Dans un marché de plus en plus régionalisé et mondialisé, les entreprises du sud de la Méditerranée s'efforcent de retenir et de fidéliser les cerveaux, contribuant ainsi à une augmentation des salaires des managers et à la diffusion d'outils de motivation pour les postes d'encadrement. Mais elles doivent aussi répondre aux revendications salariales de la base.
ÉGYPTE/TUNISIE/ALGÉRIE/MAROC. Réalisée par le cabinet de conseil en ressources humaines Paymed Consulting pour le compte du groupe Mercer, une étude tente de comparer les modes et les niveaux de rémunération de quatre pays de la rive sud de la Méditerranée : le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et l’Égypte. Entretien avec Haykel Barbouch, directeur général de Paymed Consulting et responsable de l’étude.
En matière de ressources humaines, les pays du sud de la Méditerranée sont-ils homogènes ?
Structurellement, qu’elles soient égyptiennes, tunisiennes, algériennes ou marocaines, les entreprises font face au même problème : comment attirer les talents quand, dans ces pays, les profils les plus recherchés s’exilent volontiers en Amérique du Nord, en Europe ou dans le Golfe, où ils se voient proposer des conditions de travail généralement plus intéressantes ?
En Égypte, grâce à la présence d'agences de direction régionale, les salaires sont plutôt bons mais l’inflation mine le pouvoir d'achat (11,09 % en 2011). Les entreprises éprouvent des difficultés à recruter car les meilleurs Égyptiens travaillent en Arabie saoudite, au Qatar ou aux Émirats arabes unis. Dans les entreprises, le turn-over trop élevé illustre la volonté des salariés de trouver un contrat à l’étranger dès que l'occasion s'en présente.
De quels leviers disposent les entreprises ?
Dans un marché désormais mondialisé, certaines n’hésitent pas à payer le prix fort pour recruter des dirigeants diplômés et expérimentés. Ainsi, au Maroc, important centre de décision régional où sont implantées de nombreuses multinationales, pour l’essentiel à Tanger et Casablanca, le niveau de rémunération des dirigeants avoisine celui de leurs homologues européens. En tenant compte de la différence du coût de la vie, le pouvoir d’achat des managers marocains est plus élevé que celui de leurs confrères espagnols ou italiens.
Par ailleurs, les entreprises cherchent à faire adhérer le salarié au projet de l’entreprise. Traditionnellement, nous observions au Maghreb et en Égypte une prédominance dans la rémunération du salaire de base et une faiblesse des outils de motivation. Pour des raisons culturelles et techniques, les entreprises rémunéraient ainsi plus l’ancienneté et la compétence a priori que le potentiel ou la performance. Mais, sous l’influence des filiales de groupes internationaux, la partie variable tend à prendre de l’importance, surtout au Maroc et en Égypte où la culture syndicale est moins ancrée qu’en Algérie ou en Tunisie.
Lire le rapport (en anglais)africa.pdf (919.29 Ko)
Régionalisation du marché des compétences
L'évolution des salaires en Egypte, en Algérie et en Tunisie entre 2009 et 2011 (rapport Paymed Consulting)
Un grand nombre de jeunes dîplomés s'expatrient. (Photo MPV) |
ÉGYPTE/TUNISIE/ALGÉRIE/MAROC. Réalisée par le cabinet de conseil en ressources humaines Paymed Consulting pour le compte du groupe Mercer, une étude tente de comparer les modes et les niveaux de rémunération de quatre pays de la rive sud de la Méditerranée : le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et l’Égypte. Entretien avec Haykel Barbouch, directeur général de Paymed Consulting et responsable de l’étude.
En matière de ressources humaines, les pays du sud de la Méditerranée sont-ils homogènes ?
Structurellement, qu’elles soient égyptiennes, tunisiennes, algériennes ou marocaines, les entreprises font face au même problème : comment attirer les talents quand, dans ces pays, les profils les plus recherchés s’exilent volontiers en Amérique du Nord, en Europe ou dans le Golfe, où ils se voient proposer des conditions de travail généralement plus intéressantes ?
En Égypte, grâce à la présence d'agences de direction régionale, les salaires sont plutôt bons mais l’inflation mine le pouvoir d'achat (11,09 % en 2011). Les entreprises éprouvent des difficultés à recruter car les meilleurs Égyptiens travaillent en Arabie saoudite, au Qatar ou aux Émirats arabes unis. Dans les entreprises, le turn-over trop élevé illustre la volonté des salariés de trouver un contrat à l’étranger dès que l'occasion s'en présente.
De quels leviers disposent les entreprises ?
Dans un marché désormais mondialisé, certaines n’hésitent pas à payer le prix fort pour recruter des dirigeants diplômés et expérimentés. Ainsi, au Maroc, important centre de décision régional où sont implantées de nombreuses multinationales, pour l’essentiel à Tanger et Casablanca, le niveau de rémunération des dirigeants avoisine celui de leurs homologues européens. En tenant compte de la différence du coût de la vie, le pouvoir d’achat des managers marocains est plus élevé que celui de leurs confrères espagnols ou italiens.
Par ailleurs, les entreprises cherchent à faire adhérer le salarié au projet de l’entreprise. Traditionnellement, nous observions au Maghreb et en Égypte une prédominance dans la rémunération du salaire de base et une faiblesse des outils de motivation. Pour des raisons culturelles et techniques, les entreprises rémunéraient ainsi plus l’ancienneté et la compétence a priori que le potentiel ou la performance. Mais, sous l’influence des filiales de groupes internationaux, la partie variable tend à prendre de l’importance, surtout au Maroc et en Égypte où la culture syndicale est moins ancrée qu’en Algérie ou en Tunisie.
Lire le rapport (en anglais)africa.pdf (919.29 Ko)
Régionalisation du marché des compétences
L'évolution des salaires en Egypte, en Algérie et en Tunisie entre 2009 et 2011 (rapport Paymed Consulting)
De quelle manière les bouleversements géopolitiques de ces dix-huit derniers mois ont-ils influé sur les politiques salariales ?
Alors que les écarts de revenus s’accroissaient, comme au Maroc et en Égypte, les renversements de régimes ont favorisé une revalorisation des salaires les plus bas. En Tunisie, les syndicats sont sortis renforcés de la chute de Ben Ali et le souci de l’équité interne l’emporte actuellement sur celui de la compétitivité externe. En Algérie, le pouvoir a acheté la paix sociale en augmentant fortement ses fonctionnaires, poussant les entreprises du secteur privé à revoir leurs stratégies de rémunération.
Le Printemps arabe a montré qu’il existait un monde arabe. Celui-ci existe-t-il aussi au niveau du marché du travail ?
Nous assistons en effet à une régionalisation du marché des compétences. De nombreux polytechniciens tunisiens travaillent au Maroc. Des Égyptiens, des Tunisiens et des Marocains pallient en Algérie la carence des compétences locales. Et nous constatons que de plus en plus de Maghrébins émigrent dans les pays du Golfe.
Par contre, cette ouverture s’accompagne d’une métropolisation des compétences, qui se concentrent autour des grands pôles urbains. Les équipementiers automobiles tunisiens et les cimentiers algériens situés en dehors des grandes villes éprouvent ainsi le plus grand mal à recruter.
Mathieu Bouchard
Jeudi 10 Mai 2012
http://www.econostrum.info/Les-entreprises-du-Sud-confrontees-au-deficit-de-competences_a10257.html
Alors que les écarts de revenus s’accroissaient, comme au Maroc et en Égypte, les renversements de régimes ont favorisé une revalorisation des salaires les plus bas. En Tunisie, les syndicats sont sortis renforcés de la chute de Ben Ali et le souci de l’équité interne l’emporte actuellement sur celui de la compétitivité externe. En Algérie, le pouvoir a acheté la paix sociale en augmentant fortement ses fonctionnaires, poussant les entreprises du secteur privé à revoir leurs stratégies de rémunération.
Le Printemps arabe a montré qu’il existait un monde arabe. Celui-ci existe-t-il aussi au niveau du marché du travail ?
Nous assistons en effet à une régionalisation du marché des compétences. De nombreux polytechniciens tunisiens travaillent au Maroc. Des Égyptiens, des Tunisiens et des Marocains pallient en Algérie la carence des compétences locales. Et nous constatons que de plus en plus de Maghrébins émigrent dans les pays du Golfe.
Par contre, cette ouverture s’accompagne d’une métropolisation des compétences, qui se concentrent autour des grands pôles urbains. Les équipementiers automobiles tunisiens et les cimentiers algériens situés en dehors des grandes villes éprouvent ainsi le plus grand mal à recruter.
Mathieu Bouchard
Jeudi 10 Mai 2012
http://www.econostrum.info/Les-entreprises-du-Sud-confrontees-au-deficit-de-competences_a10257.html
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