Le Printemps arabe est déjà affaire du passé pour les Tunisiens, mais les défis postrévolution que doit relever la population sont nombreux
Depuis les événements, l’industrie touristique vit une période difficile.
«Bienvenue dans la Tunisie nouvelle!» lance-t-on à qui veut bien l’entendre dans les rues du pays de la Révolution du jasmin. La «Tunisie nouvelle», c’est cette Tunisie débarrassée du gouvernement corrompu de Ben Ali, celle dans laquelle on peut désormais parler librement, celle pour laquelle tout est encore possible, selon les Tunisiens.
«Pour nous, c’est comme un rêve : on a retrouvé la liberté de parole. On ne pouvait pas parler de politique avant, mais tout a changé très vite, et aujourd’hui, c’est possible!» explique Néji Gouider, un natif du pays, directeur au Canada de l’Office national du tourisme tunisien, qui est de retour en Tunisie pour la première fois depuis les événements.
«La liberté est dans l’air! s’exclame de son côté Heithem Dhaoiadhi, 26 ans, marchand dans un souk de Tunis, quand on lui demande ce qu’il pense de la révolution. Avant, il y avait des policiers dans les rues, je n’aurais pas pu parler comme je le fais présentement, mais maintenant, je n’ai plus peur. J’ai confiance à 100 %, tout est possible depuis que nous avons la liberté.»
Hormis ces commentaires optimistes exprimés par les Tunisiens et à part quelques graffitis à saveur révolutionnaire sur les murs, on ne voit nulle part de trace du Printemps arabe, qui a pourtant été déclenché par la Tunisie. Dans les rues et dans les souks de la capitale, tout semble être revenu à la normale.
C’est surtout en lisant les journaux tunisiens, qui jouissent d’une toute nouvelle liberté de presse, qu’on peut mesurer l’ampleur des changements que vit le pays. Manifestations de travailleurs, création de nouveaux partis politiques, couvre-feu et critiques de l’ancien gouvernement font la une, exposant petit à petit la direction qu’entend prendre la nouvelle Tunisie.
Quel avenir pour la Tunisie? «Le peuple tunisien est prêt à se prendre en main», lance dans un marché touristique de Sousse Bechir Hassine au sujet des élections à venir. Oui, mais d’ici là, le peuple doit se réorganiser et réfléchir à l’avenir qu’il désire: teinté par la religion et ancré dans la tradition ou plutôt laïque, en phase avec la Tunisie moderne qui souhaite des changements? C’est là l’enjeu essentiel sur lequel les Tunisiens, à 90 % musulmans – et à 60 % pratiquants –, doivent s’entendre rapidement.
La date des premières élections libres au pays a fait l’objet de nombreux débats. Elles étaient d’abord prévues pour le 24 juillet, mais la commission électorale a proposé de les repousser au 16 octobre. Cependant, rien n’est encore sûr. Une date de scrutin de compromis pourrait être choisie en septembre. Nouvelle liberté, transparence politique, création d’emplois, meilleures conditions de vie, démocratie… le futur gouvernement devra satisfaire de nombreuses attentes. Jusqu’à maintenant, une cinquantaine de nouveaux partis politiques sont en lice et espèrent contribuer à former l’Assemblée constituante qui devra écrire la nouvelle constitution du pays. Pour le moment, plusieurs observateurs craignent la montée des mouvements islamistes.
La nouvelle Tunisie rêve de se fonder sur des bases solides, mais reste fragile. Au cours des semaines cruciales qui s’en viennent, elle devra décider de son avenir, et c’est alors seulement qu’on saura si elle a réussi ou non sa révolution. La Tunisie marche aujourd’hui sur un fil, et le monde arabe retient son souffle...
Crise politique, crise touristique
Le printemps coïncide habituellement en Tunisie avec l’arrivée massive des touristes. Mais cette année, le Printemps arabe a refroidi les ardeurs des visiteurs. Dans la capitale, Tunis, dans les stations balnéaires et dans les déserts du sud, les Tunisiens attendent impatiemment les touristes… qui arrivent au compte-gouttes.
«Depuis janvier, il n’y a plus personne, assure Bessi, guide à Tamerza, rencontré dans une rue près de l’oasis de montagne habituellement fort achalandée à cette période de l’année. Je crois qu’il faudra attendre quelque temps avant de voir le retour des touristes: les gens ont peur. En attendant, il n’y a pas de travail…»
Même son de cloche à Matmata, chez Fatima, qui fait depuis des années visiter sa maison construite à même la pierre et qui peine présentement à gagner sa vie. Deux des dix millions de Tunisiens vivent directement ou indirectement du tourisme. L’impact que peut représenter une baisse de 60 % des visites, comme c’est le cas présentement, est énorme.
Comme d’autres pays avant elle, la Tunisie est actuellement victime de l’image négative qu’on projette d’elle dans les médias. Le secteur touristique du pays, dont les principales richesses, avec les dattes et les olives, sont la beauté de ses paysages, vit actuellement une panne dramatique. Le tourisme est la colonne vertébrale de notre économie», affirme Ferid Fetni, en insistant sur le fait que le pays doit rapidement travailler à faire revenir les touristes. «L’industrie est prête», assure-t-il.
Les habitants autant que les intervenants du tourisme tunisien vantent donc leur pays et assurent que tout est revenu à la normale. À Montréal, Néji Gouider, directeur au Canada de l’Office national du tourisme tunisien, reste optimiste et parle d’une vaste campagne publicitaire qui sera lancée prochainement à l’international. «Les gens ont besoin d’être informés et sécurisés», croit-il simplement.
VÉRONIQUE LEDUC
Depuis les événements, l’industrie touristique vit une période difficile.
«Bienvenue dans la Tunisie nouvelle!» lance-t-on à qui veut bien l’entendre dans les rues du pays de la Révolution du jasmin. La «Tunisie nouvelle», c’est cette Tunisie débarrassée du gouvernement corrompu de Ben Ali, celle dans laquelle on peut désormais parler librement, celle pour laquelle tout est encore possible, selon les Tunisiens.
«Pour nous, c’est comme un rêve : on a retrouvé la liberté de parole. On ne pouvait pas parler de politique avant, mais tout a changé très vite, et aujourd’hui, c’est possible!» explique Néji Gouider, un natif du pays, directeur au Canada de l’Office national du tourisme tunisien, qui est de retour en Tunisie pour la première fois depuis les événements.
«La liberté est dans l’air! s’exclame de son côté Heithem Dhaoiadhi, 26 ans, marchand dans un souk de Tunis, quand on lui demande ce qu’il pense de la révolution. Avant, il y avait des policiers dans les rues, je n’aurais pas pu parler comme je le fais présentement, mais maintenant, je n’ai plus peur. J’ai confiance à 100 %, tout est possible depuis que nous avons la liberté.»
Hormis ces commentaires optimistes exprimés par les Tunisiens et à part quelques graffitis à saveur révolutionnaire sur les murs, on ne voit nulle part de trace du Printemps arabe, qui a pourtant été déclenché par la Tunisie. Dans les rues et dans les souks de la capitale, tout semble être revenu à la normale.
C’est surtout en lisant les journaux tunisiens, qui jouissent d’une toute nouvelle liberté de presse, qu’on peut mesurer l’ampleur des changements que vit le pays. Manifestations de travailleurs, création de nouveaux partis politiques, couvre-feu et critiques de l’ancien gouvernement font la une, exposant petit à petit la direction qu’entend prendre la nouvelle Tunisie.
Quel avenir pour la Tunisie? «Le peuple tunisien est prêt à se prendre en main», lance dans un marché touristique de Sousse Bechir Hassine au sujet des élections à venir. Oui, mais d’ici là, le peuple doit se réorganiser et réfléchir à l’avenir qu’il désire: teinté par la religion et ancré dans la tradition ou plutôt laïque, en phase avec la Tunisie moderne qui souhaite des changements? C’est là l’enjeu essentiel sur lequel les Tunisiens, à 90 % musulmans – et à 60 % pratiquants –, doivent s’entendre rapidement.
La date des premières élections libres au pays a fait l’objet de nombreux débats. Elles étaient d’abord prévues pour le 24 juillet, mais la commission électorale a proposé de les repousser au 16 octobre. Cependant, rien n’est encore sûr. Une date de scrutin de compromis pourrait être choisie en septembre. Nouvelle liberté, transparence politique, création d’emplois, meilleures conditions de vie, démocratie… le futur gouvernement devra satisfaire de nombreuses attentes. Jusqu’à maintenant, une cinquantaine de nouveaux partis politiques sont en lice et espèrent contribuer à former l’Assemblée constituante qui devra écrire la nouvelle constitution du pays. Pour le moment, plusieurs observateurs craignent la montée des mouvements islamistes.
La nouvelle Tunisie rêve de se fonder sur des bases solides, mais reste fragile. Au cours des semaines cruciales qui s’en viennent, elle devra décider de son avenir, et c’est alors seulement qu’on saura si elle a réussi ou non sa révolution. La Tunisie marche aujourd’hui sur un fil, et le monde arabe retient son souffle...
Crise politique, crise touristique
Le printemps coïncide habituellement en Tunisie avec l’arrivée massive des touristes. Mais cette année, le Printemps arabe a refroidi les ardeurs des visiteurs. Dans la capitale, Tunis, dans les stations balnéaires et dans les déserts du sud, les Tunisiens attendent impatiemment les touristes… qui arrivent au compte-gouttes.
«Depuis janvier, il n’y a plus personne, assure Bessi, guide à Tamerza, rencontré dans une rue près de l’oasis de montagne habituellement fort achalandée à cette période de l’année. Je crois qu’il faudra attendre quelque temps avant de voir le retour des touristes: les gens ont peur. En attendant, il n’y a pas de travail…»
Même son de cloche à Matmata, chez Fatima, qui fait depuis des années visiter sa maison construite à même la pierre et qui peine présentement à gagner sa vie. Deux des dix millions de Tunisiens vivent directement ou indirectement du tourisme. L’impact que peut représenter une baisse de 60 % des visites, comme c’est le cas présentement, est énorme.
Comme d’autres pays avant elle, la Tunisie est actuellement victime de l’image négative qu’on projette d’elle dans les médias. Le secteur touristique du pays, dont les principales richesses, avec les dattes et les olives, sont la beauté de ses paysages, vit actuellement une panne dramatique. Le tourisme est la colonne vertébrale de notre économie», affirme Ferid Fetni, en insistant sur le fait que le pays doit rapidement travailler à faire revenir les touristes. «L’industrie est prête», assure-t-il.
Les habitants autant que les intervenants du tourisme tunisien vantent donc leur pays et assurent que tout est revenu à la normale. À Montréal, Néji Gouider, directeur au Canada de l’Office national du tourisme tunisien, reste optimiste et parle d’une vaste campagne publicitaire qui sera lancée prochainement à l’international. «Les gens ont besoin d’être informés et sécurisés», croit-il simplement.
VÉRONIQUE LEDUC
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