Ils sont partiels, donnent une image trop simplifiée de la réalité et des missions des universités... Dans une étude qu'elle devait présenter vendredi 17 juin à Bruxelles, l'Association européenne des universités (EUA) critique les "classements mondiaux d'universités et leur impact".
Depuis l'instauration du classement de Shanghaï, en 2003, pas moins de treize rankings internationaux ont vu le jour. Si les palmarès de l'université Jiao Tong (Shanghaï), du Times Higher Education (THE) ou de la société QS sont les plus connus, d'autres ont aussi vu le jour aux Pays-Bas (Leiden Ranking), en Russie (Reitor), à Taïwan (HEEACT) ou encore en Espagne (Webometrics). Leur nombre devrait "continuer à croître dans les années à venir", estime l'association européenne.
Si les classements ont rendu beaucoup plus visibles les universités au niveau mondial, la majorité des palmarès sont bourrés de "défauts, failles et autres biais", regrette le rapport. D'abord, "les classements actuels ne prennent en compte qu'entre 1 % et 3 % des 17 000 universités mondiales", car "les méthodologies utilisées actuellement ne permettent pas de prendre en compte plus de 700 à 1 200 universités". Ainsi, poursuit le rapport, "plus de 16 000 établissements ne pourront jamais être pris en compte et classés". "C'est l'un des constats les plus frappants, commente Lesley Wilson, la secrétaire générale de l'EUA. A l'heure où tous les gouvernements assurent qu'il faut une diversité d'établissements supérieurs, un seul modèle est finalement mis en avant par ces palmarès, celui des universités de recherche intensive."
Ces classements laissent en effet croire que les seules institutions qui comptent sont celles qui investissent massivement dans la recherche. Celles qui mettent en avant la formation ou qui s'inscrivent fortement dans leur environnement local sont ignorées. Par voie de conséquence, elles sont déconsidérées aux yeux de l'opinion et des pouvoirs publics. Il est en effet plus facile de mesurer la production scientifique d'Harvard, de Stanford ou de Cambridge que leur aptitude à former les étudiants. Les données permettant d'évaluer ces missions, surtout la formation, sont difficiles à recueillir et à normaliser d'un pays à l'autre.
De plus, après analyse de la méthodologie de chacun des treize palmarès, l'EUA juge que la plupart des indicateurs sont trop simplificateurs et trop peu transparents. Quant à leur objectivité revendiquée ? "C'est celui qui classe qui détermine le poids respectif de chaque donnée", précise le rapport.
Pour Ellen Hazelkorn du Dublin Institute of Technology, la critique des classements peut aller plus loin encore. "Personne ne sait vraiment quel est l'objectif des classements mondiaux. Mettre en valeur les meilleurs ? Mais en quoi et pour quoi ? Chaque producteur de classement mesure ce qu'il pense être important... Et cela n'a peut-être aucun intérêt pour un étudiant ou un universitaire", s'inquiète l'auteur de Rankings and the Reshaping of Higher Education (Classements et la refonte de l'enseignement supérieur) aux éditions Palgrave Macmillan, dès mars 2011.
Or de nombreux Etats engagent des politiques publiques centrées en partie sur cet objectif de faire monter quelques institutions dans les Top 100 internationaux, ce qui fait peser une menace sur la diversité du paysage universitaire. L'orientation massive de fonds vers les universités d'élite ou d'excellence menace les politiques de massification de l'enseignement supérieur.
Ces classements induisent aussi des effets sur les politiques menées par les établissements eux-mêmes. "Afin d'améliorer leur place dans ces palmarès, les universités sont fortement tentées d'améliorer leur performance dans les secteurs pris en compte par les classements au détriment de leurs autres missions", relève Mme Wilson. ...
| 17.06.11 | 14h33 • Mis à jour le 17.06.11 | 16h30
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