samedi 25 juin 2011

Accès au numérique pour tous

ARTICLE D’ESTELLE YAFI publié dans INA GLOBAL

Le 17 décembre 2009, l’Assemblée nationale [française] a voté une loi relative à la lutte contre la fracture numérique en France. C’est dans le cadre de l’adoption de cette loi que le Parlement a demandé au Gouvernement de lui remettre un rapport d’étude sur le fossé numérique en France : comment se matérialise-t-il ? Qui concerne-t-il ? Quelles en sont les causes ?

Ce rapport, réalisé par le Centre d’analyse stratégique[+] et remis en avril 2011 au Parlement, répond à ces questions et mentionne de nombreuses initiatives étrangères (Royaume-Uni, Pays-Bas, Finlande, Danemark, Corée du Sud et Japon) qui sont autant de sources d’inspiration pour des mesures applicables en France afin de résorber cette différence entre les populations ayant accès aux technologies numériques et les populations en marge de celles-ci. Le rapport vise à établir des recommandations et pistes de réflexion afin de lutter contre la fracture numérique. En effet, la loi du 17 décembre 2009 prévoit le déploiement des réseaux très haut débit dans toute la France, mais cela semble inutile si des catégories de population ne disposent pas des équipements nécessaires leur permettant d’utiliser ces réseaux.

Les initiatives et mesures prises aussi bien en France que dans les pays étudiés par le rapport visent à combler les trois fossés numériques identifiés : un fossé générationnel (les plus de 65 ans qui représentent 21 % de la population française, ne sont que 18 % à utiliser Internet), un fossé social (les foyers à faibles revenus ne peuvent assumer les coûts d’équipement informatique ainsi que l’abonnement Internet) et un fossé culturel (les populations les moins instruites restent en marge).

Afin de réduire ces différences et faire en sorte que chacun puisse accéder de manière simple, rapide, et peu coûteuse aux nouveaux outils numériques, le rapport insiste d’abord sur la nécessité de lutter contre le manque d’équipement informatique des populations. Cela passe principalement par l’instauration d’ « Espaces Publics Numériques », (EPN)[+] qui sont déjà au nombre de 4 000 en France, installés dans les bibliothèques, médiathèques, centres culturels etc. À titre de comparaison, le Royaume-Uni compte 3 500 « UK Online Centers » également installés dans des centres publics et présentant l’originalité de proposer des cours de formations aux outils numériques, via l’application « MyGuide » disponible sur tous les ordinateurs. La Corée du Sud compte 1 000 centres similaires et le Canada 4 000. ...

Plus que l’équipement informatique lui-même, ce sont souvent les prix des abonnements Internet qui représentent un frein à son utilisation, surtout parmi les foyers à faibles revenus. La baisse des tarifs semble donc être une mesure indispensable pour lutter contre le fossé numérique. Certains pays comme la Suisse (en 2008) ou encore la Finlande (en 2009) ont pris les devants et fait de l’accès à l’Internet haut débit un droit universel (au même titre que l’électricité ou le gaz), permettant à la totalité de la population du pays de profiter, gratuitement ou à des prix très bas, d’une connexion rapide. La Finlande a même prévu de donner accès à tous ses habitants à la fibre optique d’ici 2015. Ces initiatives nationales soulignent le retard de l’Union européenne dans son ensemble qui a ouvert un débat sur la question du service universel de l’Internet haut débit en mars 2010, débat qui n’a toujours pas abouti à l’heure de la publication de ce rapport sur le fossé numérique. ...


http://www.inaglobal.fr/sites/default/files/user_uploaded/547image/Diagramme%20%C3%A9quipement%20FOSSE.png
(ACCES AU DIAGRAMME)

Source : Rapport de la mission parlementaire de Jean-Michel Fourgous
« Réussir l’école numérique »


La France, loin d’être en retard dans le développement des technologies de l’information et de la communication (TIC) à l’école, se situe dans le premier tiers des pays européens en ce qui concerne l’équipement des écoles en outils numériques.

80 % des lycées et 60 % des collèges disposent d’au moins un tableau numérique interactif (TNI)[+]. Au Royaume-Uni, les tableaux numériques interactifs ont prouvé leur efficacité dans l’amélioration des performances scolaires, notamment en mathématiques et en sciences. Utilisés dans tous les établissements du primaire au Royaume-Uni, les tableaux numériques interactifs ont nécessité un financement de 12 millions d’euros. Les pays nordiques (Danemark et Finlande notamment), dont les performances scolaires de leurs élèves ne sont plus à démontrer (excellents résultats aux enquêtes PISA évaluant les savoirs acquis au cours de la scolarité obligatoire) sont également les pays les mieux équipés en outils numériques. Si les systèmes éducatifs scandinaves présentent de fortes différences avec le système éducatif français, il semble malgré tout nécessaire de s’en inspirer. La Finlande a, par exemple, parfaitement su résorber le lien entre catégorie sociale et performances scolaires.  ...

La nécessité de faire entrer pleinement le numérique à l’école est d’autant plus importante que certaines catégories de jeunes sont aujourd’hui en marge de ces évolutions. Ce sont souvent les jeunes issus de milieux défavorisés qui n’utilisent pas Internet à leur domicile. Il existe en effet en France une très forte corrélation entre le milieu dont est issu l’élève et ses performances scolaires. Le numérique peut être un formidable moyen de lutter contre ces inégalités en proposant aux élèves des exercices adaptés au niveau de chaque élève.

Ainsi, la Corée du Sud a développé depuis 2004 un service d’apprentissage en ligne, le Cyber Home Learning System, proposant aux élèves coréens (1,6 millions d’utilisateurs de cette plateforme) des exercices en ligne personnalisés, corrigés par des « cyber teachers » ainsi qu’une évaluation des performances. Une enquête destinée à évaluer l’opinion des utilisateurs du service révèle une croissance accrue de la motivation des élèves, un intérêt croissant pour les matières étudiées ainsi qu’une plus grande confiance en soi.

L’entrée du numérique à l’école semble bien indispensable, mais elle ne pourra se faire qu’avec la participation du corps enseignant qui doit alors impérativement être formé à ces nouveaux outils. En France, seuls les enseignants récemment diplômés disposent d’un « Certificat Informatique et Internet de niveau 2 » (C2i), formation à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication au sein de l’enseignement. Ce certificat, généralisé en 2007, deviendra obligatoire à partir de 2012 pour tous les étudiants désirant atteindre le poste de « fonctionnaire stagiaire ». En Corée du Sud, des formations en ligne obligatoires et facultatives sont proposées aux enseignants. Le Royaume-Uni préfère un système de récompenses des enseignants utilisant les TIC en cours.

Si la question de la nécessité de faire entrer le numérique à l’école n’est plus à poser, celle du financement reste encore en suspens. En effet, selon les mots de Jean-Michel Fourgous, député des Yvelines et chargé de la rédaction d’un rapport sur l’école numérique en 2010 : « Quand on va dans cette cour-là, il ne faut pas y aller avec 10 millions d’euros ». Reste à savoir combien l’Éducation nationale est prête à investir pour rattraper son retard par rapport aux pays européens les plus en avance dans le développement des technologies de l’information et de la communication à l’école.


par An@é samedi 25 juin 2011
educavox.fr

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