Le mécontentement reste palpable dans le pays, près de 4 mois et demi après le départ de Z. Ben Ali et se matérialise par des sit-in occasionnels et des querelles politiques internes encore profondes qui, s’ils ne viennent pas toujours directement impacter le climat sécuritaire, compromettent fortement une sortie de crise franche et rapide.
De plus, hier le Premier ministre Béji Caïd Essebsi a annoncé le report officiel de l’élection initialement prévue le 24 juillet au 23 octobre prochain. La désignation de l’Assemblée constituante chargée de l’élaboration de la nouvelle Constitution tunisienne est de ce fait repoussée pour permettre un scrutin libre et transparent, conforme aux aspirations des Tunisiens. Si cette alternative était évoquée depuis plusieurs semaines déjà, elle ne faisait jusque-là pas l’unanimité au sein du gouvernement et de formations politiques particulièrement fédératrices comme le mouvement islamiste En Nahda ou le Parti Démocrate Progressiste (PDP). Cependant, la commission électorale indépendante a réitéré à plusieurs reprises la nécessité de s’octroyer un délai supplémentaire pour permettre la réunion de l’ensemble des conditions propices au bon déroulement du scrutin, qui a valeur de véritable test dans le processus de transition démocratique tunisien.
Aussi, alors que la première évocation de report avait déclenché une certaine ferveur parmi la population le mois dernier, il semblerait qu’un certain consensus ait été trouvé autour de cette question - venant considérablement amoindrir le risque de violences. Néanmoins, des voix dissidentes se font entendre et la probabilité que la Tunisie connaisse de nouvelles périodes de troubles jusqu’au mois d’octobre est réelle. Il convient donc de s’attendre à court terme à de nouveaux appels à manifester qui, s’ils seront probablement peu suivis, sont susceptibles d’être particulièrement violents.
Le paysage politique actuel qui se construit contraste par conséquent fortement avec l’ère du parti unique de Ben Ali, désormais révolue. En effet, à l’heure actuelle près d’une centaine de partis politiques ont déposé une demande de visa – dont plus de la moitié ont d’ores et déjà été acceptées– et des changements profonds se sont amorcés dans cette Tunisie postrévolutionnaire, au sein de laquelle l’effervescence est réelle.
Pour autant, les citoyens ne sont pas totalement satisfaits de la situation qui se dessine et restent particulièrement vigilants quant aux principaux points sensibles de la transition et notamment quant au consensus relatif à l’exclusion de la candidature d’anciens membres du RCD aux prochaines élections et à l’élaboration de la charte nationale qui définit le cadre de l’action de l’assemblée constituante par rapport aux acquis du processus de réforme. Une partie de la population se montre dubitative et l’impatience se manifeste face à des changements qui ne se concrétisent pas aussi rapidement qu’espéré et au règlement de certaines questions passées – tel que le jugement des collaborateurs du Président déchu – qui tarde à se matérialiser.
Aussi, pendant longtemps, les manifestations – bien que principalement circonscrites à la capitale – restaient encore nombreuses et significatives d’un retour à la normale qui peine à s’établir. La place de la Kasbah à Tunis a été le lieu de convergence de différents groupes protestataires venus de plusieurs régions du pays et porteurs de revendications hétéroclites.
Les événements qui se sont déroulés sur plusieurs jours au début du mois de mai viennent attester de cette précarité du climat socio-politique, puisque des mouvements de foule ont été signalés avenue Bourguiba, dans le quartier des ambassades de Tunis. Les forces de sécurité ont à cette occasion fait usage de la force et les autorités décidé de la réinstauration provisoire d’un couvre- feu – depuis levé. Ces déroulements, initiés par des rumeurs, mettent en exergue le fait que les Tunisiens n’ont vraisemblablement pas encore accordé leur confiance aux médias officiels et que l’impact des informations relayées par les plateformes internet est considérable et peut s’avérer particulièrement néfaste pour la stabilité du pays.
Pour preuve, le ministre des Affaires sociales a été contraint de s’adresser au peuple 100 jours après la mise en place du gouvernement à travers une conférence de presse, alors qu’en parallèle se tenait un sit-in au pied du siège de son ministère, expliquant à cette dernière les limites de l’action d’un gouvernement de transition – dont la définition renvoie par essence à la mise en place de solutions d’urgence alternatives. Les risques de débordement, s’ils sont réels restent tout de même limités et une certaine accalmie sociale est perceptible depuis le retour de Beji Caïd Essebsi ; une stabilité relative très majoritairement due à la prise de conscience d’une grande partie des Tunisiens que le pays peut – en cas de prolongation de la période de troubles et de violences – s’installer dans un état de guerre aux antipodes de leur aspirations démocratiques et libertaires.
Par le Bureau Veille et Analyse Risque Pays
http://www.armees.com/Point-de-situation-Tunisie,43490.html
Publié le 10 juin 2011
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