La Fédération des Conseils de Parents d'Elèves (FCPE) et l'Institut coopératif de l'école moderne (Icem-Pégagogie Freinet) ont lancé le 26 mars une "quinzaine sans devoirs" à la maison.
L'utilité des exercices écrits, théoriquement interdits au primaire depuis 1956, "n'a jamais été prouvée", expliquent les initiateurs de cette campagne relayée par un blog. Les devoirs du soir relèvent selon eux de la "sous-traitance pédagogique" aux familles et "ne font qu’accentuer les inégalités entre les enfants selon qu’ils peuvent ou non bénéficier d’aide à la maison". Président de la FCPE, Jean-Jacques Hazan nous explique les fondements de cette initiative. De son côté, Valérie Marty, présidente de l'autre grande fédération des parents d'élèves de l'enseignement public, la PEEP, estime que la question des devoirs n'est pas première dans la lutte contre les inégalités et nous donne son éclairage sur ce débat récurrent.
"On ne peut pas demander à la famille de faire de la sous-traitance sur injonction de l'école"
Jean-Jacques Hazan, président de la Fédération des Conseils de Parents d'Elèves, FCPE
"Il n'y a qu'en intégrant le travail dans le temps de l'école qu'on pourra éviter de creuser les inégalités. Luc Chatel a lancé en 2010 une Conférence nationale sur les rythmes scolaires. Le constat était clair sur les réformes nécessaires des conditions d'apprentissage des élèves. Mais rien n'a bougé.
Les études encadrées n'empêchent pas le temps passé sur les devoirs à la maison. Concrètement, les devoirs ne se limitent pas à de petites choses, à la relecture d'une leçon... Il y a des enfants qui y passent 45 minutes chaque soir. Et qui n'y arrivent pas. Pour peu qu'on dise à l'enfant que l'exercice est facile, mais que lui ne sache pas par quel bout le prendre et que ses parents ne sachent pas comment l'aider, alors tout le monde se sent dévalorisé.
Si on veut que ceux qui ont des difficultés s'en sortent, il faut faire revenir les parents dans la boucle, mais pas par un biais qui met tout le monde sous pression. On ne peut pas demander à la famille de faire de la sous-traitance sur injonction de l'école. A la maison, il faudrait pouvoir faire autre chose. Pas s'escrimer sur le livre de lecture, mais ouvrir ensemble un livre choisi. Évoquer les nouvelles choses apprises en classe, comprendre leur implication dans la vie réelle... Ça ne va pas de soi dans toutes les familles. Les enseignants pourraient accompagner les parents dans ce sens et leur expliquer comment faire. Dans les familles qui ont besoin de soutien, il faut privilégier non pas l'aide aux devoirs, mais l'accompagnement éducatif qui lève la pression et montre à l'enfant qu'on peut apprendre sans souffrir.
Avec l'Institut coopératif de l'école moderne (Icem-Pégagogie Freinet), nous posons la question globalement. Nous mettons l'accent sur le primaire pour battre en brèche le désamour de l'école. Mais au collège, la question est cruciale et les inégalités s'accentuent encore davantage. Il est reproché aux collégiens en échec de ne pas travailler assez à la maison. Quand il faut s'occuper du petit frère en attendant le retour des parents, que l'on n'a pas de chambre pour travailler au calme, comment fait-on? Il faut promouvoir des pédagogies qui ne passent pas par la souffrance. Le travail doit pouvoir se faire en classe et en groupe, supervisé par des professeurs. Il faut mettre les élèves en action, plutôt que leur demander d'être des auditeurs figés et de gérer la pratique dans leur coin. C'est pour entrer dans cette logique que nous demandons des effectifs, davantage de profs. C'est un autre rapport à l'apprentissage qu'il faut mettre en route."
"Bien plus que des devoirs, l'inégalité entre les élèves vient d'un contexte plus large"
Valérie Marty, présidente de la fédération des parents d'élèves de l'enseignement public,PEEP
"La proposition de supprimer les devoirs à la maison ne correspond pas à la réalité. Que se passe-t-il sur le terrain? En grande majorité, les deux parents travaillent. Le maillage des études encadrées financées par la municipalité est serré. Au moins dans l'heure qui suit la fin de l'école, la majorité des enfants ne sont donc pas seuls à la maison, mais dans un cadre péri-scolaire. Il faut que les devoirs soient brefs. En général, au primaire, les enfants y passent 15 minutes. C'est suffisant. Mais comment les occuper intelligemment pendant les 45 minutes restantes? Des acteurs du secteur, à commencer par les municipalités commencent à se dire qu'il serait bénéfique d'apprendre aux enfants à apprendre, de les aider à être autonomes dans leur travail. C'est une des différences majeures entre les enfants bien accompagnés par leurs familles et ceux qui ne le sont pas : savoir que l'on ne fait pas ses devoirs devant la télé, qu'il convient de s'asseoir, dans un endroit calme, seul. Ou que pour apprendre, ça peut aider d'écrire des mots, ou bien de la lire à haute voix. Les enfants à qui personne ne l'a jamais dit sont pénalisés. Aujourd'hui la méthodologie est enseignée en accompagnement personnalisé au lycée. On gagnerait à l'enseigner dès le primaire.
L'inégalité entre les élèves vient aussi, bien plus que des devoirs, d'un contexte plus large. Les familles qui aident aux devoirs développent en général tout un environnement culturel : lecture d'une histoire le soir, discussions, visites de lieux... Ces parents-là continueront à accompagner de cette manière leurs enfants et qu'on le veuille ou non, un écart persistera avec ceux qui n'en bénéficient pas. La différence ne se fait pas sur trois petits exercices mais sur tout un environnement. Pour lutter contre les inégalités, commençons par faire entrer les parents dans les écoles, dès la maternelle.
En cela, les devoirs peuvent malgré tout assurer un lien minimum entre l'école et les parents. De plus en plus d'enseignants donnent un petit devoir à faire le week-end pour le lundi. Quelque chose de simple, comme relire une leçon d'histoire... C'est aussi une façon d'inciter les parents qui n'iraient jamais ouvrir le cahier en semaine à jeter un œil et à se sentir concernés par ce que l'enfant fait à l'école."
Constance de Buor - publié le 27/03/2012
http://www.lavie.fr/actualite/societe/ecole-faut-il-supprimer-les-devoirs-a-la-maison-27-03-2012-25802_7.php
L'utilité des exercices écrits, théoriquement interdits au primaire depuis 1956, "n'a jamais été prouvée", expliquent les initiateurs de cette campagne relayée par un blog. Les devoirs du soir relèvent selon eux de la "sous-traitance pédagogique" aux familles et "ne font qu’accentuer les inégalités entre les enfants selon qu’ils peuvent ou non bénéficier d’aide à la maison". Président de la FCPE, Jean-Jacques Hazan nous explique les fondements de cette initiative. De son côté, Valérie Marty, présidente de l'autre grande fédération des parents d'élèves de l'enseignement public, la PEEP, estime que la question des devoirs n'est pas première dans la lutte contre les inégalités et nous donne son éclairage sur ce débat récurrent.
"On ne peut pas demander à la famille de faire de la sous-traitance sur injonction de l'école"
Jean-Jacques Hazan, président de la Fédération des Conseils de Parents d'Elèves, FCPE
"Il n'y a qu'en intégrant le travail dans le temps de l'école qu'on pourra éviter de creuser les inégalités. Luc Chatel a lancé en 2010 une Conférence nationale sur les rythmes scolaires. Le constat était clair sur les réformes nécessaires des conditions d'apprentissage des élèves. Mais rien n'a bougé.
Les études encadrées n'empêchent pas le temps passé sur les devoirs à la maison. Concrètement, les devoirs ne se limitent pas à de petites choses, à la relecture d'une leçon... Il y a des enfants qui y passent 45 minutes chaque soir. Et qui n'y arrivent pas. Pour peu qu'on dise à l'enfant que l'exercice est facile, mais que lui ne sache pas par quel bout le prendre et que ses parents ne sachent pas comment l'aider, alors tout le monde se sent dévalorisé.
Si on veut que ceux qui ont des difficultés s'en sortent, il faut faire revenir les parents dans la boucle, mais pas par un biais qui met tout le monde sous pression. On ne peut pas demander à la famille de faire de la sous-traitance sur injonction de l'école. A la maison, il faudrait pouvoir faire autre chose. Pas s'escrimer sur le livre de lecture, mais ouvrir ensemble un livre choisi. Évoquer les nouvelles choses apprises en classe, comprendre leur implication dans la vie réelle... Ça ne va pas de soi dans toutes les familles. Les enseignants pourraient accompagner les parents dans ce sens et leur expliquer comment faire. Dans les familles qui ont besoin de soutien, il faut privilégier non pas l'aide aux devoirs, mais l'accompagnement éducatif qui lève la pression et montre à l'enfant qu'on peut apprendre sans souffrir.
Avec l'Institut coopératif de l'école moderne (Icem-Pégagogie Freinet), nous posons la question globalement. Nous mettons l'accent sur le primaire pour battre en brèche le désamour de l'école. Mais au collège, la question est cruciale et les inégalités s'accentuent encore davantage. Il est reproché aux collégiens en échec de ne pas travailler assez à la maison. Quand il faut s'occuper du petit frère en attendant le retour des parents, que l'on n'a pas de chambre pour travailler au calme, comment fait-on? Il faut promouvoir des pédagogies qui ne passent pas par la souffrance. Le travail doit pouvoir se faire en classe et en groupe, supervisé par des professeurs. Il faut mettre les élèves en action, plutôt que leur demander d'être des auditeurs figés et de gérer la pratique dans leur coin. C'est pour entrer dans cette logique que nous demandons des effectifs, davantage de profs. C'est un autre rapport à l'apprentissage qu'il faut mettre en route."
"Bien plus que des devoirs, l'inégalité entre les élèves vient d'un contexte plus large"
Valérie Marty, présidente de la fédération des parents d'élèves de l'enseignement public,PEEP
"La proposition de supprimer les devoirs à la maison ne correspond pas à la réalité. Que se passe-t-il sur le terrain? En grande majorité, les deux parents travaillent. Le maillage des études encadrées financées par la municipalité est serré. Au moins dans l'heure qui suit la fin de l'école, la majorité des enfants ne sont donc pas seuls à la maison, mais dans un cadre péri-scolaire. Il faut que les devoirs soient brefs. En général, au primaire, les enfants y passent 15 minutes. C'est suffisant. Mais comment les occuper intelligemment pendant les 45 minutes restantes? Des acteurs du secteur, à commencer par les municipalités commencent à se dire qu'il serait bénéfique d'apprendre aux enfants à apprendre, de les aider à être autonomes dans leur travail. C'est une des différences majeures entre les enfants bien accompagnés par leurs familles et ceux qui ne le sont pas : savoir que l'on ne fait pas ses devoirs devant la télé, qu'il convient de s'asseoir, dans un endroit calme, seul. Ou que pour apprendre, ça peut aider d'écrire des mots, ou bien de la lire à haute voix. Les enfants à qui personne ne l'a jamais dit sont pénalisés. Aujourd'hui la méthodologie est enseignée en accompagnement personnalisé au lycée. On gagnerait à l'enseigner dès le primaire.
L'inégalité entre les élèves vient aussi, bien plus que des devoirs, d'un contexte plus large. Les familles qui aident aux devoirs développent en général tout un environnement culturel : lecture d'une histoire le soir, discussions, visites de lieux... Ces parents-là continueront à accompagner de cette manière leurs enfants et qu'on le veuille ou non, un écart persistera avec ceux qui n'en bénéficient pas. La différence ne se fait pas sur trois petits exercices mais sur tout un environnement. Pour lutter contre les inégalités, commençons par faire entrer les parents dans les écoles, dès la maternelle.
En cela, les devoirs peuvent malgré tout assurer un lien minimum entre l'école et les parents. De plus en plus d'enseignants donnent un petit devoir à faire le week-end pour le lundi. Quelque chose de simple, comme relire une leçon d'histoire... C'est aussi une façon d'inciter les parents qui n'iraient jamais ouvrir le cahier en semaine à jeter un œil et à se sentir concernés par ce que l'enfant fait à l'école."
Constance de Buor - publié le 27/03/2012
http://www.lavie.fr/actualite/societe/ecole-faut-il-supprimer-les-devoirs-a-la-maison-27-03-2012-25802_7.php
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