L’enseignement supérieur et la recherche sont deux domaines où l’Etat et collectivités territoriales, au premier rang desquelles les régions, ont su mener des politiques concertées.
Sous la pression démographique des années 80/90, et sur fonds de crise de l’appareil industriel traditionnel, le développement des investissements immatériels, que constituent la formation et la recherche, est apparu essentiel au développement des territoires. L’intérêt à agir était d’autant plus grand que ce besoin a croisé des logiques territoriales fines dans le domaine de l’enseignement, et permis le développement de nouveaux établissements universitaires, d’IUT ou d’antennes, en particulier au profit des villes moyennes. Le lien entre enseignement supérieur et territoires s’affirme alors comme concept.
Cet effort partagé, focalisé sur l’accueil de nouveaux étudiants, apparaît aujourd’hui pour certains comme une source de dispersion et de surcoûts, antinomique avec une approche concentrée de l’enseignement supérieur et de la recherche, perçue comme essentielle à une forte lisibilité internationale. Les orientations retenues pour les réseaux thématiques de recherches avancées, l’opération campus et les appels à projets des investissements d’avenir, sous-tendent une incompatibilité entre l’excellence et l’approche territoriale, entre une logique d’Etat qui serait tournée vers la compétition internationale et une logique des collectivités, au mieux financeurs, au pire inefficace au regard des enjeux.
Or, nier le rôle des collectivités locales, c’est oublier le travail considérable qu’elles réalisent pour la structuration de l’appareil de recherche dans les territoires, par le biais des pôles de compétitivité, des PRES ou directement auprès des établissements. C’est omettre l’ancrage qu’elles donnent aux universités dans le domaine économique ou celui de l’insertion professionnelle. C’est refuser le rôle moteur qu’elles jouent pour favoriser l’émergence de domaines de recherche d’excellence.
De ce fait, il n’est pas surprenant de voir apparaître comme fonds de cartes des financements d’Etat sur les projets mentionnés, la géographie traditionnelle de la recherche française. L’empreinte des implantations historiques des organismes de recherche est forte (le secteur de la santé étant sans doute le plus caricatural), tout comme la polarisation des financements de l’Etat sur des grands ensembles métropolitains, région parisienne en tête (cf. plateau de Saclay).
Pour des raisons idéologiques, le gouvernement tourne aujourd’hui le dos aux collectivités locales et impose de fait une approche totalement « hors-sol » du fonctionnement de l’appareil universitaire. Or, l’accès de 50% d’une classe d’âge diplômé de l’enseignement de l’enseignement supérieur au niveau L3 ne peut pas être atteint avec les seuls ensembles universitaires retenus comme excellent.
Sur bien des points ce n’est pas contre mais avec les régions que doit se construire une vision stratégique des évolutions futures. Elle doit inclure la relance de la démocratisation de l’enseignement supérieur et son accès. Des politiques de proximité sont incontournables, ne serait ce que pour favoriser les rapprochements entre les universités et les lycées et mieux préparer et accompagner tous les bacheliers dans les cursus courts ou longs de l’enseignement supérieur. Cette vision doit favoriser les parcours universitaires au sein des différentes structures composant le paysage français de l’enseignement supérieur (en particulier le lien écoles/universités, mais aussi des co-habilitations au niveau européen) ; un travail en profondeur au sein des PRES est ici particulièrement précieux. L’approche stratégique territorialisée doit tout à la fois accompagner des domaines d’excellence et favoriser l’émergence de nouveaux projets en lien avec les approches européennes.
L’après « grand emprunt » est à élaborer dès à présent. Il passe par une approche plus coopérative que concurrentielle, l’acceptation de la diversité du paysage universitaire et de la coloration que peuvent prendre certains sites, eu égard à leur potentiel. Il est patent qu’une approche moins cloisonnée et plus territorialisée des organismes de recherche est à définir, qu’une définition plus claire et plus respectueuse de l’ensemble des missions des enseignants-chercheurs reste à travailler, tout comme l’amélioration des conditions d’exercice de l’autonomie des structures universitaires.
En termes de pilotage on ne pourra pas échapper à un débat sur les politiques régionales de recherche et d’enseignement supérieur et leur degré d’autonomie. La politique de valorisation de la recherche et d’innovation et sa gestion relèvent plus d’une approche territorialisée que d’une lecture centralisée, la carte des formations post-baccalauréat également. L’Etat de son coté jouera pleinement son rôle de régulateur, à un moment où les attitudes concurrentielles émergent, qu’en bonne intelligence avec les régions, seul échelon territorial pertinent, pour les dimensions stratégiques et l’allocation des moyens publics destinés à l’enseignement supérieur et la recherche. La politique contractuelle avec les régions aujourd’hui en déshérence est en conséquence à reconstruire pour allier politique d’excellence et ambitions territoriales.
L’émergence d’une société de la connaissance se construit avec l’ensemble des acteurs publics, elle s’élabore dans l’intérêt de la jeunesse et des territoires, avec la volonté permanente de promouvoir l’excellence.
Bernard Pouliquen
http://www.politique-digitale.fr/enseignement-superieur-recherche-et-territoires-le-jour-d-apres-synd006593.html
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