Le classement de Shanghaï vient d'être publié, un autre va bientôt arriver, le World University Ranking, qui ne fera que confirmer avec des critères différents le classement des universités françaises. La France est toujours loin derrière, et le monde anglo-saxon est privilégié. Les tentatives de regroupement des universités françaises et les divers labels d'excellence n'y ont rien changé. On pouvait s'endouter, puisque des établissements aux effectifs modestes comme l'Ecole polytechnique et l'Ecole normale supérieure s'en tirent mieux que des universités prestigieuses.
On peut critiquer les critères choisis, on peut faire toutes les analyses possibles, plus ou moins clairvoyantes, on peut essayer de trouver d'autres instruments de mesure plus favorables, il n'en demeure pas moins que l'on confond presque toujours communication et information.
La plupart des universitaires se lamentent, à commencer par la ministre, pour une fois relayée par la presse, qui affirme, en substance : Shanghaï n'est qu'un outil marketing, on n'a pas pris en compte les sciences humaines et sociales, on ignore la qualité de l'enseignement, on oublie le taux de réussite, la valorisation, le transfert de technologie. Le regroupement des universités va nous faire gagner des places et, d'ailleurs, l'Europe va faire son propre classement.
Ces critiques sont parfois étonnantes et souvent contradictoires quand on regarde la réalité en face et que l'on veut bien s'interroger sur la signification de ces classements.
Car ces classements sont politiques et ont un sens bien précis.
Shanghaï a été créé pour orienter les meilleurs étudiants chinois dans les meilleurs laboratoires du monde. Ses critères sont ceux de la recherche en science dure : prix Nobel, médailles Fields, articles publiés dans des revuesprestigieuses comme Nature ou Science, chercheurs cités, articles indexés, tout cela pondéré par le nombre de chercheurs.
L'autre classement célèbre vint plus tard. Le World University Ranking a pour objectif d'attirer les meilleurs étudiants. Le classement des universités prend un autre sens et ses critères ont donc une autre signification, en particulier la réputation académique, y compris et surtout auprès des employeurs, le ratio étudiants/enseignants et le nombre relatif d'étudiants et d'enseignants étrangers.
Que veulent-ils, ces Chinois, ces Anglo-Saxons, tous ces dévoreurs d'intelligence ? Ils veulent se fabriquer la meilleure élite scientifique possible.
Et pourquoi refuserait-on de faire de même ?
Il faut que la France redevienne un pays attrayant et réputé. Et c'est possible ; ainsi, grâce aux mathématiques, deux universités françaises ont intégré le Top 10 mondial.
C'est notre avenir qui est en jeu.
C'est d'une certaine façon un devoir quand on regarde le chômage et la misèregagner du terrain alors que des solutions sont connues : école, recherche scientifique et innovation.
Même s'il convient d'en relativiser les résultats, il faut arrêter de se contenter de la critique systématique de ces évaluations et analyser en quoi notre système d'enseignement supérieur et de recherche doit être modifié et donc amélioré pour que nos universités soient en situation d'attirer, de recevoir et de former les plus brillants des futurs scientifiques, qu'ils soient français ou étrangers, ceux qui peuvent assurer la réputation et l'avenir de notre pays.
Cela nécessite des moyens et une politique ambitieuse pour l'enseignement supérieur et la recherche qui ne peut se limiter à des réformettes, fussent-elles inspirées par le bon sens.
Comment imaginer autrement l'avenir de l'université française, issue des Lumières, pour qu'elle puisse retrouver sa place et son rang dans le monde, si elle ne le regarde pas en face ?
LE MONDE | 05.09.2013 à 18h19 • Mis à jour le 06.09.2013 à 15h31 |Par Daniel Bancel (Ancien recteur d'académie et ancien président d'universités) et Jacques Mauss (Professeur émérite de l'université Paul-Sabatier de Toulouse)
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