Deux groupes de réflexion, l’un marqué à gauche, l’autre libéral, proposent de revenir sur la gratuité de l’enseignement supérieur, pour plus de justice sociale.
177 € : c’est ce que devra débourser un étudiant pour s’inscrire en licence cette année. Soit 3 € de plus qu’en 2010. Même tendance en master où les droits de scolarité sont passés de 234 à 245 € ou, en doctorat, où il faut désormais s’acquitter de 359 € au lieu de 350. Globalement, les frais d’inscription à l’université ont donc augmenté de 3,3 % cette rentrée.
« C’est supérieur à l’inflation, dénonce Maria Cotora, chargée des questions universitaires à l’Unef, le principal syndicat étudiant. Sans compter que certains établissements pratiquent des frais illégaux pouvant atteindre un millier d’euros. »
« C’est supérieur à l’inflation, dénonce Maria Cotora, chargée des questions universitaires à l’Unef, le principal syndicat étudiant. Sans compter que certains établissements pratiquent des frais illégaux pouvant atteindre un millier d’euros. »
Que dirait alors le syndicat si, dans les prochaines années, les droits d’inscription augmentaient de 300 % ou étaient franchement libéralisés ? C’est ce que proposent respectivement deux groupes de réflexion, Terra Nova, plutôt à gauche, et l’Institut de l’entreprise, d’orientation libérale. Tous deux s’appuient sur le même constat : l’université manque de moyens.
« Si nous souhaitons être compétitifs sur la scène internationale, notre pays a besoin d’augmenter le pourcentage d’une classe d’âge qui accède à l’enseignement supérieur, souligne Yves Lichtenberger, professeur de sociologie à l’université de Marne-la-Vallée et coauteur du rapport de Terra Nova.
Aujourd’hui, la proportion atteint 50 % en France, contre 60 % dans les autres pays de l’OCDE. » Or, grossir l’effectif des étudiants implique forcément un coût.
Plus précisément, la France a besoin de chercheurs, selon Louis Vogel, président de l’université Panthéon-Assas : « Avec la montée en puissance des ingénieurs et diplômés des écoles de commerce issus des pays émergents, notre pays doit se positionner sur un autre créneau, notamment dans le domaine de la recherche, de l’innovation et des brevets. » Un étudiant coûte aujourd’hui en moyenne 9 000 € par an à l’université. Un investissement insuffisant, estime le Pr Lichtenberger : « Si l’on veut offrir une formation de qualité et un encadrement satisfaisant, il faudrait au moins s’aligner sur les standards internationaux en y consacrant 3 000 € de plus. » De son côté, Pierre-André Chiappori, professeur à l’université américaine de Columbia et auteur du rapport de l’Institut de l’entreprise, voit encore plus grand : « Avec 14 000 € déboursés en moyenne par étudiant, comment l’université Pierre-et-Marie-Curie – 41e au palmarès mondial de Shanghai – peut-elle rivaliser avec le MIT (Massachusets Institute of technology) qui dépense presque 20 fois plus ! »
En France, 80 % des ressources de l’université proviennent de l’État, en moyenne. « Difficile d’imaginer augmenter cette dotation dans la conjoncture actuelle », remarque Bernard Ramanantsoa, à la tête de HEC Paris (Hautes Études commerciales). Les frais d’inscription apparaissent alors comme un levier de financement potentiel. Terra Nova propose ainsi de les porter à 500 € en licence, 1 000 € en master et 1 500 en doctorat. Les boursiers resteraient exonérés. En triplant ou quadruplant les droits actuels, l’université pourrait déjà récolter 1 milliard d’euros.
La manne financière n’est pas l’unique argument pour le groupe de réflexion Terra Nova. Augmenter les frais d’inscriptions pourrait permettre de responsabiliser davantage les étudiants. « L’idée, c’est ainsi de mettre en place une sorte de contrat pédagogique, explique le Pr Lichtenberger. S’il s’implique davantage financièrement, l’étudiant réfléchit à deux fois avant de s’inscrire et cela l’encourage à suivre plus sérieusement les cours. En retour, l’université s’engage à lui proposer un service de qualité notamment un meilleur encadrement avec, par exemple, du tutorat – assuré par les aînés –, plus d’outils documentaires et d’heures d’ouverture de bibliothèque. »
Outre limiter l’absentéisme, cet investissement pourrait aussi paradoxalement induire plus de justice sociale, selon Terra Nova. « Même quasiment gratuite, l’université n’en reste pas moins ségrégative, pointe le professeur. L’encadrement y est très faible, or c’est justement un meilleur suivi qui manque aux étudiants des classes défavorisés. Ils souffrent d’un déficit de confiance et ont plus besoin que les autres de se sentir soutenus pour réussir. »
De son côté, l’Institut de l’entreprise propose d’indexer les droits aux revenus des parents. Une formule que pratique déjà Sciences-Po Paris ou HEC. « Les sommes s’échelonnent de 0 à 11 900 €, explique Bernard Ramanantsoa, pour HEC. 20 % des élèves sont boursiers donc exonérés en partie ou en totalité des frais d’inscription. » Seul bémol, ce système risque de défavoriser les classes moyennes. « Ces familles ont des revenus modérés, leurs enfants n’ont pas droit aux bourses et ils doivent généralement travailler pour financer leurs études, ce qui enclenche une spirale négative dans le suivi universitaire », regrette Alain Beretz, président de l’université de Strasbourg.
En somme, quel que soit le système envisagé, des mesures d’accompagnement semblent nécessaires. Terra Nova propose une allocation d’autonomie à hauteur de 500 € par mois pour chaque étudiant – financée en réunissant tous les moyens dévolus à ceux-ci : bourses, demi-part fiscale, aide personnalisée au logement – tandis que l’Institut de l’entreprise évoque l’idée d’un prêt de l’État, comme en Angleterre : des bourses remboursées par l’étudiant une fois qu’il est embauché en fonction de son salaire. « Certaines banques proposent déjà des prêts à des taux avantageux pour nos élèves, souligne Bernard Ramanantsoa à HEC. Elles anticipent leurs revenus futurs. » Pas sûr que les établissements bancaires soient aussi généreux avec un étudiant en lettre ou en philosophie…
Globalement, Yves Lichtenberger estime qu’un débat politique doit avoir lieu et qu’il faut changer la vision des études supérieures : « Cela doit rester un droit mais l’étudiant doit se rendre compte que si c’est un coût pour la nation, c’en est un aussi pour lui : il doit arrêter d’être un spectateur passif et considérer qu’il fait un investissement sur l’avenir. » Reste que la participation des étudiants ne peut pas constituer l’unique source de financement.
Quelques universités étudient un troisième levier : le concours des fondations. À Strasbourg, une structure a été créée en 2009. « Nous avons déjà collecté 8 millions d’euros, se réjouit le président de l’université qui en est à l’origine. Ces dons proviennent notamment d’anciens étudiants ou d’entreprises qu’ils dirigent. D’où l’importance de proposer un enseignement de qualité pour que les futurs professionnels aient envie d’investir eux aussi dans l’université qui les a formés. »
Plus précisément, la France a besoin de chercheurs, selon Louis Vogel, président de l’université Panthéon-Assas : « Avec la montée en puissance des ingénieurs et diplômés des écoles de commerce issus des pays émergents, notre pays doit se positionner sur un autre créneau, notamment dans le domaine de la recherche, de l’innovation et des brevets. » Un étudiant coûte aujourd’hui en moyenne 9 000 € par an à l’université. Un investissement insuffisant, estime le Pr Lichtenberger : « Si l’on veut offrir une formation de qualité et un encadrement satisfaisant, il faudrait au moins s’aligner sur les standards internationaux en y consacrant 3 000 € de plus. » De son côté, Pierre-André Chiappori, professeur à l’université américaine de Columbia et auteur du rapport de l’Institut de l’entreprise, voit encore plus grand : « Avec 14 000 € déboursés en moyenne par étudiant, comment l’université Pierre-et-Marie-Curie – 41e au palmarès mondial de Shanghai – peut-elle rivaliser avec le MIT (Massachusets Institute of technology) qui dépense presque 20 fois plus ! »
En France, 80 % des ressources de l’université proviennent de l’État, en moyenne. « Difficile d’imaginer augmenter cette dotation dans la conjoncture actuelle », remarque Bernard Ramanantsoa, à la tête de HEC Paris (Hautes Études commerciales). Les frais d’inscription apparaissent alors comme un levier de financement potentiel. Terra Nova propose ainsi de les porter à 500 € en licence, 1 000 € en master et 1 500 en doctorat. Les boursiers resteraient exonérés. En triplant ou quadruplant les droits actuels, l’université pourrait déjà récolter 1 milliard d’euros.
La manne financière n’est pas l’unique argument pour le groupe de réflexion Terra Nova. Augmenter les frais d’inscriptions pourrait permettre de responsabiliser davantage les étudiants. « L’idée, c’est ainsi de mettre en place une sorte de contrat pédagogique, explique le Pr Lichtenberger. S’il s’implique davantage financièrement, l’étudiant réfléchit à deux fois avant de s’inscrire et cela l’encourage à suivre plus sérieusement les cours. En retour, l’université s’engage à lui proposer un service de qualité notamment un meilleur encadrement avec, par exemple, du tutorat – assuré par les aînés –, plus d’outils documentaires et d’heures d’ouverture de bibliothèque. »
Outre limiter l’absentéisme, cet investissement pourrait aussi paradoxalement induire plus de justice sociale, selon Terra Nova. « Même quasiment gratuite, l’université n’en reste pas moins ségrégative, pointe le professeur. L’encadrement y est très faible, or c’est justement un meilleur suivi qui manque aux étudiants des classes défavorisés. Ils souffrent d’un déficit de confiance et ont plus besoin que les autres de se sentir soutenus pour réussir. »
De son côté, l’Institut de l’entreprise propose d’indexer les droits aux revenus des parents. Une formule que pratique déjà Sciences-Po Paris ou HEC. « Les sommes s’échelonnent de 0 à 11 900 €, explique Bernard Ramanantsoa, pour HEC. 20 % des élèves sont boursiers donc exonérés en partie ou en totalité des frais d’inscription. » Seul bémol, ce système risque de défavoriser les classes moyennes. « Ces familles ont des revenus modérés, leurs enfants n’ont pas droit aux bourses et ils doivent généralement travailler pour financer leurs études, ce qui enclenche une spirale négative dans le suivi universitaire », regrette Alain Beretz, président de l’université de Strasbourg.
En somme, quel que soit le système envisagé, des mesures d’accompagnement semblent nécessaires. Terra Nova propose une allocation d’autonomie à hauteur de 500 € par mois pour chaque étudiant – financée en réunissant tous les moyens dévolus à ceux-ci : bourses, demi-part fiscale, aide personnalisée au logement – tandis que l’Institut de l’entreprise évoque l’idée d’un prêt de l’État, comme en Angleterre : des bourses remboursées par l’étudiant une fois qu’il est embauché en fonction de son salaire. « Certaines banques proposent déjà des prêts à des taux avantageux pour nos élèves, souligne Bernard Ramanantsoa à HEC. Elles anticipent leurs revenus futurs. » Pas sûr que les établissements bancaires soient aussi généreux avec un étudiant en lettre ou en philosophie…
Globalement, Yves Lichtenberger estime qu’un débat politique doit avoir lieu et qu’il faut changer la vision des études supérieures : « Cela doit rester un droit mais l’étudiant doit se rendre compte que si c’est un coût pour la nation, c’en est un aussi pour lui : il doit arrêter d’être un spectateur passif et considérer qu’il fait un investissement sur l’avenir. » Reste que la participation des étudiants ne peut pas constituer l’unique source de financement.
Quelques universités étudient un troisième levier : le concours des fondations. À Strasbourg, une structure a été créée en 2009. « Nous avons déjà collecté 8 millions d’euros, se réjouit le président de l’université qui en est à l’origine. Ces dons proviennent notamment d’anciens étudiants ou d’entreprises qu’ils dirigent. D’où l’importance de proposer un enseignement de qualité pour que les futurs professionnels aient envie d’investir eux aussi dans l’université qui les a formés. »
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