareil électroménager. Ainsi, quand le prix de l'électricité dépasse un certain seuil, un frigo passe en mode économie et cesse, par exemple, d'être éclairé, tandis qu'une « smart-machine à laver » ne fonctionnera pas tant que le prix ne sera pas redescendu. Le principe de ces technologies est de rendre les consommateurs plus responsables, en leur donnant accès, en temps réel, à la consommation de chacun de leurs appareils. Le contrôle peut être réalisé à distance, par l'intermédiaire d'un téléphone portable.
Un marché de vente et d'achat en temps réel
« Le smart grid, c'est vraiment très bien. Mes voisins disent avoir divisé leur facture d'électricité par deux ! », assure Ko Seok-hun, un habitant du village de Woljeong, qui regrette de n'avoir pas été choisi pour participer à l'expérience.
Tous les participants au projet n'ont pas partagé cet enthousiasme. Si aucun résultat officiel n'a encore été publié, « les évaluations préliminaires officieuses montrent des économies d'énergie légèrement supérieures à 10 % », annonce Jerry Yang, chef d'équipe au Korea Smart Grid Institute, l'établissement public chargé de piloter le projet. « Nous avons organisé des formations pour apprendre à utiliser ces nouveaux appareils, mais tout le monde n'est pas encore prêt. »
L'expérience de Jeju a aussi permis de tester de nombreuses autres technologies de smart grid, qui permettent notamment de minimiser les pertes le long des infrastructures de distribution, d'intégrer au réseau diverses sources d'énergies renouvelables et de gérer un marché de vente et d'achat d'électricité en temps réel. Les compteurs domestiques permettent ainsi de revendre l'électricité produite par les maisons individuelles équipées de panneaux solaires. Plusieurs modèles commerciaux de marché de vente et d'achat d'électricité ont été mis à l'essai.
« Nous avons testé 45 business models et quatre systèmes de tarification différents, se félicite Lee So-yun. Le gouvernement choisira ensuite lequel convient le mieux. »
La Corée du Sud a prévu d'installer des réseaux smart grid dans plusieurs villes à partir de 2014, avant de diffuser ces technologies sur l'ensemble du territoire d'ici à 2030. Le pays, qui ne dispose d'aucune énergie fossile et doit importer 97% de ses besoins énergétiques, place de grands espoirs dans ces technologies. Séoul estime, d'ici à 2030, pouvoir réduire ses importations énergétiques de 31 milliards d'euros, économiser 2 milliards d'euros sur la construction de nouvelles centrales et créer 1 million d'emplois.
Des estimations trop optimistes ? « Certes, ces chiffres semblent très élevés, reconnaît Jerry Yang. Mais nous nous attendons à l'émergence de nombreux nouveaux business. »
Pour le privé, quel retour sur investissement ?
Pour réussir son pari, le gouvernement demande le soutien des grandes entreprises sud-coréennes du secteur des NTIC. Ce sont elles qui ont financé la plus grande partie de l'expérience de Jeju : le projet a coûté 170 millions d'euros, dont 115 millions ont été apportés par le secteur privé. Cent soixante-huit entreprises ont participé à l'expérience.
Or, celles-ci cachent de moins en moins leurs réserves. Selon un sondage réalisé en mai par la Korea Smart Grid Association, un tiers seulement des 122 entreprises interrogées se disent optimistes quant à l'avenir du secteur. Au centre des inquiétudes : les lois et les standards que devra adopter le gouvernement pour réguler ces marchés d'électricité en temps réel.
« Toutes les technologies existent déjà. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un marché. Mais nous ne sommes pas du tout sûrs que le gouvernement va adopter un modèle commercial qui soit rentable pour nous », explique Yoo Byung-chun, de la division Green Business du conglomérat SK Telecom, l'un des principaux investisseurs privés de l'expérience de Jeju.
SK est le premier opérateur de téléphonie mobile du pays ; l'entreprise espère s'appuyer sur son énorme base clientèle et sur son savoir-faire en matière de télécommunications pour développer de nouveaux marchés dans le domaine des smart grids.
Or, en Corée du Sud, le prix de l'électricité est maintenu artificiellement bas par l'opérateur public Kepco, en situation de monopole et qui accumule les pertes.
« C'est un problème de volonté politique. Si le prix est trop bas, les consommateurs ne sont pas incités à avoir recours à ces nouvelles technologies. Nous voulons que le gouvernement ouvre le marché de l'électricité », poursuit Yoo Byung-chun.
Car le succès des smart grids dépendra de l'attitude des consommateurs. Dans cette perspective, le choix de l'île de Jeju a été très critiqué : « C'est le pire des endroits pour un tel test. C'est une zone rurale, avec une population plutôt âgée : leur consommation d'électricité est déjà extrêmement faible », regrette Yoo Byung-chun, qui tempère : « Même si les résultats de Jeju sont mitigés, c'est un bon point de départ. Le projet a permis d'intégrer des technologies très variées. »
Frédéric Ojardias | 30/09/2013, 11:54
C'est un endroit ravissant mais improbable qu'a choisi la Corée du Sud pour sa première expérience grandeur nature de smart grid : son île volcanique de Jeju, située à l'extrême sud de la péninsule. Dans ses petits villages côtiers, où les femmes continuent de pratiquer la pêche aux coquillages en apnée, 2000 foyers ont été connectés à ces réseaux électriques dits « intelligents ».
« C'est la plus grande expérience de smart grid au monde pour le nombre de technologies rassemblées », s'enthousiasme Lee So-yun, l'une des responsables du projet de Jeju, qui a débuté en 2009 et s'est conclu en mai 2013.
Pour les utilisateurs, le principe est simple : le prix de l'électricité change toutes les cinq minutes en fonction de la demande. Un compteur « intelligent » et une interface de type tablette, installés dans les foyers, permettent d'adapter la consommation de chaque appareil électroménager. Ainsi, quand le prix de l'électricité dépasse un certain seuil, un frigo passe en mode économie et cesse, par exemple, d'être éclairé, tandis qu'une « smart-machine à laver » ne fonctionnera pas tant que le prix ne sera pas redescendu. Le principe de ces technologies est de rendre les consommateurs plus responsables, en leur donnant accès, en temps réel, à la consommation de chacun de leurs appareils. Le contrôle peut être réalisé à distance, par l'intermédiaire d'un téléphone portable.
Un marché de vente et d'achat en temps réel
« Le smart grid, c'est vraiment très bien. Mes voisins disent avoir divisé leur facture d'électricité par deux ! », assure Ko Seok-hun, un habitant du village de Woljeong, qui regrette de n'avoir pas été choisi pour participer à l'expérience.
Tous les participants au projet n'ont pas partagé cet enthousiasme. Si aucun résultat officiel n'a encore été publié, « les évaluations préliminaires officieuses montrent des économies d'énergie légèrement supérieures à 10 % », annonce Jerry Yang, chef d'équipe au Korea Smart Grid Institute, l'établissement public chargé de piloter le projet. « Nous avons organisé des formations pour apprendre à utiliser ces nouveaux appareils, mais tout le monde n'est pas encore prêt. »
L'expérience de Jeju a aussi permis de tester de nombreuses autres technologies de smart grid, qui permettent notamment de minimiser les pertes le long des infrastructures de distribution, d'intégrer au réseau diverses sources d'énergies renouvelables et de gérer un marché de vente et d'achat d'électricité en temps réel. Les compteurs domestiques permettent ainsi de revendre l'électricité produite par les maisons individuelles équipées de panneaux solaires. Plusieurs modèles commerciaux de marché de vente et d'achat d'électricité ont été mis à l'essai.
« Nous avons testé 45 business models et quatre systèmes de tarification différents, se félicite Lee So-yun. Le gouvernement choisira ensuite lequel convient le mieux. »
La Corée du Sud a prévu d'installer des réseaux smart grid dans plusieurs villes à partir de 2014, avant de diffuser ces technologies sur l'ensemble du territoire d'ici à 2030. Le pays, qui ne dispose d'aucune énergie fossile et doit importer 97% de ses besoins énergétiques, place de grands espoirs dans ces technologies. Séoul estime, d'ici à 2030, pouvoir réduire ses importations énergétiques de 31 milliards d'euros, économiser 2 milliards d'euros sur la construction de nouvelles centrales et créer 1 million d'emplois.
Des estimations trop optimistes ? « Certes, ces chiffres semblent très élevés, reconnaît Jerry Yang. Mais nous nous attendons à l'émergence de nombreux nouveaux business. »
Pour le privé, quel retour sur investissement ?
Pour réussir son pari, le gouvernement demande le soutien des grandes entreprises sud-coréennes du secteur des NTIC. Ce sont elles qui ont financé la plus grande partie de l'expérience de Jeju : le projet a coûté 170 millions d'euros, dont 115 millions ont été apportés par le secteur privé. Cent soixante-huit entreprises ont participé à l'expérience.
Or, celles-ci cachent de moins en moins leurs réserves. Selon un sondage réalisé en mai par la Korea Smart Grid Association, un tiers seulement des 122 entreprises interrogées se disent optimistes quant à l'avenir du secteur. Au centre des inquiétudes : les lois et les standards que devra adopter le gouvernement pour réguler ces marchés d'électricité en temps réel.
« Toutes les technologies existent déjà. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un marché. Mais nous ne sommes pas du tout sûrs que le gouvernement va adopter un modèle commercial qui soit rentable pour nous », explique Yoo Byung-chun, de la division Green Business du conglomérat SK Telecom, l'un des principaux investisseurs privés de l'expérience de Jeju.
SK est le premier opérateur de téléphonie mobile du pays ; l'entreprise espère s'appuyer sur son énorme base clientèle et sur son savoir-faire en matière de télécommunications pour développer de nouveaux marchés dans le domaine des smart grids.
Or, en Corée du Sud, le prix de l'électricité est maintenu artificiellement bas par l'opérateur public Kepco, en situation de monopole et qui accumule les pertes.
« C'est un problème de volonté politique. Si le prix est trop bas, les consommateurs ne sont pas incités à avoir recours à ces nouvelles technologies. Nous voulons que le gouvernement ouvre le marché de l'électricité », poursuit Yoo Byung-chun.
Car le succès des smart grids dépendra de l'attitude des consommateurs. Dans cette perspective, le choix de l'île de Jeju a été très critiqué : « C'est le pire des endroits pour un tel test. C'est une zone rurale, avec une population plutôt âgée : leur consommation d'électricité est déjà extrêmement faible », regrette Yoo Byung-chun, qui tempère : « Même si les résultats de Jeju sont mitigés, c'est un bon point de départ. Le projet a permis d'intégrer des technologies très variées. »
Frédéric Ojardias | 30/09/2013, 11:54
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