mercredi 22 juin 2011

Vancouver: après les émeutes, les réseaux sociaux livrent leur pire côté

«Les crimes anonymes à l'ère du 2.0? C'est fini!», annonce un site Web. Près d'une semaine après les émeutes de Vancouver — pour une vulgaire histoire de hockey et de défaite — la Toile s'est mise en mouvement, à l'appel de la police, pour se transformer en immense espace de délation des émeutiers. Une justice populaire, numérique, instantanée, nominative, faisant fi des cadres légaux en place qui inquiète quelques juristes, protecteurs des droits civiques et pourfendeurs des dérives contemporaines. Alors que la jeunesse branchée qui a accepté d'alimenter ce nouveau travers des réseaux sociaux ne semble pas vraiment s'en formaliser.

La narration sociale induite par les nouveaux outils de communication vient-elle de déraper à Vancouver? C'est la question que pose en tout cas dans les pages numériques de la Harvard Business Review, l'éclairante Alexandra Samuel, directrice du Centre des médias sociaux et interactifs de l'Université Emily Carr. «Je suis profondément dérangé de voir avec quel enthousiasme la communauté des réseaux sociaux a adopté un nouveau rôle, écrit-elle dans une analyse du traumatisme vancouvérois: pas dans l'observation, pas dans le journalisme citoyen, mais plutôt dans la surveillance civique».

On arrête et on remonte un peu. Le 15 juin dernier, Vancouver vibre au temps de la coupe Stanley et de la déprime après le blanchissage des Canucks — son équipe de hockey — en finale face aux Bruins de Boston — les méchants. L'humiliation a deux chiffres: 4 et 0. La suite est alors prévisible: pendant 3 heures, des milliers de fans aigris prennent le contrôle du centre-ville. Il y a de la colère, des larmes, de l'alcool, 150 blessés, des centaines d'arrestations, des commerces, du mobilier urbain et des voitures de police mis à sac. Il y a aussi des milliers humains branchés, carburant au iPhone et au narcissisme 2.0, qui filment le tout et diffusent les images sur les réseaux sociaux.

L'émeute tranche avec le caractère zen et plutôt pacifiste de la métropole de l'Ouest. Elle incite aussi plusieurs internautes à riposter par les codes binaires. «Écoutez: les réseaux sociaux devraient permettre d'arrêter tous ces idiots», écrit un adepte de Twitter. «Eh les émeutiers, les réseaux sociaux n'existaient pas en 94 [où un scénario sportif similaire avait donné le même résultat dans la même ville], ajoute un autre. Vous allez vous faire arrêter et je le souhaite». «La gang, en rentrant chez vous, mettez en ligne vos vidéos, poursuit un énième abonné du site de microclavardage. Idée de site web [à mettre en place]: identifions ces épais». En 140 caractères, l'urgence et la spontanéité ne donnent jamais de la grande poésie.

La police de Vancouver, par l'entremise de son compte Twitter, scelle ce projet social en formation en demandant aux témoins des émeutes de lui transmettre photos et vidéos pour permettre d'identifier les malfaiteurs. La réponse est instantanée comme en témoignent les sites web et pages Facebook créés dans les heures qui ont suivi le drame. La délation entre dans le cyberespace. La Vancouver 2001 Riot criminal List ouverte en ligne par de simples citoyens donne le ton. (...)

 
21 juin 2011 21h15
ledevoir.com

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