vendredi 17 juin 2011

Dictateurs en procès

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Dès lundi, l’ex-président Ben Ali sera jugé par contumace pour ses crimes, tandis que Hosni Moubarak et ses deux fils, cette fois en chair et en os, le seront dès le 3 août. Voir des ex-chefs d’Etat jugés par leurs propres institutions est une première dans le monde arabe. Quant à l’hôte du sommet de Syrte d’octobre 2010, Muammar Kadhafi, il se voit menacé par la Cour pénale internationale. Qui aurait pu imaginer tel scénario il y a quelques mois? Malgré cette incroyable tournure des événements, les acteurs des révolutions arabes ont peur. Ils doutent que ces procès puissent mener quelque part. Le signe sans doute, dans les deux pays, de la fragilité du changement en cours.

Les Tunisiens sont frustrés
Réfugiés en Arabie saoudite, l’ex-président Ben Ali et son épouse, Leïla, sont sous le coup d’un mandat d’arrêt international lancé par Tunis, mais sans effet jusqu’ici. C’est donc par contumace que le couple sera jugé dès lundi, avec sur le dos 93 chefs d’inculpation. Complot contre la sécurité d’Etat, homicide volontaire, torture, abus de pouvoir, malversations, blanchiment d’argent, trafic de drogue, recel de pièces archéologiques: la liste est longue. Certaines affaires relèvent des tribunaux civils, d’autres de la juridiction militaire. En l’absence des prévenus, aucun avocat étranger ne pourra venir aiguiser sa réputation pour la défense dans ce procès qui, s’il se fait dans les règles de l’art, écumera les avantages que s’est octroyés le clan Ben Ali, au gré de pratiques délictueuses, durant vingt-trois ans de pouvoir absolu.

Dans l’immédiat, les deux premiers dossiers ouverts devraient porter sur la découverte d’armes et de drogues dans le palais présidentiel de Carthage et sur 27 millions de dollars en liquide trouvés en février par la Commission tunisienne anticorruption dans l’un des nombreux palais que possédait le clan Ben Ali.

Aussitôt annoncé, ce procès sans Ben Ali a été critiqué en Tunisie, notamment dans les milieux de défense des droits de l’homme, qui estiment qu’on aurait mieux fait de traduire d’abord en justice les membres du régime déchu qui se trouvent encore en Tunisie. Le journaliste Taoufik Ben Brik qualifie le procès de «fumisterie», laissant entendre que l’on a justement tout fait «pour faire un non-procès». Ces craintes s’inscrivent dans un contexte d’immobilisme, alors que le Conseil supérieur de la magistrature, dirigé par le président de la République en personne sous Ben Ali, n’a toujours pas été réformé. ...

Cathy Macherel | 16.06.2011 | 19:01

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