Les ressources pédagogiques utilisées dans les cours sont l’un des coeurs de l’enseignement, correspondant à des démarches et des conceptions d’apprentissage.
Il y a les ressources que se procurent les enseignants. Éditées à des fins explicitement pédagogiques ou matériaux bruts non conçus initialement pour des usages scolaires, mais y trouvant naturellement leur place, comme une oeuvre musicale ou une reproduction de tableau. Leurs modèles économiques et leurs modalités de propriété intellectuelle, vis-à-vis de l’institution éducative sont nécessairement distincts.
Il y a aussi les ressources produites par les enseignants eux-mêmes, aujourd’hui dans le contexte radicalement nouveau issu de l’omniprésence de l’ordinateur et d’Internet, à des échelles dont les ordres de grandeur sont sensiblement différents de ceux de l’ère du pré-numérique. Elles sont élaborées dans des processus collaboratifs qui appellent nécessairement des réponses en termes de droits d’auteur de nature à permettre et favoriser l’échange par une circulation fluide des documents.
La problématique juridique est vaste. Nous examinerons les licences de logiciels et de ressources libres – certains points qui font débat comme la sécurité juridique, considération importante pour les établissements scolaires. En effet, elles éclairent et illustrent la situation nouvelle et irréversible créée par l’irruption du numérique dans les processus de création de biens informationnels et la place de ceux-ci, sans cesse croissante, relativement et en valeur absolue. Nous poserons la question de l’exception pédagogique, en relation avec les missions de l’École et l’exercice concret du métier d’enseignant, au temps nouveau du numérique.
Un modèle français
Les ressources pédagogiques, au premier rang desquelles les manuels scolaires, mais aussi la banale préparation de cours, l’article ou la photographie « sur laquelle on est tombé »... ont toujours joué un rôle important dans l’exercice du métier d’enseignant, variable selon les disciplines.
Comme support de cours bien sûr, mais aussi comme vecteur de mise en oeuvre de nouveaux programmes ou support de formation (derrière un scénario pédagogique, il y a toujours une pratique professionnelle). Il existe un modèle français de l’édition scolaire dont la figure centrale, le manuel des élèves, relève pour l’essentiel du secteur privé. Ce modèle a acquis ses lettres de noblesse et fait ses preuves depuis deux siècles. L’histoire de l’édition scolaire en France est l’histoire des relations entre trois acteurs majeurs, l’État, les éditeurs et les auteurs – des enseignants et des inspecteurs – et de leurs rapports de force mouvants, dans lesquels il arrive que la technique intervienne. Ainsi, à partir de 1811, un auteur ne peut plus soumettre directement à l’État un manuscrit sous prétexte, parmi d’autres raisons, que son examen est long et difficile.
Une proposition de manuel doit être obligatoirement communiquée sous forme d’imprimé. L’éditeur devient, de fait, incontournable.
Depuis une quarantaine d’années, les manuels scolaires se sont profondément transformés. L’iconographie occupe jusqu’à 50 % de la surface. L’ouvrage permet des lectures plurielles et des usages multiples, qui préfigurent ceux de l’hypermédia.
Il n’y a plus de cours en tant que tel... Le résultat combiné de cette complexité croissante des manuels, de la concurrence des méthodes actives et de la souplesse de la photocopie est sans appel : on constate depuis les années quatre-vingt une tendance à la perte de vitesse de l’utilisation du manuel traditionnel, même si l’attachement symbolique demeure [1]. L’enfant chéri de l’édition scolaire connaît une forme de crise...
Une rupture
... et le numérique arrive dans ce contexte. Rude concurrent !
En effet, le manuel scolaire, ce livre d’une centaine de pages, qu’on ne lit plus d’une façon linéaire mais dans lequel on navigue avec des index et des renvois, ce livre ne saurait rivaliser avec Internet et le multimédia, leurs hyperliens, leurs millions de pages et leurs outils de recherche automatisée. Le livre n’est désormais plus « l’enfant unique ».
Plus généralement, le numérique transforme radicalement le paysage éditorial installé. Certes, les enseignants ont toujours réalisé des documents à l’intention de leurs élèves, en préparant leurs cours. Jusqu’à l’arrivée de l’ordinateur et d’Internet, une élaboration collaborative avec des collègues et la visibilité des ressources produites ne pouvaient aller au-delà d’un cercle restreint et rapproché. Modifier un document écrit à la main était et demeure une opération lourde, qui plus est quand il circule et que chacun y met sa griffe. Dans les années 70 encore, les photocopieuses étaient rarissimes, les machines à alcool fastidieuses à utiliser.
Des échanges sur une plus grande échelle supposaient de mettre en forme des notes manuscrites, et la machine à écrire manquait de souplesse, ne tolérant pas vraiment les fautes de frappe. Le manuel scolaire était alors la seule perspective pour une diffusion élargie, l’éditeur le passage obligé, et on lui accordait d’autant plus facilement des droits sur la fabrication des ouvrages que l’on ne pouvait pas le faire soi-même ! Mais, aujourd’hui, les conditions de la production des ressources pédagogiques, numériques pour une part en augmentation régulière, ont donc radicalement changé, du fait de la banalisation des outils informatiques de réalisation des contenus (du traitement de texte aux logiciels de publication) et d’Internet qui favorise à la fois les productions individuelles et le développement du travail collectif des enseignants, dans leur établissement, ou disséminés sur un vaste territoire, à la manière des programmeurs qui écrivent des logiciels libres.
Il y a une transférabilité de l’approche du libre, des logiciels à la réalisation des autres biens immatériels. Internet permet aux auteurs de toucher un vaste public potentiel qui peut aisément reproduire leurs documents, les utiliser, les modifier... La profusion des ressources éducatives que l’on peut consulter sur Internet est là pour en témoigner. En nombre, les enseignants auteurs-utilisateurs sont devenus un acteur autonome à part entière de l’édition scolaire. On peut, pour le moins, parler de turbulences dans le secteur [2]. ...
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