Plusieurs expériences ont observé des signaux qui pourraient être ceux de la matière noire, d’autres n'ont rien vu là où on devrait en trouver. Le suspens reste entier.Sean Bailly,
journaliste à Pour la Science.
Si la matière noire est présente dans les galaxies spirales (ici, M81), quelle est la forme du halo ?
Depuis 1933 et les premières hypothèses de l’astronome suisse Fritz Zwicky, la matière noire tient en échec les cosmologistes et les astrophysiciens. De nombreuses observations s'expliquent si on suppose qu'il existe une substance cinq fois plus abondante que la matière ordinaire, qui interagit peu avec celle-ci et qui ne se manifeste presque que par le biais de la gravité : la matière noire. Elle permet par exemple d’expliquer le mouvement des étoiles dans une galaxie spirale, celui des galaxies dans des amas de galaxies, ou encore certaines caractéristiques des inhomogénéités du fond diffus cosmologique. Cependant, la nature de la matière noire est toujours inconnue. Et les résultats de plusieurs études récentes confirment que la matière noire sait entretenir le suspens sur son existence et ses propriétés !
La première concerne la détection de la matière noire via les rayons gamma. Les particules de matière noire peuvent s'annihiler deux à deux en émettant des photons dans la longueur d'onde des rayons gamma. Ce phénomène est d'autant plus probable que la densité de matière noire est élevée. Le satellite gamma Fermi traque ce signal dans les régions supposées riches en matière noire, tel le centre de la Galaxie. Christoph Weniger, de l’Institut Max Planck de Munich, a observé dans les données de Fermi un excès de photons avec une énergie de 130 gigaélectronvolts. Ce signal pourrait correspondre à celui de la matière noire. Si ce résultat se confirme, ce serait une preuve indirecte supplémentaire en faveur de la matière noire.
Christian Moni Bidin et ses collègues de l’Université Conception, au Chili, ont suivi la piste des effets gravitationnels. Ils ont étudié le mouvement de 400 étoiles géantes rouges situées dans un rayon de 13 000 années-lumière autour du Soleil en utilisant un télescope de 2,2 mètres de diamètre de l’Observatoire austral européen de la Silla. Ils ont montré que la gravité exercée par la matière ordinaire suffit pour expliquer le mouvement de ces étoiles. En d'autres termes, aucune matière cachée n'est nécessaire. Les environs du Soleil seraient ainsi dépourvus de matière noire.
Pour autant, ce résultat ne remet pas en cause l’existence de la matière noire à l'échelle galactique. Selon Ch. Moni Bidin et ses collègues, cela suggère plutôt que la distribution de matière noire dans la galaxie n’est pas sphérique, comme on le suppose généralement, mais serait aplatie dans le plan du disque galactique, et que le Soleil serait situé en dehors de cette zone. Une telle distribution de la matière noire serait néanmoins surprenante, car elle n'est pas observée dans les simulations numériques de formation des galaxies.
Le résultat de Ch. Moni Bidin, s’il se confirme, est par ailleurs une mauvaise nouvelle pour les tentatives de détection directe de la matière noire. Le principe des diverses expériences en cours revient en fin de compte à observer l’interaction d’une particule de matière noire avec un atome du détecteur. Comme la matière noire interagit très faiblement avec la matière, ces événements sont rares. Si le Système solaire est dans une région pauvre en matière noire, la probabilité d'observer un signal diminue de façon drastique.
Les expériences de détection directe pourraient néanmoins porter leurs fruits. Juan Collar et ses collègues de l’expérience CoGeNT viennent d’annoncer qu’ils ont observé un signal périodique annuel similaire à celui de l’expérience italienne DAMA. Ce signal peut s’interpréter ainsi : si le Soleil est en mouvement relativement à la matière noire galactique, alors durant sa révolution autour du Soleil, la Terre va pendant six mois contre « le vent » de matière noire, si bien que le nombre de particules qui croisent les détecteurs est plus important. À l'inverse, pendant six mois, la Terre va ensuite dans le sens du vent de matière noire, et le nombre de collisions diminue. Mais si DAMA et CoGeNT ont vu un signal périodique, d’autre expériences, tel CDMS ne l'ont pas observé.
Difficile de savoir si l’étau se resserre autour de la matière noire. Ces résultats posent encore des questions sur la matière noire et en particulier sur sa distribution dans le voisinage de la Terre, sa masse, des données cruciales pour les expériences de détection directe. Mais la solution viendra peut-être de l'observation de la matière noire dans le LHC, le grand collisionneur de hadrons du CERN. Suspens… et patience.
http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-matiere-noirea-difficile-d-y-voir-clair-29762.php
NASA, ESA, et l'équipe Hubble Heritage (STScI/AURA) |
Depuis 1933 et les premières hypothèses de l’astronome suisse Fritz Zwicky, la matière noire tient en échec les cosmologistes et les astrophysiciens. De nombreuses observations s'expliquent si on suppose qu'il existe une substance cinq fois plus abondante que la matière ordinaire, qui interagit peu avec celle-ci et qui ne se manifeste presque que par le biais de la gravité : la matière noire. Elle permet par exemple d’expliquer le mouvement des étoiles dans une galaxie spirale, celui des galaxies dans des amas de galaxies, ou encore certaines caractéristiques des inhomogénéités du fond diffus cosmologique. Cependant, la nature de la matière noire est toujours inconnue. Et les résultats de plusieurs études récentes confirment que la matière noire sait entretenir le suspens sur son existence et ses propriétés !
La première concerne la détection de la matière noire via les rayons gamma. Les particules de matière noire peuvent s'annihiler deux à deux en émettant des photons dans la longueur d'onde des rayons gamma. Ce phénomène est d'autant plus probable que la densité de matière noire est élevée. Le satellite gamma Fermi traque ce signal dans les régions supposées riches en matière noire, tel le centre de la Galaxie. Christoph Weniger, de l’Institut Max Planck de Munich, a observé dans les données de Fermi un excès de photons avec une énergie de 130 gigaélectronvolts. Ce signal pourrait correspondre à celui de la matière noire. Si ce résultat se confirme, ce serait une preuve indirecte supplémentaire en faveur de la matière noire.
Christian Moni Bidin et ses collègues de l’Université Conception, au Chili, ont suivi la piste des effets gravitationnels. Ils ont étudié le mouvement de 400 étoiles géantes rouges situées dans un rayon de 13 000 années-lumière autour du Soleil en utilisant un télescope de 2,2 mètres de diamètre de l’Observatoire austral européen de la Silla. Ils ont montré que la gravité exercée par la matière ordinaire suffit pour expliquer le mouvement de ces étoiles. En d'autres termes, aucune matière cachée n'est nécessaire. Les environs du Soleil seraient ainsi dépourvus de matière noire.
Pour autant, ce résultat ne remet pas en cause l’existence de la matière noire à l'échelle galactique. Selon Ch. Moni Bidin et ses collègues, cela suggère plutôt que la distribution de matière noire dans la galaxie n’est pas sphérique, comme on le suppose généralement, mais serait aplatie dans le plan du disque galactique, et que le Soleil serait situé en dehors de cette zone. Une telle distribution de la matière noire serait néanmoins surprenante, car elle n'est pas observée dans les simulations numériques de formation des galaxies.
Le résultat de Ch. Moni Bidin, s’il se confirme, est par ailleurs une mauvaise nouvelle pour les tentatives de détection directe de la matière noire. Le principe des diverses expériences en cours revient en fin de compte à observer l’interaction d’une particule de matière noire avec un atome du détecteur. Comme la matière noire interagit très faiblement avec la matière, ces événements sont rares. Si le Système solaire est dans une région pauvre en matière noire, la probabilité d'observer un signal diminue de façon drastique.
Les expériences de détection directe pourraient néanmoins porter leurs fruits. Juan Collar et ses collègues de l’expérience CoGeNT viennent d’annoncer qu’ils ont observé un signal périodique annuel similaire à celui de l’expérience italienne DAMA. Ce signal peut s’interpréter ainsi : si le Soleil est en mouvement relativement à la matière noire galactique, alors durant sa révolution autour du Soleil, la Terre va pendant six mois contre « le vent » de matière noire, si bien que le nombre de particules qui croisent les détecteurs est plus important. À l'inverse, pendant six mois, la Terre va ensuite dans le sens du vent de matière noire, et le nombre de collisions diminue. Mais si DAMA et CoGeNT ont vu un signal périodique, d’autre expériences, tel CDMS ne l'ont pas observé.
Difficile de savoir si l’étau se resserre autour de la matière noire. Ces résultats posent encore des questions sur la matière noire et en particulier sur sa distribution dans le voisinage de la Terre, sa masse, des données cruciales pour les expériences de détection directe. Mais la solution viendra peut-être de l'observation de la matière noire dans le LHC, le grand collisionneur de hadrons du CERN. Suspens… et patience.
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