À partir des données fournies par Curiosity, une équipe de chercheurs est parvenu à résoudre une énigme vieille de presque 40 ans.
La planète Mars HOPD/AP/SIPA
C'est une énigme vieille de plus de 40 ans que vient de réussir à percer une équipe internationale de pas moins de 62 chercheurs. Dans une série d'articles publiés ce vendredi 27 septembre sur le site de la prestigieuse revue américaine Science, ces chercheurs expliquent enfin sous quelle forme se trouve l'eau à la surface de Mars.
La présence d'eau sur la planète rouge est connue depuis les années 1970. Les sondes spatiales Mariner 9, lancée en 1971 puis Viking quatre ans plus tard, avaient mis en évidence des structures géologiques ressemblant à des cours d'eau asséchés. En 2002, la sonde Mars Odyssey avait même repéré la présence d'eau au beau milieu du désert martien. Et en 2004, la sonde européenne Mars Express avait confirmé la présence de glace d’eau dans la calotte polaire sud, puis d'un permafrost autour du pôle nord s’étendant sur des centaines de kilomètres carrés.
"Les mesures de Mars Odyssey avaient permis d'estimer que l'eau représentait entre 2 et 10%, en masse, de la composition du sol de Mars, chiffre Pierre-Yves Meslin, chercheur à l'Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP), et co-auteur de l'étude. Mais l'énigme était de savoir sous quelle forme se trouvait cette eau".
La quête de l'eau
En effet, on pouvait imaginer la trouver sous forme de glace, ou emprisonnée dans des minéraux hydratés tells que des argiles ou des structures cristallines telles que du gypse. En effet, sur Terre, ces minéraux renferme beaucoup d'eau (comme en témoigne la formule chimique du gypse : CaSO4-2H2O).
Et répondre à cette énigme est primordial car la manière dont est stockée l'eau nous renseigne sur le passé géologique de la planète. "Par exemple, si cette eau avait été stockée sous la forme d'argiles, cela voudrait dire qu'il y a eu beaucoup d'eau liquide sur Mars et ce, durant un laps de temps très long", explique Pierre-Yves Meslin.
"De l'eau incorporée dans une phase amorphe"
Mais d'après la publication des chercheurs, ce n'est nullement le cas. "L'eau que renferme le sol de mars résulte probablement de l'hydrolyse des fines particules du sol, explique Pierre-Yves Meslin. Elle réagit chimiquement avec le minéral et prend alors la forme de groupes hydroxyles (c'est à dire une association entre un atome d'hydrogène (H) et un d'oxygène (O)), peut-être associés à des oxydes de fer. La structure formée est amorphe, c'est à dire désordonnée" précise le chercheur.
En d'autres mots, l'eau (H20) une fois fixée à la surface des grains prends une autre forme chimique. Toutefois, en les chauffant à très haute température (835°C), il est possible de libérer de nouveau cette eau sous forme de vapeur.
"On peut extraire 2 litres d'eau à partir de 100 kilos de sable fin" estime Pierre-Yves Meslin. Ce qui constitue une bonne nouvelle pour les colons d'une hypothétique conquête de Mars dans le futur.
Peu d'échanges diurnes avec l'atmosphère
Grâce à ces données, les chercheurs apportent également de nouveaux éléments sur le cycle de l'eau martien. En effet, une partie de la fine couche d'atmosphère qui entoure mars se compose de vapeur d'eau. Sur Terre, les échanges entre l'eau atmosphérique et celle contenue dans les sols sont très importants. Il est en effet fréquent que de la vapeur d'eau atmosphérique se condense sur les surfaces froides.
Ce même phénomène se produit-il sur Mars ? "Il y a des dépôts de givre ailleurs sur Mars, mais pas dans le cratère de Gale, répond Pierre-Yves Meslin. Nous avons tenté l'expérience de tirer à plusieurs reprises sur un même sol durant la nuit et pendant la journée, afin de voir si ce dernier contenait plus d'eau pendant la nuit. Et nous n'avons pas constaté de différence".
Mars s'assèche
Enfin, ultime enseignement : l'analyse des isotopes de l'hydrogène montre que l'eau contenue dans ce sable fin est similaire à la vapeur d'eau atmosphérique, et que celle-ci s'échappe progressivement dans l'espace. Ce qui signifie que la planète rouge s'assèche peu à peu.
Arrivé dans le cratère Gale sur l'équateur martien le 6 août 2012, Curiosity, le robot explorateur à six roues le plus sophistiqué jamais envoyé sur une autre planète, a déjà établi que la planète Rouge avait été propice à la vie microbienne dans son lointain passé, ce qui était le principal objectif de sa mission de deux ans.
Une étude publiée la semaine dernière avait toutefois douché les espoirs de trouver des traces de vie actuelle sur Mars, en indiquant que Curiosity n' y avait trouvé aucune trace de méthane dans l'atmosphère.
Ces dernières semaines, le robot a repris sa route vers le mont Sharp, distant de huit kilomètres et principale cible d'exploration de la mission. Son périple durera plusieurs mois, d'autant que Curiosity s'arrêtera en chemin pour analyser des formations géologiques jugées intéressantes.
Le pied du mont Sharp suscite un grand intérêt en raison de différentes couches sédimentaires qui pourraient permettre de dater les périodes durant lesquelles Mars était propice à la vie.
Par Erwan Lecomte
Sciences & Avenir
La planète Mars HOPD/AP/SIPA
C'est une énigme vieille de plus de 40 ans que vient de réussir à percer une équipe internationale de pas moins de 62 chercheurs. Dans une série d'articles publiés ce vendredi 27 septembre sur le site de la prestigieuse revue américaine Science, ces chercheurs expliquent enfin sous quelle forme se trouve l'eau à la surface de Mars.
La présence d'eau sur la planète rouge est connue depuis les années 1970. Les sondes spatiales Mariner 9, lancée en 1971 puis Viking quatre ans plus tard, avaient mis en évidence des structures géologiques ressemblant à des cours d'eau asséchés. En 2002, la sonde Mars Odyssey avait même repéré la présence d'eau au beau milieu du désert martien. Et en 2004, la sonde européenne Mars Express avait confirmé la présence de glace d’eau dans la calotte polaire sud, puis d'un permafrost autour du pôle nord s’étendant sur des centaines de kilomètres carrés.
"Les mesures de Mars Odyssey avaient permis d'estimer que l'eau représentait entre 2 et 10%, en masse, de la composition du sol de Mars, chiffre Pierre-Yves Meslin, chercheur à l'Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP), et co-auteur de l'étude. Mais l'énigme était de savoir sous quelle forme se trouvait cette eau".
La quête de l'eau
En effet, on pouvait imaginer la trouver sous forme de glace, ou emprisonnée dans des minéraux hydratés tells que des argiles ou des structures cristallines telles que du gypse. En effet, sur Terre, ces minéraux renferme beaucoup d'eau (comme en témoigne la formule chimique du gypse : CaSO4-2H2O).
Et répondre à cette énigme est primordial car la manière dont est stockée l'eau nous renseigne sur le passé géologique de la planète. "Par exemple, si cette eau avait été stockée sous la forme d'argiles, cela voudrait dire qu'il y a eu beaucoup d'eau liquide sur Mars et ce, durant un laps de temps très long", explique Pierre-Yves Meslin.
"De l'eau incorporée dans une phase amorphe"
Mais d'après la publication des chercheurs, ce n'est nullement le cas. "L'eau que renferme le sol de mars résulte probablement de l'hydrolyse des fines particules du sol, explique Pierre-Yves Meslin. Elle réagit chimiquement avec le minéral et prend alors la forme de groupes hydroxyles (c'est à dire une association entre un atome d'hydrogène (H) et un d'oxygène (O)), peut-être associés à des oxydes de fer. La structure formée est amorphe, c'est à dire désordonnée" précise le chercheur.
En d'autres mots, l'eau (H20) une fois fixée à la surface des grains prends une autre forme chimique. Toutefois, en les chauffant à très haute température (835°C), il est possible de libérer de nouveau cette eau sous forme de vapeur.
"On peut extraire 2 litres d'eau à partir de 100 kilos de sable fin" estime Pierre-Yves Meslin. Ce qui constitue une bonne nouvelle pour les colons d'une hypothétique conquête de Mars dans le futur.
Peu d'échanges diurnes avec l'atmosphère
Grâce à ces données, les chercheurs apportent également de nouveaux éléments sur le cycle de l'eau martien. En effet, une partie de la fine couche d'atmosphère qui entoure mars se compose de vapeur d'eau. Sur Terre, les échanges entre l'eau atmosphérique et celle contenue dans les sols sont très importants. Il est en effet fréquent que de la vapeur d'eau atmosphérique se condense sur les surfaces froides.
Ce même phénomène se produit-il sur Mars ? "Il y a des dépôts de givre ailleurs sur Mars, mais pas dans le cratère de Gale, répond Pierre-Yves Meslin. Nous avons tenté l'expérience de tirer à plusieurs reprises sur un même sol durant la nuit et pendant la journée, afin de voir si ce dernier contenait plus d'eau pendant la nuit. Et nous n'avons pas constaté de différence".
Mars s'assèche
Enfin, ultime enseignement : l'analyse des isotopes de l'hydrogène montre que l'eau contenue dans ce sable fin est similaire à la vapeur d'eau atmosphérique, et que celle-ci s'échappe progressivement dans l'espace. Ce qui signifie que la planète rouge s'assèche peu à peu.
Arrivé dans le cratère Gale sur l'équateur martien le 6 août 2012, Curiosity, le robot explorateur à six roues le plus sophistiqué jamais envoyé sur une autre planète, a déjà établi que la planète Rouge avait été propice à la vie microbienne dans son lointain passé, ce qui était le principal objectif de sa mission de deux ans.
Une étude publiée la semaine dernière avait toutefois douché les espoirs de trouver des traces de vie actuelle sur Mars, en indiquant que Curiosity n' y avait trouvé aucune trace de méthane dans l'atmosphère.
Ces dernières semaines, le robot a repris sa route vers le mont Sharp, distant de huit kilomètres et principale cible d'exploration de la mission. Son périple durera plusieurs mois, d'autant que Curiosity s'arrêtera en chemin pour analyser des formations géologiques jugées intéressantes.
Le pied du mont Sharp suscite un grand intérêt en raison de différentes couches sédimentaires qui pourraient permettre de dater les périodes durant lesquelles Mars était propice à la vie.
Par Erwan Lecomte
Sciences & Avenir
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