Il y a quelques mois, M. Gilles Patry, président-directeur général de la Fondation canadienne pour l'innovation (FCI), a souligné l'importance des trois facteurs à la base de l'innovation: un secteur privé viable et prospère guidé par des actions stratégiques en matière de science, de technologie et d'innovation; des universités qui forment des diplômés talentueux; et des chercheurs et travailleurs qui saisissent toutes les occasions pour rendre leur travail plus intelligent et plus créatif.
De prime abord, cela semble assez simple comme concept. Cependant, ce qui est simple n'est pas forcément facile à réaliser, comme cela semble être le cas au Canada. Nous nous classons au 14e rang des 20 pays de l'OCDE en matière de dépenses consacrées par les entreprises à la recherche-développement. Et nous arrivons au dernier rang des 17 pays de l'OCDE quant au nombre de diplômes de doctorat délivrés.
Cette situation est exacerbée par le climat économique actuel. Des pressions sans cesse croissantes s'exercent sur les entreprises pour qu'elles livrent des résultats à très court terme. Pour devenir plus créatives et dynamiques, elles se tournent vers des partenaires externes, en l'occurrence les universités, pour stimuler leur machine à idées.
Du côté des universités, la situation n'est pas très différente non plus. En effet, la réduction des budgets des gouvernements et la baisse des dons aux établissements d'enseignement supérieur encouragent ces derniers à collaborer plus étroitement que jamais avec des entreprises privées pour trouver des moyens de financer leurs recherches.
D'emblée, cela semble un mariage idéal et désiré des deux côtés.
Rupture
La réalité est cependant tout autre, car autant les universités que les entreprises sont frileuses à l'idée de travailler ensemble. Par le passé, les sociétés oeuvrant dans bon nombre de secteurs ont fonctionné selon un modèle monolithique, déposant quantité de brevets et de droits de propriété intellectuelle dans le but de barrer l'accès au marché aux concurrents, tout en cherchant à mettre la main sur les plus grands cerveaux disponibles. De leur côté, les universités trouvaient dans les gouvernements leur meilleure source de fonds et n'avaient donc pas besoin d'élargir leurs relations vers le secteur privé.
Il y a au Canada une rupture dans le continuum de l'innovation; cette discontinuité s'intercale entre l'étape des recherches et l'étape de leur commercialisation. La mise en commun des talents de chaque côté nous permettra de combler ce fossé et de trouver des solutions novatrices pour nous permettre d'aborder avec succès les enjeux sectoriels. La recette consiste à faire travailler des gens intelligents avec des gens intelligents.
Les concepts les plus novateurs ayant l'impact le plus profond ont souvent émané du monde universitaire, parce que les universités canadiennes excellent dans deux choses: la formation d'une main-d'oeuvre très talentueuse et compétente et la conduite des recherches fondamentales de très grande qualité. Le monde de l'entreprise, quant à lui, possède la mentalité et le savoir-faire nécessaires pour commercialiser les nouvelles idées.
Parties de la même chaîne
Par ailleurs, le Canada doit sensibiliser davantage ses futurs innovateurs — c'est-à-dire les étudiants actuels — aux besoins de ceux qui «consomment» les fruits de leur recherche, comme les entreprises, les gouvernements et les organismes sans but lucratif, et modifier le cursus de formation en conséquence. Car c'est en apprenant ce que le secteur privé pense de la recherche et l'impact qu'elle doit avoir sur les revenus et les profits que les étudiants pourront arriver sur le marché du travail bien outillés sur le plan des compétences techniques et des aptitudes en affaires et en communications. Ils seront dès lors des ambassadeurs qui motiveront le secteur privé à investir dans la R et D.
Et lorsque les entreprises réalisent à quel point le partenariat en recherche avancée peut être bénéfique et les aider à joindre la prochaine cohorte de travailleurs compétents, les universités bénéficient en retour de beaucoup plus d'investissements du secteur privé. De plus, ce type de collaboration a pour effet de réduire l'exode des jeunes diplômés vers les États-Unis et l'Europe, où la demande pour nos chercheurs talentueux est insatiable.
L'entreprise et l'université doivent réaliser qu'elles font toutes deux partie de la même chaîne de recherche. En travaillant main dans la main, elles changeront en mieux l'environnement de recherche au Canada.
Citons un exemple de partenariat fécond entre l'université, l'entreprise et le gouvernement annoncé dernièrement à Montréal. Il s'agit de l'ordinateur le plus puissant du Québec, installé à l'École de technologie supérieure et appartenant au CLUMEQ, un consortium dirigé par l'Université McGill et IBM. C'est aussi le deuxième ordinateur au Canada en matière de puissance, qui s'est classé 55e sur la liste des 500 superordinateurs dans le monde. Une telle collaboration n'apportera que des avantages aux chercheurs de Montréal, du Québec et ailleurs au Canada, car elle stimulera la recherche dans de nombreux domaines de pointe tels que la nanotechnologie, la conception de nouveaux médicaments et l'aéronautique.
Cependant, il y reste encore beaucoup de chemin à parcourir au chapitre de la collaboration université-entreprise. Il faut en effet ouvrir davantage de canaux de communications et construire davantage de ponts entre les deux univers pour mettre en place plus de programmes et enrichir la collaboration.
La prospérité et la croissance durables du Canada reposent sur l'existence d'une économie du savoir florissante, et la réalisation de cet objectif passe par un partenariat plus étroit entre l'entreprise et l'université.
***
Rose Goldstein, vice-principale de la recherche et des relations internationales à l'Université McGill, Aftab Mufti, directeur en chef adjoint des affaires scientifiques chez MITACS inc. et Denis Desbiens, vice-président pour le Québec chez IBM Canada ltée
23 juillet 2011
http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/327974/libre-opinion-croissance-dans-l-economie-du-savoir-encore-trop-de-frilosite-entre-entreprises-et-universites
De prime abord, cela semble assez simple comme concept. Cependant, ce qui est simple n'est pas forcément facile à réaliser, comme cela semble être le cas au Canada. Nous nous classons au 14e rang des 20 pays de l'OCDE en matière de dépenses consacrées par les entreprises à la recherche-développement. Et nous arrivons au dernier rang des 17 pays de l'OCDE quant au nombre de diplômes de doctorat délivrés.
Cette situation est exacerbée par le climat économique actuel. Des pressions sans cesse croissantes s'exercent sur les entreprises pour qu'elles livrent des résultats à très court terme. Pour devenir plus créatives et dynamiques, elles se tournent vers des partenaires externes, en l'occurrence les universités, pour stimuler leur machine à idées.
Du côté des universités, la situation n'est pas très différente non plus. En effet, la réduction des budgets des gouvernements et la baisse des dons aux établissements d'enseignement supérieur encouragent ces derniers à collaborer plus étroitement que jamais avec des entreprises privées pour trouver des moyens de financer leurs recherches.
D'emblée, cela semble un mariage idéal et désiré des deux côtés.
Rupture
La réalité est cependant tout autre, car autant les universités que les entreprises sont frileuses à l'idée de travailler ensemble. Par le passé, les sociétés oeuvrant dans bon nombre de secteurs ont fonctionné selon un modèle monolithique, déposant quantité de brevets et de droits de propriété intellectuelle dans le but de barrer l'accès au marché aux concurrents, tout en cherchant à mettre la main sur les plus grands cerveaux disponibles. De leur côté, les universités trouvaient dans les gouvernements leur meilleure source de fonds et n'avaient donc pas besoin d'élargir leurs relations vers le secteur privé.
Il y a au Canada une rupture dans le continuum de l'innovation; cette discontinuité s'intercale entre l'étape des recherches et l'étape de leur commercialisation. La mise en commun des talents de chaque côté nous permettra de combler ce fossé et de trouver des solutions novatrices pour nous permettre d'aborder avec succès les enjeux sectoriels. La recette consiste à faire travailler des gens intelligents avec des gens intelligents.
Les concepts les plus novateurs ayant l'impact le plus profond ont souvent émané du monde universitaire, parce que les universités canadiennes excellent dans deux choses: la formation d'une main-d'oeuvre très talentueuse et compétente et la conduite des recherches fondamentales de très grande qualité. Le monde de l'entreprise, quant à lui, possède la mentalité et le savoir-faire nécessaires pour commercialiser les nouvelles idées.
Parties de la même chaîne
Par ailleurs, le Canada doit sensibiliser davantage ses futurs innovateurs — c'est-à-dire les étudiants actuels — aux besoins de ceux qui «consomment» les fruits de leur recherche, comme les entreprises, les gouvernements et les organismes sans but lucratif, et modifier le cursus de formation en conséquence. Car c'est en apprenant ce que le secteur privé pense de la recherche et l'impact qu'elle doit avoir sur les revenus et les profits que les étudiants pourront arriver sur le marché du travail bien outillés sur le plan des compétences techniques et des aptitudes en affaires et en communications. Ils seront dès lors des ambassadeurs qui motiveront le secteur privé à investir dans la R et D.
Et lorsque les entreprises réalisent à quel point le partenariat en recherche avancée peut être bénéfique et les aider à joindre la prochaine cohorte de travailleurs compétents, les universités bénéficient en retour de beaucoup plus d'investissements du secteur privé. De plus, ce type de collaboration a pour effet de réduire l'exode des jeunes diplômés vers les États-Unis et l'Europe, où la demande pour nos chercheurs talentueux est insatiable.
L'entreprise et l'université doivent réaliser qu'elles font toutes deux partie de la même chaîne de recherche. En travaillant main dans la main, elles changeront en mieux l'environnement de recherche au Canada.
Citons un exemple de partenariat fécond entre l'université, l'entreprise et le gouvernement annoncé dernièrement à Montréal. Il s'agit de l'ordinateur le plus puissant du Québec, installé à l'École de technologie supérieure et appartenant au CLUMEQ, un consortium dirigé par l'Université McGill et IBM. C'est aussi le deuxième ordinateur au Canada en matière de puissance, qui s'est classé 55e sur la liste des 500 superordinateurs dans le monde. Une telle collaboration n'apportera que des avantages aux chercheurs de Montréal, du Québec et ailleurs au Canada, car elle stimulera la recherche dans de nombreux domaines de pointe tels que la nanotechnologie, la conception de nouveaux médicaments et l'aéronautique.
Cependant, il y reste encore beaucoup de chemin à parcourir au chapitre de la collaboration université-entreprise. Il faut en effet ouvrir davantage de canaux de communications et construire davantage de ponts entre les deux univers pour mettre en place plus de programmes et enrichir la collaboration.
La prospérité et la croissance durables du Canada reposent sur l'existence d'une économie du savoir florissante, et la réalisation de cet objectif passe par un partenariat plus étroit entre l'entreprise et l'université.
***
Rose Goldstein, vice-principale de la recherche et des relations internationales à l'Université McGill, Aftab Mufti, directeur en chef adjoint des affaires scientifiques chez MITACS inc. et Denis Desbiens, vice-président pour le Québec chez IBM Canada ltée
23 juillet 2011
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