Puisque j’avais décidé d’aller faire un tour au congrès ”AREF 2013″, organisé à Montpellier par les associations francophones en sciences de l’éducation, j’avais proposé une communication sur les compétences. C’est surtout une série de réflexions issues de la confrontation des travaux que je lis depuis plusieurs années, essentiellement de nature théorique, avec les observations que j’ai pu faire en France et enEurope (dans le cadre du réseau européen KeyCoNet).
RÉSUMÉ
Le recours à la notion de compétence dans le monde de l’éducation a commencé à être théorisé dans les années 90 et l’on peut trouver, depuis cette période, de nombreux travaux francophones qui traitent de façon centrale la question des compétences, que ce soit dans le cadre de la formation professionnelle ou de la formation initiale (Jonnaert, Ettayebi, & Defise, 2009; Le Boterf, 1994; Perrenoud, 2000; B. Rey, Carette, Defrance, & Kahn, 2006; B. Rey, 1998; Romainville, 1996; Ropé & Tanguy, 1994; Scallon, 2004).
Au delà du monde francophone, la notion de compétences est devenue une préoccupation centrale pour l’OCDE dès la fin des années 90 (OCDE, 2002) et pour la commission européenne, qui fait adopter en 2006 le cadre européen des compétences clés (O. Rey, 2008).
Est-ce à dire que les compétences sont devenues l’alpha et l’oméga de toutes les politiques éducatives des gouvernements européens ? Si certains contempteurs des compétences semblent prompts à le croire (Hirtt, 2009), l’examen des réformes éducatives incite à plus de mesure. On constate certes dans de nombreux pays des références aux compétences clés européennes, mais cette déclinaison des compétences coexiste avec des pratiques et des politiques éducatives dont les principales caractéristiques sont nationales et souvent fort éloignées des doctrines des organisations internationales.
Observer la façon dont les compétences sont utilisées pour réformer ou infléchir les pratiques éducatives constitue en fin de compte un moyen pertinent pour analyser les évolutions curriculaires en Europe, en faisant la part des fantasmes qu’on accole parfois aux compétences et des réalités de leur application dans les écoles.
Cette démarche permet en particulier de distinguer les deux dimensions pour lesquelles l’introduction des compétences est susceptible d’avoir des effets : d’une part les modifications des contenus et programmes d’enseignement, d’autre part les modifications de pratiques pédagogiques.
Une politique européenne ou des politiques composites ?
L’importation des compétences dans le cadre de réformes éducatives a commencé dès la fin des années 90, alors même que le concept n’avait pas été retravaillé par l’OCDE ou la Commission européenne.
Pionnière en la matière, la communauté française de Belgique a adopté en 1997 le décret dit “Missions” qui met les compétences au coeur de la réforme, ce qui explique en partie l’abondance des débats et de la littérature scientifique concernant les compétences dans le contexte belge.
Ce serait néanmoins une erreur de ne lire le décret Missions qu’à l’aune de l’introduction des compétences. En fait, le décret de 1997 a également été utilisé pour des préoccupations propres au contexte belge, qu’on pourrait rapidement résumer par un souci d’introduire des références communes dans un système éducatif particulièrement décentralisé et diversifié entre familles (ou “piliers”) d’établissements, notamment entre écoles du réseau catholique et écoles du réseau public subventionné. Des convergences de facto entre groupes d’intérêt assez différents, se rattachant parfois à des visions politiques opposées, ont pu se faire autour de l’idée des socles de compétence, en jouant sur les ambivalences des notions utilisées.
Mangez a également montré que la doctrine et les textes issus du décret ont été appropriés de façon différente par les cadres intermédiaires des hiérarchies scolaires, dans le prolongement de leur position et de leur engagement au sein de leurs écoles, réseaux et administrations spécifiques, aboutissant sur le terrain à des applications contrastées (Mangez, 2008).
En France, les compétences ont été inscrites au plus niveau des textes réglementaires par la loi de 2005 instaurant le socle commun. Ici aussi, l’adoption du socle est le fruit d’une concertation publique, de la réflexion de divers groupes d’experts et d’une élaboration gouvernementale qui a brouillé les frontières politiques mais aussi remis en cause certaines routines propres au système français de l’éducation nationale et à son administration (Le Gouvello & Gauthier, 2009; Raulin, 2006). Comme il a été constaté après 2005, une grande part de la majorité parlementaire qui a théoriquement porté ce texte a été plus que réticente à mettre en oeuvre les compétences, lui préférant soit un retour aux “fondamentaux” soit une défense des savoirs disciplinaires contre leur dilution dans les compétences, en s’appuyant sur des réserves communes avec des courants syndicaux ou idéologiques fortement représentés dans l’éducation, notamment au niveau de l’enseignement secondaire.
Cette ambivalence et ces contradictions se sont retrouvées dans les oscillations des politiques ministérielles depuis 2005 concernant le socle commun et les compétences et se sont répercutées à tous les niveaux de l’administration (administration centrale, inspections, rectorats…), produisant une certaine confusion sur la compréhension et la réalité des évolutions annoncées auprès des acteurs de l’éducation.
Certaines dispositions censées concrétiser l’introduction des compétences, à l’image du Livret Personnel de Compétences ont ainsi cristallisé les hésitations sur ces questions (Haut Conseil de l’Éducation, 2011; IGEN – IGAENR, 2012; Rey, 2012).
La loi dite de “refondation de l’école” adoptée par la nouvelle majorité en 2013 a confirmé la perspective d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Les débats lors de son adoption ont montré, néanmoins, qu’au sein même de la majorité de gauche certains souhaitaient se référer aux compétences clés européennes alors que ces dernières constituaient un repoussoir pour d’autres.
En Espagne, ces mêmes compétences clés européennes ont largement inspiré la loi organique en matière éducation adoptée en 2006 (Tiana, Moya, & Luengo, 2011), centrée autour des enseñanzas minimas [1] , déclinées en 8 compétences clés.
Un programme national (proyecto COMBAS) a ensuite été mis en place pour l’incorporation des compétences à tous les niveaux de l’éducation (programmes, formation des enseignants, manuels, évaluations…), avec des dispositifs équivalents au niveau de chaque région autonome.
En revanche, il semble que l’actuel gouvernement national ne se réfère plus trop aux compétences et le projet COMBAS n’a pas eu de suite, même si les programmes régionaux, à l’image du programme PICBA en Andalousie, peuvent continuer à fonctionner en profitant de la large décentralisation éducative qui caractérise l’Espagne (O. Rey, 2013a).
Au Luxembourg, les compétences ont fait l’objet d’une réflexion intense au sein du ministère en charge de l’éducation ces dernières années. Les oppositions déclenchées par une première ébauche de réforme du lycée, qui ne concernait pas que la question des compétences, ont toutefois amené le gouvernement à adopter une grande prudence dans ce qui peut être vu comme une remise en cause de l’enseignement traditionnel des disciplines, dans un pays où l’enseignement secondaire reste en particulier très académique.
Au Portugal, où les compétences clés européennes avaient été prises comme base de travail, le gouvernement privilégie désormais plutôt une centration sur les disciplines dites “fondamentales”.
Le slogan back to basics, né en Angleterre, se retrouve d’ailleurs fréquemment mêlé à tort ou à raison aux compétences clés dans les politiques publiques. De même qu’en français le mot “compétence” en éducation peut aussi bien désigner une connaissance fragmentée, une capacité ou une procédure élémentaire (“savoir accorder un verbe et un sujet”, “savoir calculer l’aire d’une surface”…) qu’une compétence large, à vocation intégrative (savoir rédiger un texte argumenté, savoir communiquer dans une situation d’échange…), le mot skill en anglais peut désigner les basic skillsprincipalement promus par les doctrines en Angleterre qui souhaitent restreindre le curriculum à quelques disciplines principales, comme les key skillsà la base des réformes récentes en Irlande.
Dans ce dernier pays en effet, une approche holistique des compétences clés a suscité un ensemble de changements notables. Ceux-ci concernent parfois les programmes d’enseignement (notamment en mathématiques) mais se traduisent plus fréquemment par la promotion de pratiques d’enseignement différentes, qui visent à surligner ou expliciter les compétences générales (expression, coopération, autonomie…) travaillées lors des apprentissages et à l’oeuvre dans les différents champs disciplinaires, ce qu’on désigne parfois sous le terme de compétences transversales (O. Rey, 2013b).
Ce rapide survol de quelques cas de figure suffit à souligner combien l’intégration des compétences clés dans les politiques éducatives européennes est loin d’être univoque et mécanique. Plus que d’une politique, il faudrait peut-être parler, concernant la notion européenne de compétences, d’une ressource doctrinale ou d’une référence que les États mobilisent parmi d’autres, en fonction des opportunités que cela peut représenter comme levier pour faire progresser telle ou telle priorité présente dans l’agenda national[2].
Il en résulte des politiques composites dans lesquelles il paraît bien difficile d’identifier une politique éducative d’implantation des compétences partageant suffisamment de traits communs en Europe pour être qualifiée comme telle.
Un cheval de Troie du néo-libéralisme ? Les compétences comme vecteurs de modification des contenus d’enseignement
Il apparaît que les compétences sont d’abord utilisées en proportion variable pour infléchir ce que l’on appelle, selon les pays, les contenus d’enseignement, les programmes scolaires ou le curriculum.
La trait saillant, en la matière, est le souci de s’assurer que les connaissances, capacités, attitudes et valeurs acquises à l’école puissent être mobilisés de façon massive et pertinente dans d’autres contextes que les situations scolaires. C’est ce qu’on appelle de façon un peu rapide se rapprocher de situations de la “vie réelle” (comme si les situations scolaires étaient moins réelles que les autres situations professionnelles ou sociales !). En fait, ce qui est cherché ici c’est en premier lieu réduire la dimension purement scolaire ou académique des enseignements afin que les acquis des élèves s’avèrent plus utiles pour leur vie professionnelle et personnelle. Dans un contexte de “société de la connaissance”, il semble en effet que la scolarité ne peut plus être seulement un moment d’enrichissement culturel, ni un moyen de pourvoir une partie des postes d’encadrement de la société ou d’opérer un filtre social, mais doit doter le plus grand nombre de jeunes de compétences indispensables pour être citoyens du 21° siècle dans le contexte de la formation tout au long de la vie. C’est le sens de la réflexion sur les compétences qu’avait ouverte l’OCDE et qui s’est prolongé à l’échelle européenne et de dans de nombreux pays (Dufour, Grootaers, & Francis, 2008; Gauthier, 2006; Gordon et al., 2009; OCDE, 2002; O. Rey, 2008).
En second lieu, il est aussi attendu d’un rapprochement avec les situations de la vie réelle un surcroît de motivation de la part des élèves, plus à même de saisir ‘”l’utilité” et donc le sens de leurs apprentissages.
C’est d’ailleurs ce qui nourrit le procès central des compétences par ceux qui leur reprochent leur “utilitarisme” forcené, utilitarisme généralement soupçonné d’être uniquement à dimension professionnelle et par conséquent fortement inspiré par les besoins des entreprises (Crahay, 2006; Hirtt, 2009). Pour résumer, la compétence constituerait le cheval de Troie pédagogique pour domestiquer l’éducation aux besoins du néo-libéralisme.
Cette critique est particulièrement entendue par ceux qui estiment que certains pôles de l’enseignement scolaire, auxquels ils sont particulièrement attachés, souffrent plus que d’autres d’un déficit d’utilité immédiate : la littérature, l’histoire, les langues mortes, la philosophie et plus généralement ce qu’on appelait parfois les humanités.
Elle est également prisée par ceux qui considèrent que les disciplines existantes constituent un cadre nécessaire et suffisant pour la transmission des savoirs. Pour ceux là, l’intégration des compétences peut apparaître comme porteuse d’une logique d’altération voire de dilution des cadres disciplinaires qui sont les seuls à pouvoir organiser un cheminement rigoureux de la pensée et des apprentissages (Schneider-Gilot, 2006).
Néanmoins, on ne peut dire actuellement que l’approche par compétences s’est substituée aux savoirs disciplinaires, même dans les pays les plus avancées dans la voie de réformes introduisant les compétences. Plus que de substitution, il s’agit de compléments, d’infléchissements ou de développement d’aires communes à plusieurs disciplines contributives[3].
En Irlande, Project Maths a par exemple essentiellement changé la façon d’enseigner les mathématiques, même si une partie proprement dite de contenus a été modifié[4] , ce qui a suffi à alimenter des controverses.
En tout état de cause, le débat introduit par les compétences aura eu le mérite de poser la question des contenus d’enseignement et de la légitimité des programmes scolaires existants au regard des besoins de la société. L’exercice consistant à considérer quels sont les savoirs les plus pertinents à acquérir n’a en effet rien d’évident, dès lors que l’on ne se contente pas de prolonger indéfiniment les rentes disciplinaires existantes ou que l’on ne considère pas que les sociétés savantes sont seules légitimes à décider ce que doit être le contenu de la scolarité (Perrenoud, 2011).
Au delà ou en deçà des débats théoriques, comment se traduit cette prise en compte des compétences dans les écoles qui s’en sont emparées ?
Une grande diversité de cas de figure caractérise les expériences d’enseignement “avec”, “par” ou “des” compétences d’après les observations que nous avons pu effectuer dans des établissements dans plusieurs pays.
Un premier type d’approche qui se retrouve fréquemment est celui qui essaye d’organiser l’apprentissage autour de projets communs (au niveau de l’école, d’un niveau d’enseignement, de plusieurs matières…) liés à la vie réelle plutôt qu’à partir des la juxtaposition de cours disciplinaires cloisonnés, quelle que soit la dimension réelle de la démarche “projet” (Reverdy, 2013). C’est une démarche qu’il serait abusif de considérer comme nouvelle même si les compétences ont pu être l’occasion de relancer ces initiatives pédagogiques dans certains contextes.
Un exemple extrême de cette approche est l’organisation d’une grande partie du curriculum d’une école primaire en Andalousie autour d’un thème économique local. Une école primaire (CEIP Miguel de Cervantes) a en effet développé un projet pédagogique complet sur le thème de la culture des fraises, question familière à l’ensemble des parents et des élèves. L’école est en effet située dans la province de Huelva (extrême sud ouest de l’Espagne), région connue pour sa (mono)culture de la fraise depuis les années 60. Le choix a donc été fait de monter une unité d’enseignement composée de 15 séquences didactiques relatives à la culture et à l’exploitation de la fraise, permettant de décliner différents apprentissages autour du thème (cycle biologique du fruit, démographie locale des travailleurs -immigrés et nationaux- de la fraise, développement économique et historique, représentation graphique de la production, composer une pièce autour de la fraise, principaux termes anglais pour présenter la culture de la fraise, etc.).
Toujours en Espagne, une autre expérience d’établissement permet de constater qu’on peut aussi travailler des compétences largement éloignées d’un utilitarisme économique immédiat.
Un établissement d’enseignement secondaire de Séville (I.E.S. José Maria Infantes) se présente lui même comme une école musée (escuela mueso) car il a organisé une grande part de ses activités pédagogiques autour de la réplique par les élèves de grandes oeuvres du patrimoine (de l’antiquité à nos jours) en arts plastiques et de l’exposition de ces répliques dans le lycée, largement ouvert à des visites publiques organisées.
L’ensemble des répliques est réalisé dans un vaste atelier de travail, dans lequel on peut voir durant toute la journée des élèves, seuls ou en groupe, répliquer un sarcophage égyptien ou un tableau de Picasso en jonglant avec les moyens technologiques les plus modernes comme avec les techniques et les matériaux plus anciens utilisés pour la réalisation de l’oeuvre originale. L’objectif global consiste à s’appuyer sur la production artistique pour développer les compétences des élèves dans de nombreux domaines : bien évidemment en matière artistique et culturelle, mais aussi en histoire, en mathématiques, en expression orale, en langues étrangères… Chaque année, les élèves sont répartis en groupes (selon leur âge et leur niveau de compétence) et chaque groupe a la charge d’étudier différents artistes et mouvements artistiques, en intégrant les points de vue esthétiques, historiques, techniques, etc.
Une seconde grande catégorie d’approches, qui peut être plus ponctuelle et limitée à un niveau ou à quelques disciplines, consiste à développer les compétences à travers des tâches “complexes”. L’objectif est de présenter une tâche proche de la vie réelle qui nécessite de mobiliser diverses ressources censées être acquises lors des apprentissages (connaissances, procédures, attitudes, valeurs, méthodes…) sans que soit prescrit forcément ni un chemin unique pour répondre à la consigne ni même que soient identifiées les répertoires de connaissances à mobiliser.
Il s’agit de développer des compétences intégratives et non de susciter la répétition des savoirs sous leur forme scolaire, ce qui implique par conséquent de laisser une large place au moment critique du choix des connaissances et procédures les plus pertinentes pour traiter la tâche, ce qu’on peut définir comme le “cadrage” de la situation (B. Rey et al., 2006).
La nature de la tâche complexe débouche souvent sur la mobilisation de ressources issues de plusieurs disciplines et plus on se rapproche de situations de la vie réelle, plus on trouve, dans une même situation, des tâches qui impliquent de combiner de l’expression écrite, du calcul, des langues étrangères, des repères historiques, etc. Néanmoins, nous avons aussi observé des élaborations de tâches complexes au sein d’un même ensemble disciplinaire dans lesquelles la différence avec les tâches scolaires traditionnelles provient essentiellement du dépaysement de la consigne par rapport aux connaissances sollicitées : l’élève doit accomplir un travail de cadrage pour savoir quelles ressources de la discipline utiliser et comment les mobiliser à bon escient.
Un élève sera par exemple mis dans la situation d’un entrepreneur qui souhaite implanter un unité au Brésil mais s’interroge sur la localisation et le choix de contacts locaux : l’élève devra choisir les ressources cognitives qu’il mobilise et comment il prend en compte les caractéristiques physiques, démographiques, économiques, culturelles ou linguistiques qu’il connaît à partir du domaine disciplinaire “histoire-géographie” pour proposer une solution cohérente.
On peut constater à travers ces quelques exemples rapides que l’approche par compétences peut effectivement impacter les contenus; ne serait-ce qu’en modifiant la perspective dans laquelle ils sont mobilisés et en privilégiant des progressions et des articulations qui ne relèvent pas des seules logiques intra-disciplinaires.
On peut aussi reconnaître que l’essentiel des cadres disciplinaires restent dominants et que le spectre de compétences qui se substitueraient aux contenus disciplinaires est pour l’heure plus un fantasme rhétorique qu’une pratique en développement.
Un avatar de la pédagogie “invisible” ? Les compétences comme vecteurs de transformation des pratiques pédagogiques
Ses détracteurs comme ses partisans soulignent fréquemment que le paradigme de l’approche par compétences porte en lui des conséquences importantes en matière pédagogique, peut-être de façon plus profonde qu’en matière de définition des sujets d’enseignement.
Une question centrale consiste en particulier à savoir si l’approche par compétences est un avatar de “pédagogie invisible”. Ce concept, dérivé des écrits du sociologue anglais Bernstein, est largement remis au goût du jour depuis quelques années pour qualifier certaines pratiques d’enseignement inspirées de ce que le sens commun nomme les pédagogies “nouvelles” en opposition aux méthodes plus traditionnelles de transmission des savoirs (apprentissage guidé, répétition, mémorisation…).
Les pédagogies nouvelles marquerait en effet le passage du “code sériel” au “code intégré” pour reprendre la terminologie de Bernstein, avec un cloisonnement moindre des savoirs en disciplines, plus de travail en coopération, plus d’autonomie dans le travail de l’élève et une moindre grande distinction d’entre le champ scolaire et les autres champs sociaux de la “vraie vie”. On comprend facilement comment l’approche par compétences peut relever de cette famille du code intégré caractérisée par un cadrage plus lâche.
Or, divers travaux sociologiques ont montré ces dernières années que beaucoup d’enseignants pratiquent cette pédagogie “invisible” sans avoir conscience que cette dernière est lourde de malentendus pour les enfants les plus éloignés de la culture scolaire (c’est à dire le plus souvent les enfants d’origine populaire) et contribue à redoubler leurs difficultés d’apprentissage, à rebours des intentions de leurs auteurs (Bonnéry, 2007; Rochex & Crinon, 2011).
L’approche par compétences constituerait ainsi une méthode qui non seulement s’avérerait trop exigeante, par exemple en érigeant l’inédit et la complexité en norme (Crahay, 2006), mais qui en outre accentuerait les malentendus cognitifs liés à la pédagogie invisible. C’est ce que pointe en partie Mangez quand il constate que les écoles belges à recrutement social élevé, où les parents sont très présents dans la vie scolaire, sont restées attachées aux méthodes traditionnelles d’enseignement (avec un recours important aux notes par exemple) pendant que ce sont les écoles implantées dans les milieux plus défavorisés qui ont expérimenté le plus avant les approches par compétences (Mangez, 2008).
Pourtant, certains auteurs soulignent que les dérives en termes de pédagogie invisibles ne sont pas inhérentes aux approches par compétence. Beckers estime ainsi qu’on peut concilier l’enseignement par compétences avec des pratiques professionnelles comportant des formes d’étayages telles que :
- expliciter les attentes et les exigences du travail demandé ;
- donner des consignes qui mettent en évidence les enjeux cognitifs de la tâche;
- tisser explicitement la continuité des apprentissages ;
- prévoir des moments de réflexivité et d’institutionnalisation du savoir construit;
- travailler le transfert des apprentissages par décontextualisation/recontextualisation;
- respecter la cohérence dans l’évaluation;
- assurer une sécurité affective aux élèves avant de les lâcher dans une tâche complexe (Beckers, 2011).
Un écho à ces préoccupations peut être observé dans la réforme en cours desKey Skills en Irlande (O. Rey, 2013b). Sans qu’il soit possible de décrire ici le détail de cette réforme, on peut en retenir que cette politique représente un tournant réflexif dans l’enseignement en Irlande : les élèves sont constamment incités à réfléchir sur ce qu’ils apprennent et sur ce qu’ils ont appris, notamment dans le domaine des Key Skills ou compétences clés.
Ce tournant réflexif est accompagné d’une démarche générale de large explicitation des compétences auprès des élèves, des enseignants, des parents et des parties prenantes de l’école. Alors que dans certains pays on essaye de développer les compétences clés comme “tache de fond” sans les faire apparaitre dans les matières au quotidien, la stratégie irlandaise consiste au contraire à les populariser jusque dans la classe.
Les cours que nous avons observés, dans différentes matières, avaient ainsi comme points communs :
- une séquence d’explicitation formelle des objectifs de la séquence d’enseignant par l’enseignant au début du cours, avec un exposé des Key Skills (KS) qui seront travaillées à cette occasion ;
- un rappel des règles à suivre pour développer les KS, notamment en terme de participation dans le travail collectif (prendre la parole sans la monopoliser, changer de rôle régulièrement);
- le travail en groupe des élèves, que ce soit dans le cadre d’une manipulation pratique (ex. test de densité des liquides en physique-chimie) ou d’un travail sur les connaissances (ex. exposé sur les moines au Moyen-Âge);
- une attention portée à la prise de notes par les élèves, dans une perspective de communication (vers les autres élèves et vers l’enseignant);
- un moment de restitution collective (parfois avec exposé);
- un bilan à la fin du cours reprenant ce qui a été appris et ce qui a été travaillé comme éléments des KS.
Dans ce cas de figure, les compétences sont ainsi utilisées comme moyen de modifier les pratiques pédagogique dans le sens d’un effort plus grand d’explicitation voire de cadrage des apprentissages, bien loin des caractéristiques de la pédagogie invisible !
CONCLUSION
La théorie en éducation est pertinente quand elle permet d’améliorer l’intelligibilité des processus d’enseignement et d’apprentissage et, par là même, de favoriser des interventions pertinentes pour les changements souhaitables dans les dispositifs éducatifs.
Le débat sur l’approche par compétences a peut-être en partie pâti d’un excès de débats insuffisamment étayés par des données empiriques.
On constate en effet que les modèles théoriques de ce qu’on présente comme les partisans et adversaires des compétences sont en décalage important avec les quelques observations que l’on peut faire de la façon dont les compétences sont intégrées dans des systèmes éducatifs ou des pratiques pédagogiques.
Il serait regrettable, dans ce contexte, que le flou inévitable qui colle aux définitions des compétences en contexte éducatif soit utilisé comme un prétexte pour éluder l’interpellation portée par les compétences .
C’est en effet un moyen de poser des questions sur l’éternelle énigme du transfert des savoirs : une fois qu’on a enseigné et qu’on a évalué ce que l’élève a retenu de son enseignement, que deviennent ces savoirs dans le reste de la vie ? Qu’en fait-on confronté à d’autres situations non-scolaires ? Qu’est-ce qui permet d’assurer que l’on ne transmet pas des savoirs « morts », mobilisables uniquement dans le contexte particulier qui les a vu naître ?
De ce point de vue, les compétences interpellent la pédagogie comme les différentes didactiques.
Elles doivent également être abordées avant tout comme un des leviers des évolutions curriculaires majeures qui sont en train de se produire au 21° siècle, en lien inévitable avec l’évolution sociale et culturelle des sociétés et avec l’épuisement relatif du mouvement de massification scolaire de l’enseignement secondaire initié après la seconde guerre mondiale.
Bibliographie
[1] Contrairement à ce qu’une traduction rapide pourrait laissait croire, il s’agit en l’occurrence moins d’un socle minimum d’enseignement que du noyau commun d’enseignement que toute région autonome doit intégrer dans ses programmes scolaires obligatoires, dans un contexte d’éducation largement régionalisée.
[2] Je reprends ici la théorie des sentiers de dépendance usitée en sociologie des politiques publiques, qui souligne combien les normes politiques éditées à un niveau international sont souvent retraduites en profondeur en fonction des logiques de fonctionnement dominantes au niveau d’un pays, d’une région, etc.
[3] Nous n’abordons pas ici de façon centrale la question des “nouveaux” enseignements qu’on essaye d’introduire sous le chapeau de certaines compétences dites transversales, tels que les enseignements liés à la culture numérique, à la promotion de certains comportements (citoyenneté, respect, diversité culturelle…) ou “aux éducation à..” (développement durable, santé, sexualité…). En revanche, il faut garder à l’esprit que ces enseignements participent peut-être d’un mouvement commun de vaste recomposition curriculaire.
[4] La partie la plus controversée à été l’introduction des statistiques et l’abandon de parties de cours concernant les vecteurs et les matrices. http://www.projectmaths.ie
Olivier Rey
Veille et analyses en éducation
RÉSUMÉ
Le recours à la notion de compétence dans le monde de l’éducation a commencé à être théorisé dans les années 90 et l’on peut trouver, depuis cette période, de nombreux travaux francophones qui traitent de façon centrale la question des compétences, que ce soit dans le cadre de la formation professionnelle ou de la formation initiale (Jonnaert, Ettayebi, & Defise, 2009; Le Boterf, 1994; Perrenoud, 2000; B. Rey, Carette, Defrance, & Kahn, 2006; B. Rey, 1998; Romainville, 1996; Ropé & Tanguy, 1994; Scallon, 2004).
Au delà du monde francophone, la notion de compétences est devenue une préoccupation centrale pour l’OCDE dès la fin des années 90 (OCDE, 2002) et pour la commission européenne, qui fait adopter en 2006 le cadre européen des compétences clés (O. Rey, 2008).
Est-ce à dire que les compétences sont devenues l’alpha et l’oméga de toutes les politiques éducatives des gouvernements européens ? Si certains contempteurs des compétences semblent prompts à le croire (Hirtt, 2009), l’examen des réformes éducatives incite à plus de mesure. On constate certes dans de nombreux pays des références aux compétences clés européennes, mais cette déclinaison des compétences coexiste avec des pratiques et des politiques éducatives dont les principales caractéristiques sont nationales et souvent fort éloignées des doctrines des organisations internationales.
Observer la façon dont les compétences sont utilisées pour réformer ou infléchir les pratiques éducatives constitue en fin de compte un moyen pertinent pour analyser les évolutions curriculaires en Europe, en faisant la part des fantasmes qu’on accole parfois aux compétences et des réalités de leur application dans les écoles.
Cette démarche permet en particulier de distinguer les deux dimensions pour lesquelles l’introduction des compétences est susceptible d’avoir des effets : d’une part les modifications des contenus et programmes d’enseignement, d’autre part les modifications de pratiques pédagogiques.
Une politique européenne ou des politiques composites ?
L’importation des compétences dans le cadre de réformes éducatives a commencé dès la fin des années 90, alors même que le concept n’avait pas été retravaillé par l’OCDE ou la Commission européenne.
Pionnière en la matière, la communauté française de Belgique a adopté en 1997 le décret dit “Missions” qui met les compétences au coeur de la réforme, ce qui explique en partie l’abondance des débats et de la littérature scientifique concernant les compétences dans le contexte belge.
Ce serait néanmoins une erreur de ne lire le décret Missions qu’à l’aune de l’introduction des compétences. En fait, le décret de 1997 a également été utilisé pour des préoccupations propres au contexte belge, qu’on pourrait rapidement résumer par un souci d’introduire des références communes dans un système éducatif particulièrement décentralisé et diversifié entre familles (ou “piliers”) d’établissements, notamment entre écoles du réseau catholique et écoles du réseau public subventionné. Des convergences de facto entre groupes d’intérêt assez différents, se rattachant parfois à des visions politiques opposées, ont pu se faire autour de l’idée des socles de compétence, en jouant sur les ambivalences des notions utilisées.
Mangez a également montré que la doctrine et les textes issus du décret ont été appropriés de façon différente par les cadres intermédiaires des hiérarchies scolaires, dans le prolongement de leur position et de leur engagement au sein de leurs écoles, réseaux et administrations spécifiques, aboutissant sur le terrain à des applications contrastées (Mangez, 2008).
En France, les compétences ont été inscrites au plus niveau des textes réglementaires par la loi de 2005 instaurant le socle commun. Ici aussi, l’adoption du socle est le fruit d’une concertation publique, de la réflexion de divers groupes d’experts et d’une élaboration gouvernementale qui a brouillé les frontières politiques mais aussi remis en cause certaines routines propres au système français de l’éducation nationale et à son administration (Le Gouvello & Gauthier, 2009; Raulin, 2006). Comme il a été constaté après 2005, une grande part de la majorité parlementaire qui a théoriquement porté ce texte a été plus que réticente à mettre en oeuvre les compétences, lui préférant soit un retour aux “fondamentaux” soit une défense des savoirs disciplinaires contre leur dilution dans les compétences, en s’appuyant sur des réserves communes avec des courants syndicaux ou idéologiques fortement représentés dans l’éducation, notamment au niveau de l’enseignement secondaire.
Cette ambivalence et ces contradictions se sont retrouvées dans les oscillations des politiques ministérielles depuis 2005 concernant le socle commun et les compétences et se sont répercutées à tous les niveaux de l’administration (administration centrale, inspections, rectorats…), produisant une certaine confusion sur la compréhension et la réalité des évolutions annoncées auprès des acteurs de l’éducation.
Certaines dispositions censées concrétiser l’introduction des compétences, à l’image du Livret Personnel de Compétences ont ainsi cristallisé les hésitations sur ces questions (Haut Conseil de l’Éducation, 2011; IGEN – IGAENR, 2012; Rey, 2012).
La loi dite de “refondation de l’école” adoptée par la nouvelle majorité en 2013 a confirmé la perspective d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Les débats lors de son adoption ont montré, néanmoins, qu’au sein même de la majorité de gauche certains souhaitaient se référer aux compétences clés européennes alors que ces dernières constituaient un repoussoir pour d’autres.
En Espagne, ces mêmes compétences clés européennes ont largement inspiré la loi organique en matière éducation adoptée en 2006 (Tiana, Moya, & Luengo, 2011), centrée autour des enseñanzas minimas [1] , déclinées en 8 compétences clés.
Un programme national (proyecto COMBAS) a ensuite été mis en place pour l’incorporation des compétences à tous les niveaux de l’éducation (programmes, formation des enseignants, manuels, évaluations…), avec des dispositifs équivalents au niveau de chaque région autonome.
En revanche, il semble que l’actuel gouvernement national ne se réfère plus trop aux compétences et le projet COMBAS n’a pas eu de suite, même si les programmes régionaux, à l’image du programme PICBA en Andalousie, peuvent continuer à fonctionner en profitant de la large décentralisation éducative qui caractérise l’Espagne (O. Rey, 2013a).
Au Luxembourg, les compétences ont fait l’objet d’une réflexion intense au sein du ministère en charge de l’éducation ces dernières années. Les oppositions déclenchées par une première ébauche de réforme du lycée, qui ne concernait pas que la question des compétences, ont toutefois amené le gouvernement à adopter une grande prudence dans ce qui peut être vu comme une remise en cause de l’enseignement traditionnel des disciplines, dans un pays où l’enseignement secondaire reste en particulier très académique.
Au Portugal, où les compétences clés européennes avaient été prises comme base de travail, le gouvernement privilégie désormais plutôt une centration sur les disciplines dites “fondamentales”.
Le slogan back to basics, né en Angleterre, se retrouve d’ailleurs fréquemment mêlé à tort ou à raison aux compétences clés dans les politiques publiques. De même qu’en français le mot “compétence” en éducation peut aussi bien désigner une connaissance fragmentée, une capacité ou une procédure élémentaire (“savoir accorder un verbe et un sujet”, “savoir calculer l’aire d’une surface”…) qu’une compétence large, à vocation intégrative (savoir rédiger un texte argumenté, savoir communiquer dans une situation d’échange…), le mot skill en anglais peut désigner les basic skillsprincipalement promus par les doctrines en Angleterre qui souhaitent restreindre le curriculum à quelques disciplines principales, comme les key skillsà la base des réformes récentes en Irlande.
Dans ce dernier pays en effet, une approche holistique des compétences clés a suscité un ensemble de changements notables. Ceux-ci concernent parfois les programmes d’enseignement (notamment en mathématiques) mais se traduisent plus fréquemment par la promotion de pratiques d’enseignement différentes, qui visent à surligner ou expliciter les compétences générales (expression, coopération, autonomie…) travaillées lors des apprentissages et à l’oeuvre dans les différents champs disciplinaires, ce qu’on désigne parfois sous le terme de compétences transversales (O. Rey, 2013b).
Ce rapide survol de quelques cas de figure suffit à souligner combien l’intégration des compétences clés dans les politiques éducatives européennes est loin d’être univoque et mécanique. Plus que d’une politique, il faudrait peut-être parler, concernant la notion européenne de compétences, d’une ressource doctrinale ou d’une référence que les États mobilisent parmi d’autres, en fonction des opportunités que cela peut représenter comme levier pour faire progresser telle ou telle priorité présente dans l’agenda national[2].
Il en résulte des politiques composites dans lesquelles il paraît bien difficile d’identifier une politique éducative d’implantation des compétences partageant suffisamment de traits communs en Europe pour être qualifiée comme telle.
Un cheval de Troie du néo-libéralisme ? Les compétences comme vecteurs de modification des contenus d’enseignement
Il apparaît que les compétences sont d’abord utilisées en proportion variable pour infléchir ce que l’on appelle, selon les pays, les contenus d’enseignement, les programmes scolaires ou le curriculum.
La trait saillant, en la matière, est le souci de s’assurer que les connaissances, capacités, attitudes et valeurs acquises à l’école puissent être mobilisés de façon massive et pertinente dans d’autres contextes que les situations scolaires. C’est ce qu’on appelle de façon un peu rapide se rapprocher de situations de la “vie réelle” (comme si les situations scolaires étaient moins réelles que les autres situations professionnelles ou sociales !). En fait, ce qui est cherché ici c’est en premier lieu réduire la dimension purement scolaire ou académique des enseignements afin que les acquis des élèves s’avèrent plus utiles pour leur vie professionnelle et personnelle. Dans un contexte de “société de la connaissance”, il semble en effet que la scolarité ne peut plus être seulement un moment d’enrichissement culturel, ni un moyen de pourvoir une partie des postes d’encadrement de la société ou d’opérer un filtre social, mais doit doter le plus grand nombre de jeunes de compétences indispensables pour être citoyens du 21° siècle dans le contexte de la formation tout au long de la vie. C’est le sens de la réflexion sur les compétences qu’avait ouverte l’OCDE et qui s’est prolongé à l’échelle européenne et de dans de nombreux pays (Dufour, Grootaers, & Francis, 2008; Gauthier, 2006; Gordon et al., 2009; OCDE, 2002; O. Rey, 2008).
En second lieu, il est aussi attendu d’un rapprochement avec les situations de la vie réelle un surcroît de motivation de la part des élèves, plus à même de saisir ‘”l’utilité” et donc le sens de leurs apprentissages.
C’est d’ailleurs ce qui nourrit le procès central des compétences par ceux qui leur reprochent leur “utilitarisme” forcené, utilitarisme généralement soupçonné d’être uniquement à dimension professionnelle et par conséquent fortement inspiré par les besoins des entreprises (Crahay, 2006; Hirtt, 2009). Pour résumer, la compétence constituerait le cheval de Troie pédagogique pour domestiquer l’éducation aux besoins du néo-libéralisme.
Cette critique est particulièrement entendue par ceux qui estiment que certains pôles de l’enseignement scolaire, auxquels ils sont particulièrement attachés, souffrent plus que d’autres d’un déficit d’utilité immédiate : la littérature, l’histoire, les langues mortes, la philosophie et plus généralement ce qu’on appelait parfois les humanités.
Elle est également prisée par ceux qui considèrent que les disciplines existantes constituent un cadre nécessaire et suffisant pour la transmission des savoirs. Pour ceux là, l’intégration des compétences peut apparaître comme porteuse d’une logique d’altération voire de dilution des cadres disciplinaires qui sont les seuls à pouvoir organiser un cheminement rigoureux de la pensée et des apprentissages (Schneider-Gilot, 2006).
Néanmoins, on ne peut dire actuellement que l’approche par compétences s’est substituée aux savoirs disciplinaires, même dans les pays les plus avancées dans la voie de réformes introduisant les compétences. Plus que de substitution, il s’agit de compléments, d’infléchissements ou de développement d’aires communes à plusieurs disciplines contributives[3].
En Irlande, Project Maths a par exemple essentiellement changé la façon d’enseigner les mathématiques, même si une partie proprement dite de contenus a été modifié[4] , ce qui a suffi à alimenter des controverses.
En tout état de cause, le débat introduit par les compétences aura eu le mérite de poser la question des contenus d’enseignement et de la légitimité des programmes scolaires existants au regard des besoins de la société. L’exercice consistant à considérer quels sont les savoirs les plus pertinents à acquérir n’a en effet rien d’évident, dès lors que l’on ne se contente pas de prolonger indéfiniment les rentes disciplinaires existantes ou que l’on ne considère pas que les sociétés savantes sont seules légitimes à décider ce que doit être le contenu de la scolarité (Perrenoud, 2011).
Au delà ou en deçà des débats théoriques, comment se traduit cette prise en compte des compétences dans les écoles qui s’en sont emparées ?
Une grande diversité de cas de figure caractérise les expériences d’enseignement “avec”, “par” ou “des” compétences d’après les observations que nous avons pu effectuer dans des établissements dans plusieurs pays.
Un premier type d’approche qui se retrouve fréquemment est celui qui essaye d’organiser l’apprentissage autour de projets communs (au niveau de l’école, d’un niveau d’enseignement, de plusieurs matières…) liés à la vie réelle plutôt qu’à partir des la juxtaposition de cours disciplinaires cloisonnés, quelle que soit la dimension réelle de la démarche “projet” (Reverdy, 2013). C’est une démarche qu’il serait abusif de considérer comme nouvelle même si les compétences ont pu être l’occasion de relancer ces initiatives pédagogiques dans certains contextes.
Un exemple extrême de cette approche est l’organisation d’une grande partie du curriculum d’une école primaire en Andalousie autour d’un thème économique local. Une école primaire (CEIP Miguel de Cervantes) a en effet développé un projet pédagogique complet sur le thème de la culture des fraises, question familière à l’ensemble des parents et des élèves. L’école est en effet située dans la province de Huelva (extrême sud ouest de l’Espagne), région connue pour sa (mono)culture de la fraise depuis les années 60. Le choix a donc été fait de monter une unité d’enseignement composée de 15 séquences didactiques relatives à la culture et à l’exploitation de la fraise, permettant de décliner différents apprentissages autour du thème (cycle biologique du fruit, démographie locale des travailleurs -immigrés et nationaux- de la fraise, développement économique et historique, représentation graphique de la production, composer une pièce autour de la fraise, principaux termes anglais pour présenter la culture de la fraise, etc.).
Toujours en Espagne, une autre expérience d’établissement permet de constater qu’on peut aussi travailler des compétences largement éloignées d’un utilitarisme économique immédiat.
Un établissement d’enseignement secondaire de Séville (I.E.S. José Maria Infantes) se présente lui même comme une école musée (escuela mueso) car il a organisé une grande part de ses activités pédagogiques autour de la réplique par les élèves de grandes oeuvres du patrimoine (de l’antiquité à nos jours) en arts plastiques et de l’exposition de ces répliques dans le lycée, largement ouvert à des visites publiques organisées.
L’ensemble des répliques est réalisé dans un vaste atelier de travail, dans lequel on peut voir durant toute la journée des élèves, seuls ou en groupe, répliquer un sarcophage égyptien ou un tableau de Picasso en jonglant avec les moyens technologiques les plus modernes comme avec les techniques et les matériaux plus anciens utilisés pour la réalisation de l’oeuvre originale. L’objectif global consiste à s’appuyer sur la production artistique pour développer les compétences des élèves dans de nombreux domaines : bien évidemment en matière artistique et culturelle, mais aussi en histoire, en mathématiques, en expression orale, en langues étrangères… Chaque année, les élèves sont répartis en groupes (selon leur âge et leur niveau de compétence) et chaque groupe a la charge d’étudier différents artistes et mouvements artistiques, en intégrant les points de vue esthétiques, historiques, techniques, etc.
Une seconde grande catégorie d’approches, qui peut être plus ponctuelle et limitée à un niveau ou à quelques disciplines, consiste à développer les compétences à travers des tâches “complexes”. L’objectif est de présenter une tâche proche de la vie réelle qui nécessite de mobiliser diverses ressources censées être acquises lors des apprentissages (connaissances, procédures, attitudes, valeurs, méthodes…) sans que soit prescrit forcément ni un chemin unique pour répondre à la consigne ni même que soient identifiées les répertoires de connaissances à mobiliser.
Il s’agit de développer des compétences intégratives et non de susciter la répétition des savoirs sous leur forme scolaire, ce qui implique par conséquent de laisser une large place au moment critique du choix des connaissances et procédures les plus pertinentes pour traiter la tâche, ce qu’on peut définir comme le “cadrage” de la situation (B. Rey et al., 2006).
La nature de la tâche complexe débouche souvent sur la mobilisation de ressources issues de plusieurs disciplines et plus on se rapproche de situations de la vie réelle, plus on trouve, dans une même situation, des tâches qui impliquent de combiner de l’expression écrite, du calcul, des langues étrangères, des repères historiques, etc. Néanmoins, nous avons aussi observé des élaborations de tâches complexes au sein d’un même ensemble disciplinaire dans lesquelles la différence avec les tâches scolaires traditionnelles provient essentiellement du dépaysement de la consigne par rapport aux connaissances sollicitées : l’élève doit accomplir un travail de cadrage pour savoir quelles ressources de la discipline utiliser et comment les mobiliser à bon escient.
Un élève sera par exemple mis dans la situation d’un entrepreneur qui souhaite implanter un unité au Brésil mais s’interroge sur la localisation et le choix de contacts locaux : l’élève devra choisir les ressources cognitives qu’il mobilise et comment il prend en compte les caractéristiques physiques, démographiques, économiques, culturelles ou linguistiques qu’il connaît à partir du domaine disciplinaire “histoire-géographie” pour proposer une solution cohérente.
On peut constater à travers ces quelques exemples rapides que l’approche par compétences peut effectivement impacter les contenus; ne serait-ce qu’en modifiant la perspective dans laquelle ils sont mobilisés et en privilégiant des progressions et des articulations qui ne relèvent pas des seules logiques intra-disciplinaires.
On peut aussi reconnaître que l’essentiel des cadres disciplinaires restent dominants et que le spectre de compétences qui se substitueraient aux contenus disciplinaires est pour l’heure plus un fantasme rhétorique qu’une pratique en développement.
Un avatar de la pédagogie “invisible” ? Les compétences comme vecteurs de transformation des pratiques pédagogiques
Ses détracteurs comme ses partisans soulignent fréquemment que le paradigme de l’approche par compétences porte en lui des conséquences importantes en matière pédagogique, peut-être de façon plus profonde qu’en matière de définition des sujets d’enseignement.
Une question centrale consiste en particulier à savoir si l’approche par compétences est un avatar de “pédagogie invisible”. Ce concept, dérivé des écrits du sociologue anglais Bernstein, est largement remis au goût du jour depuis quelques années pour qualifier certaines pratiques d’enseignement inspirées de ce que le sens commun nomme les pédagogies “nouvelles” en opposition aux méthodes plus traditionnelles de transmission des savoirs (apprentissage guidé, répétition, mémorisation…).
Les pédagogies nouvelles marquerait en effet le passage du “code sériel” au “code intégré” pour reprendre la terminologie de Bernstein, avec un cloisonnement moindre des savoirs en disciplines, plus de travail en coopération, plus d’autonomie dans le travail de l’élève et une moindre grande distinction d’entre le champ scolaire et les autres champs sociaux de la “vraie vie”. On comprend facilement comment l’approche par compétences peut relever de cette famille du code intégré caractérisée par un cadrage plus lâche.
Or, divers travaux sociologiques ont montré ces dernières années que beaucoup d’enseignants pratiquent cette pédagogie “invisible” sans avoir conscience que cette dernière est lourde de malentendus pour les enfants les plus éloignés de la culture scolaire (c’est à dire le plus souvent les enfants d’origine populaire) et contribue à redoubler leurs difficultés d’apprentissage, à rebours des intentions de leurs auteurs (Bonnéry, 2007; Rochex & Crinon, 2011).
L’approche par compétences constituerait ainsi une méthode qui non seulement s’avérerait trop exigeante, par exemple en érigeant l’inédit et la complexité en norme (Crahay, 2006), mais qui en outre accentuerait les malentendus cognitifs liés à la pédagogie invisible. C’est ce que pointe en partie Mangez quand il constate que les écoles belges à recrutement social élevé, où les parents sont très présents dans la vie scolaire, sont restées attachées aux méthodes traditionnelles d’enseignement (avec un recours important aux notes par exemple) pendant que ce sont les écoles implantées dans les milieux plus défavorisés qui ont expérimenté le plus avant les approches par compétences (Mangez, 2008).
Pourtant, certains auteurs soulignent que les dérives en termes de pédagogie invisibles ne sont pas inhérentes aux approches par compétence. Beckers estime ainsi qu’on peut concilier l’enseignement par compétences avec des pratiques professionnelles comportant des formes d’étayages telles que :
- expliciter les attentes et les exigences du travail demandé ;
- donner des consignes qui mettent en évidence les enjeux cognitifs de la tâche;
- tisser explicitement la continuité des apprentissages ;
- prévoir des moments de réflexivité et d’institutionnalisation du savoir construit;
- travailler le transfert des apprentissages par décontextualisation/recontextualisation;
- respecter la cohérence dans l’évaluation;
- assurer une sécurité affective aux élèves avant de les lâcher dans une tâche complexe (Beckers, 2011).
Un écho à ces préoccupations peut être observé dans la réforme en cours desKey Skills en Irlande (O. Rey, 2013b). Sans qu’il soit possible de décrire ici le détail de cette réforme, on peut en retenir que cette politique représente un tournant réflexif dans l’enseignement en Irlande : les élèves sont constamment incités à réfléchir sur ce qu’ils apprennent et sur ce qu’ils ont appris, notamment dans le domaine des Key Skills ou compétences clés.
Ce tournant réflexif est accompagné d’une démarche générale de large explicitation des compétences auprès des élèves, des enseignants, des parents et des parties prenantes de l’école. Alors que dans certains pays on essaye de développer les compétences clés comme “tache de fond” sans les faire apparaitre dans les matières au quotidien, la stratégie irlandaise consiste au contraire à les populariser jusque dans la classe.
Les cours que nous avons observés, dans différentes matières, avaient ainsi comme points communs :
- une séquence d’explicitation formelle des objectifs de la séquence d’enseignant par l’enseignant au début du cours, avec un exposé des Key Skills (KS) qui seront travaillées à cette occasion ;
- un rappel des règles à suivre pour développer les KS, notamment en terme de participation dans le travail collectif (prendre la parole sans la monopoliser, changer de rôle régulièrement);
- le travail en groupe des élèves, que ce soit dans le cadre d’une manipulation pratique (ex. test de densité des liquides en physique-chimie) ou d’un travail sur les connaissances (ex. exposé sur les moines au Moyen-Âge);
- une attention portée à la prise de notes par les élèves, dans une perspective de communication (vers les autres élèves et vers l’enseignant);
- un moment de restitution collective (parfois avec exposé);
- un bilan à la fin du cours reprenant ce qui a été appris et ce qui a été travaillé comme éléments des KS.
Dans ce cas de figure, les compétences sont ainsi utilisées comme moyen de modifier les pratiques pédagogique dans le sens d’un effort plus grand d’explicitation voire de cadrage des apprentissages, bien loin des caractéristiques de la pédagogie invisible !
CONCLUSION
La théorie en éducation est pertinente quand elle permet d’améliorer l’intelligibilité des processus d’enseignement et d’apprentissage et, par là même, de favoriser des interventions pertinentes pour les changements souhaitables dans les dispositifs éducatifs.
Le débat sur l’approche par compétences a peut-être en partie pâti d’un excès de débats insuffisamment étayés par des données empiriques.
On constate en effet que les modèles théoriques de ce qu’on présente comme les partisans et adversaires des compétences sont en décalage important avec les quelques observations que l’on peut faire de la façon dont les compétences sont intégrées dans des systèmes éducatifs ou des pratiques pédagogiques.
Il serait regrettable, dans ce contexte, que le flou inévitable qui colle aux définitions des compétences en contexte éducatif soit utilisé comme un prétexte pour éluder l’interpellation portée par les compétences .
C’est en effet un moyen de poser des questions sur l’éternelle énigme du transfert des savoirs : une fois qu’on a enseigné et qu’on a évalué ce que l’élève a retenu de son enseignement, que deviennent ces savoirs dans le reste de la vie ? Qu’en fait-on confronté à d’autres situations non-scolaires ? Qu’est-ce qui permet d’assurer que l’on ne transmet pas des savoirs « morts », mobilisables uniquement dans le contexte particulier qui les a vu naître ?
De ce point de vue, les compétences interpellent la pédagogie comme les différentes didactiques.
Elles doivent également être abordées avant tout comme un des leviers des évolutions curriculaires majeures qui sont en train de se produire au 21° siècle, en lien inévitable avec l’évolution sociale et culturelle des sociétés et avec l’épuisement relatif du mouvement de massification scolaire de l’enseignement secondaire initié après la seconde guerre mondiale.
Bibliographie
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[1] Contrairement à ce qu’une traduction rapide pourrait laissait croire, il s’agit en l’occurrence moins d’un socle minimum d’enseignement que du noyau commun d’enseignement que toute région autonome doit intégrer dans ses programmes scolaires obligatoires, dans un contexte d’éducation largement régionalisée.
[2] Je reprends ici la théorie des sentiers de dépendance usitée en sociologie des politiques publiques, qui souligne combien les normes politiques éditées à un niveau international sont souvent retraduites en profondeur en fonction des logiques de fonctionnement dominantes au niveau d’un pays, d’une région, etc.
[3] Nous n’abordons pas ici de façon centrale la question des “nouveaux” enseignements qu’on essaye d’introduire sous le chapeau de certaines compétences dites transversales, tels que les enseignements liés à la culture numérique, à la promotion de certains comportements (citoyenneté, respect, diversité culturelle…) ou “aux éducation à..” (développement durable, santé, sexualité…). En revanche, il faut garder à l’esprit que ces enseignements participent peut-être d’un mouvement commun de vaste recomposition curriculaire.
[4] La partie la plus controversée à été l’introduction des statistiques et l’abandon de parties de cours concernant les vecteurs et les matrices. http://www.projectmaths.ie
Olivier Rey
Veille et analyses en éducation
3 septembre 2013
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