samedi 11 juin 2011

Télévision à la une - L'espace, champ de bataille

Le sujet est passionnant, bien documenté et aurait mérité un traitement moins convenu. C'est l'espace peuplé de satellites (plus de 1000 sont en orbite) qui se retrouve ici sous la loupe du documentariste. Indispensables pour la météo, les cellulaires, le GPS, pour maîtriser le trafic aérien, utiliser les guichets automatiques, etc., sans eux, nos sociétés seraient désormais paralysées.

Les nouveaux besoins de consommation empêchent tout retour en arrière — supprimez les satellites, le monde moderne s'écroulera —, mais il y a plus et pire.

Les États-Unis possèdent la moitié de ces satellites, devenus également les yeux de la surveillance planétaire, et bien entendu des armes militaires en suspension, avec les fameux boucliers antimissiles, parapluie, dit-on ici, pour assurer à nos gros voisins la mainmise sur l'espace. La science-fiction n'appartient plus au registre du fantastique, mais au contrôle planétaire de patrouille et d'arsenal du futur. L'Empire américain, qui a compris les enjeux cruciaux avant tout le monde, ne lâchera pas le morceau, et pour cause. Mais 45 nations sont concernées. Depuis la première guerre du Golfe, cette technologie est en hausse. En mars 2003, 70 % des missions lancées sur Bagdad étaient lancées par satellite. Aujourd'hui, c'est l'ensemble des missiles qui sont téléguidés de l'espace.


Cinq ans d'enquête
La militarisation de l'espace est au coeur du film, fruit de cinq ans d'enquête de Denis Delestrac, un journaliste et documentariste français. Delestrac a découvert l'ampleur du phénomène au lendemain du 11-Septembre en discutant avec Noam Chomsky (qui témoigne dans Pax americana). Il a eu accès au Pentagone, a pu filmer dans une salle de contrôle satellite de l'US Air Force Space Command à Colorado Springs.

Ses sources, militaires, scientifiques, proviennent également de militants pacifistes en alerte, tel l'acteur américain Martin Sheen, qui croit que tout ira de mal en pis et ne laisse guère planer d'espoir sur notre planète cul par-dessus tête.

Une cinquantaine d'entretiens, des images d'archives, un travail sur ordinateur, un historique du demi-siècle de conquête de l'espace — c'est Wernher von Braun, un ancien officier nazi devenu dirigeant de la NASA entre 1958 et 1972, qui mit les États-Unis sur la piste de la conquête spatiale —, les données ne manquent pas. La mise en scène, très didactique et souvent lourde, ne réinvente rien, mais le propos fascine et terrifie.

Débris dans l'espace
On y découvre, entre autres choses, que l'explosion de satellites laisse des débris en rotation dans l'espace qui empêcheront dans un avenir pas si lointain tout envoi de fusées, bientôt bombardées et déchiquetées par ces matériaux lâchés en fous dans le firmament. En attendant, la Chine, notamment, participe au complexe militaro-spatial, et les prochains affrontements aux sommets entre géants politiques pourraient bien se dérouler au-dessus de nos têtes. Le cinéaste envisage une vraie «arsenalisation» de l'espace. Aux fameux boucliers antimissiles, les États-Unis peuvent adjoindre des ogives nucléaires, et la Chine, les détruire dare-dare.

Un nouveau document alarmiste, voire apocalyptique, sur la guerre des étoiles?

Plus certainement une menace réelle, sous la domination du géant américain dont les visées hégémoniques, en tentant de maîtriser ou d'éliminer la concurrence en ces hautes sphères, donnent froid dans le dos.

Pax americana apporte de l'eau au moulin de ceux qui imaginent les pires scénarios catastrophe pour notre planète en péril. Aux autres, le film confère de quoi cogiter avant l'explosion finale. Boum! Adieu, les amis!

Pax americana : la militarisation de l'espace
Présenté dans le cadre de Zone Doc
Radio-Canada, vendredi 17 juin à 21h 

Odile Tremblay 11 juin 2011     
ledevoir.com

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