mardi 26 juillet 2011

Tunisie: qui se soucie des Tunisiens réfugiés en France ?

Environ 600 Tunisiens sont arrivés à Paris, entre février et mars, Aujourd’hui, certains sont repartis souvent fatigués et déçus. D’autres sont restés parce que l’aide au retour volontaire s’est envolée. Et une troisième partie ne veut pas faire marche arrière parce que l’avenir démocratique de la Tunisie ne les intéresse pas. Cinq mois après la révolution du Jasmin, que sont- ils devenus ? Les élections prévues en octobre vont-elles changer la donne pour ceux restés ici ?


Au parc de la Villette, à Pantin, dans des gymnases ou des maisons inoccupées, les Tunisiens se sont d’abord rassemblés. Une action qui a permis aux associations et aux bénévoles de leur venir en aide plus facilement. Vêtements, argent, nourriture, contact, soupe chaude… Pendant quelques les Tunisiens ont reçu un fort soutien et ont pu exprimer leur déception aux micros des dizaines de médias qui s’intéressaient à eux. Aujourd’hui, la lumière s’est éteinte, ils sont moins nombreux et disséminés un peu partout, leur situation ne fait plus parler et pourtant certains sont encore là. « Une partie des Tunisiens est prise en charge par l’association France Terre d’Asile, qui les loge dans des chambres d’hôtel. D’autres sont accueillis dans des centre d’hébergement d’urgence gérés par l’association Aurore. Au total, ils sont entre 300 et 330 Tunisiens », nous explique Pascale Boistarde, adjointe au Maire de Paris en charge de l’intégration des étrangers non communautaires. « Mais cette aide prendra fin le 31 août, parce qu’ensuite, les équipes d’aide doivent tout réaménager pour la trêve hivernale qui débute en octobre. Et puis ce plan d’aide aux Tunisiens revient à 1 million 425 milles euros, on n’a pas les moyens de continuer comme ça, non plus », poursuit-elle. Quant à savoir ce que ces personnes vont devenir après cette date, « ce n’est pas évident de répondre. C’est vrai que la situation est catastrophique mais avec la suppression de 25 % des places d’hébergement décidée il y a peu, il va y avoir près de 5.000 personnes qui vont se retrouver à la rue. La situation dépasse celle des Tunisiens et s’étend à toutes les personnes en difficulté et sans logement », ajoute-t-elle.
Or, pour de multiples raisons, les migrants tunisiens venus à Paris, ne sont pas tous prêts à partir comme ils sont venus. Déjà parce que l’aide financière au retour volontaire a chuté considérablement. La somme versée à ceux qui souhaitaient repartir de l’autre côté de la Méditerranée, était de 2.000 euros par personne, elle a été réduite à 300 euros par l’Office français d’immigration et d’intégration. La mairie de Paris a donc décidé d’ajouter 700 euros supplémentaires pour aider au retour. « Sans ça, la somme était dérisoire, rien que le prix d’un passeur varie entre 500 et 1700euros, alors avec 300 euros, les Tunisiens ne peuvent même pas se rembourser le passeur », explique à StreetGeneration, Sofiane Guiga, président de l’association Génération Jasmin.

Si certains ne peuvent pas quitter la France faute de moyens, d’autres n’ont absolument pas l’intention de partir. Le 23 octobre, les Tunisiens pourront élire une nouvelle assemblée constituante censée établir la deuxième constitution du pays. Mais selon Sofiane Guiga, ils sont loin de se sentir concernés par cet événement. « Ils ne vont pas rentrer pour aller voter. Déjà parce qu’il faut s’inscrire sur les listes électorales au consulat tunisien et que beaucoup n’ont pas de carte consulaire. Et ils ne retourneront pas en Tunisie juste pour s’inscrire», explique-t-il. A ses yeux, ce désintérêt trouve une explication simple. «Il faut comprendre qui sont ces immigrés. Il y a eu des policiers proches du pouvoir qui se sont enfuis par peur des représailles, il y a aussi des prisonniers car quand Ben Ali s’est enfui, il a fait ouvrir deux prisons, beaucoup se sont échappés et ont pris le bateau. L’autre grande partie de ces Tunisiens commerçaient avec la Libye. Ils habitaient dans le désert, et faisaient des va et vient entre la Tunisie et la Libye. Quand les frontières ont été fermées en raison de la guerre, ils se sont retrouvés sans rien. Ce sont eux qui sont partis, ils avaient réussi à amasser de l’argent et ils se sont dits que c’était le moment ou jamais. Mais ce sont les premiers à se sentir concernés par ce qui se passe dans leur pays», ajoute M. Guiga.

La situation vue par l’Association des Tunisiens de France

Pour Rabeh Arfaoui, dirigeant de l’ATF, il y avait «un problème dès le début. Les gens se sont demandés pourquoi des Tunisiens veulent venir en France; et pourquoi obtiennent ils un titre de séjour facilement en Italie et pas en France ?» Beaucoup de « pourquoi » auxquels il trouve des réponses dans «la situation au pays». Ce flux de migrants s’explique par l’espoir d’un «eldorado européen ». Beaucoup ont vu une chance de s’en sortir en Europe et en France. Mais il faut savoir aussi que «lors des manifestations, de nombreuses prisons ont été forcées et il n’y avait pas que des opposants au régime», souligne-t-il.

Bien sûr, tous ne sont pas en cavale, loin de là. La plupart ont quitté le pays parce qu’ils n’avaient « strictement rien là bas ». Le peu d’argent disponible a été investi dans un passeur afin de gagner les côtes italiennes. Mais pour la majorité, la réalité est vite revenue, et beaucoup se sont portés volontaires pour repartir. Le problème vient aussi du fait de leur statut de « sans papiers » les empêche de démarrer les démarches administratives.

Quant aux aides, « elles s’espacent de jour en jour, car ceux qui souhaitent rester ont peur d’être trop encadrés et finissent par se disperser», souligne M. Arfaoui. Il est donc difficile de leur apporter une aide concrète. Il n’est«vraiment pas facile de les aider, et ce soutien ne pourra pas durer indéfiniment», avoue-t-il. Pour lui, la solution est avant tout politique. Evoquant une convention liant la France et la Tunisie depuis 2008 dans laquelle la France s’engage à accepter des Tunisiens pour travailler dans 72 métiers répertoriés, il rappelle que «l’application de cette convention permettrait de résorber un nombre important de sans papiers. Il ne faut pas, non plus, oublier qu’une partie est diplômée, « c’est la seule porte qui ouvrirait de réelles possibilités pour trouver une solution » conclut-il.

Pourtant, l’essentiel reste l’avenir démocratique de la Tunisie. «En moins d’un mois en Tunisie, des jeunes et des moins jeunes, des hommes et des femmes se sont soulevés, se sont battus et ont osé affronter les mains nues une dictature féroce et l’ont faite tomber. Tout ça pour qu’ils puissent vivre libres, jouir de la liberté, de la dignité, de la justice sociale […] Et nous y sommes. Le 23 octobre nous pouvons peut être mettre l’une des pierres essentielles pour pouvoir réaliser cela.[….]. Mais il faut s’inscrire et voter massivement pour que ni les partisans de l’ancien régime, ni les ennemis de la démocratie ne puissent passer. C’est dans le nombre que nous pouvons isoler ces gens là», rappelle M.Arfaoui.
Clémentine Athanasiadis et Arnaud Malassé
26 juillet 2011    

ITW Pierre Henry pour Streetgeneration par streetgeneration


http://streetgeneration.fr/news/breves/49088/tunisie-qui-se-soucie-des-tunisiens-refugies-en-france/

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