LE CERCLE. (par Jean-Marc Lazzari) - «Made in France». S’il existe quelques variantes dans la formulation, la plupart de nos leaders politiques se sont emparés de ce thème pour affirmer leur volonté de donner des forces au tissu industriel français et à notre économie. Il s'agit d’un argument central dans le contexte de la crise mais aussi dans celui du rayonnement de la France et de son attrait pour les investisseurs étrangers.
Au-delà de l’intention à laquelle chacun adhère, cette précieuse dynamique incarnée par le « made in France » ne pourra être réellement développée que sur la base d’un positionnement innovant fort, reconnu au niveau international. Il n’est pas inutile de rappeler, par exemple, que la France a été championne en matière d’industrie informatique, et qu’aujourd’hui encore ces entreprises d’ingénierie et d’informatique à la française dominent le marché européen face aux géants mondiaux. Il s’agit d’un patrimoine dont nous pouvons être fiers.
Malgré cela, la France ne parvient pas à se hisser aujourd’hui aux tous premiers rangs des nations innovantes. La France continue d’observer, avec une certaine envie, les extraordinaires foyers d’innovation que sont la Silicon Valley ou Israël, et que sont en train devenir les fameux BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine). Alors comment reproduire ce phénomène ici et faire de la France un centre international d’innovation et de croissance comparable ?
Il y a bien des raisons d’être optimiste et d’espérer en France, malgré les difficultés économiques actuelles. La France a elle aussi ses « champions » du numérique – Vente-privée.com, Meetic, PriceMinister ou Iliad, pour ne citer que les plus connus – et les français restent caractérisés par une forte fibre entrepreneuriale et créative. Mais un certain nombre de conditions font défaut pour permettre à cette énergie entrepreneuriale et cette volonté d’innovation de prendre corps. Des changements de fond doivent être opérés si nous voulons développer une culture de l’innovation et être davantage compétitifs par rapport aux pays que nous aurions tort de continuer à appeler « pays émergents ».
Sept pistes essentielles peuvent être explorées et mises en œuvre pour favoriser ce processus de changement.
1. Éducation. Le nombre d’étudiants attirés par les TIC est en forte baisse, malgré le dynamisme de l’économie des technologies et du numérique et la reconnaissance de l’informatique comme plateforme fondamentale pour la compétitivité. La modernisation de l’enseignement supérieur devrait donner naissance à des partenariats solides avec les entreprises qui participeraient ainsi à son rayonnement et son attractivité.
2. Compétences. Nous avons besoin d’une politique offensive de transmission des savoirs, et de dispositifs de formation continue et de droit individuel à la formation allant vers une utilisation plus efficace des cotisations versées par les entreprises. Ces moyens financiers très importants – 25 à 30 milliards d’euros versés annuellement – pourraient s’articuler plus efficacement avec les politiques de formation et d’apprentissage, afin de faire mieux correspondre les opportunités de formation avec les transformations structurelles de l’économie. La réforme de la formation professionnelle votée en 2009 va dans le sens d’une remise à plat et d’une rationalisation du mille-feuille des organismes de collecte, de redistribution et d’accès à la formation. Cet objectif doit être poursuivi. Les fonds collectés pourraient également être utilisés pour accorder davantage de place à la formation professionnelle à l’école. Dans les entreprises, des stratégies innovantes pourraient être soutenues pour encourager les collaborateurs plus expérimentés à rafraîchir leurs compétences et profiter de ces profils seniors pour former les plus jeunes. Et, entre l’école et les entreprises, des liens plus forts peuvent être tissés, à commencer par la formation en alternance. Les technologies de l’information et les outils « sociaux » facilitent tout cela aujourd’hui. La technologie peut apporter plus de souplesse en termes de choix et d’accès à la formation, plus de personnalisation dans les formations dispensées et plus d’efficacité en matière de valorisation des acquis et des compétences.
3. Ouverture de nos frontières. La procédure de demande de visa et de titre de séjour devrait être assouplie pour les personnes qui contribuent à l’économie de l’innovation. Nombre d’entreprises du secteur des technologies investissent à l’étranger en développant des plateformes de services, par exemple au Maroc, en Inde, aux Philippines, etc. Cette approche, qui répond à la concurrence internationale, est aussi une opportunité d’affirmer le positionnement de « champions » français et de développer le chiffre d’affaires de nombreuses entreprises françaises à l’étranger.
4. Régions. En repensant la distribution, l’articulation et le financement des plateformes régionales de créativité, le gouvernement pourrait contribuer à faire baisser les chiffres du chômage et inverser la fuite des cerveaux vers la région parisienne, voire à l’étranger. La consolidation des partenariats Grandes Ecoles-Universités-Entreprises au niveau régional donnerait une légitimité supplémentaire à ces plateformes. Une politique ciblée favoriserait également le développement du télétravail pour ancrer les populations de manière plus durable dans les territoires et contribuer aux objectifs environnementaux de baisse de CO2.
5. Infrastructure. La France a besoin de se présenter comme un pays favorable à l’innovation en offrant des services de base sur tout son territoire, comme la connexion Wi-Fi gratuite, la connectivité très haut-débit et l’accès à des points de recharge électrique dans les espaces publics. Des opérations de partenariat avec des prestataires technologiques permettraient de rendre ces initiatives abordables.
6. Mettre un visage sur la France de l’Innovation. Pourquoi ne pas considérer la création d’un secrétariat d’Etat, voire d’un ministère consacré à l’innovation ? Il pourrait « doper » les actuels secrétariats d’Etat chargés de l’Industrie et du Travail.
7. Aide au financement. Les avantages fiscaux et aides publiques devraient favoriser davantage le développement des start-ups. C’est un point fondamental qui influence très sensiblement la naissance des sociétés les plus innovantes.
L’innovation est vitale pour le dynamisme de toute économie. Elle est l’une des clés du « made in France » que chacun appelle de ses vœux. Mais l’innovation ne se décrète pas. Elle se pense et s’organise via l’encouragement et la levée des freins financiers, administratifs, mais aussi culturels. Pour les deux premiers, la responsabilité en revient pour majeure partie aux Etats. Pour le dernier, c’est davantage au niveau des individus et des entreprises que l’évolution doit se faire.
28/04/2012 | Jean-Marc Lazzari
http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/recherche-innovation/innovation/221146256/france-innovation-retrouver-leadership
Au-delà de l’intention à laquelle chacun adhère, cette précieuse dynamique incarnée par le « made in France » ne pourra être réellement développée que sur la base d’un positionnement innovant fort, reconnu au niveau international. Il n’est pas inutile de rappeler, par exemple, que la France a été championne en matière d’industrie informatique, et qu’aujourd’hui encore ces entreprises d’ingénierie et d’informatique à la française dominent le marché européen face aux géants mondiaux. Il s’agit d’un patrimoine dont nous pouvons être fiers.
Malgré cela, la France ne parvient pas à se hisser aujourd’hui aux tous premiers rangs des nations innovantes. La France continue d’observer, avec une certaine envie, les extraordinaires foyers d’innovation que sont la Silicon Valley ou Israël, et que sont en train devenir les fameux BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine). Alors comment reproduire ce phénomène ici et faire de la France un centre international d’innovation et de croissance comparable ?
Il y a bien des raisons d’être optimiste et d’espérer en France, malgré les difficultés économiques actuelles. La France a elle aussi ses « champions » du numérique – Vente-privée.com, Meetic, PriceMinister ou Iliad, pour ne citer que les plus connus – et les français restent caractérisés par une forte fibre entrepreneuriale et créative. Mais un certain nombre de conditions font défaut pour permettre à cette énergie entrepreneuriale et cette volonté d’innovation de prendre corps. Des changements de fond doivent être opérés si nous voulons développer une culture de l’innovation et être davantage compétitifs par rapport aux pays que nous aurions tort de continuer à appeler « pays émergents ».
Sept pistes essentielles peuvent être explorées et mises en œuvre pour favoriser ce processus de changement.
1. Éducation. Le nombre d’étudiants attirés par les TIC est en forte baisse, malgré le dynamisme de l’économie des technologies et du numérique et la reconnaissance de l’informatique comme plateforme fondamentale pour la compétitivité. La modernisation de l’enseignement supérieur devrait donner naissance à des partenariats solides avec les entreprises qui participeraient ainsi à son rayonnement et son attractivité.
2. Compétences. Nous avons besoin d’une politique offensive de transmission des savoirs, et de dispositifs de formation continue et de droit individuel à la formation allant vers une utilisation plus efficace des cotisations versées par les entreprises. Ces moyens financiers très importants – 25 à 30 milliards d’euros versés annuellement – pourraient s’articuler plus efficacement avec les politiques de formation et d’apprentissage, afin de faire mieux correspondre les opportunités de formation avec les transformations structurelles de l’économie. La réforme de la formation professionnelle votée en 2009 va dans le sens d’une remise à plat et d’une rationalisation du mille-feuille des organismes de collecte, de redistribution et d’accès à la formation. Cet objectif doit être poursuivi. Les fonds collectés pourraient également être utilisés pour accorder davantage de place à la formation professionnelle à l’école. Dans les entreprises, des stratégies innovantes pourraient être soutenues pour encourager les collaborateurs plus expérimentés à rafraîchir leurs compétences et profiter de ces profils seniors pour former les plus jeunes. Et, entre l’école et les entreprises, des liens plus forts peuvent être tissés, à commencer par la formation en alternance. Les technologies de l’information et les outils « sociaux » facilitent tout cela aujourd’hui. La technologie peut apporter plus de souplesse en termes de choix et d’accès à la formation, plus de personnalisation dans les formations dispensées et plus d’efficacité en matière de valorisation des acquis et des compétences.
3. Ouverture de nos frontières. La procédure de demande de visa et de titre de séjour devrait être assouplie pour les personnes qui contribuent à l’économie de l’innovation. Nombre d’entreprises du secteur des technologies investissent à l’étranger en développant des plateformes de services, par exemple au Maroc, en Inde, aux Philippines, etc. Cette approche, qui répond à la concurrence internationale, est aussi une opportunité d’affirmer le positionnement de « champions » français et de développer le chiffre d’affaires de nombreuses entreprises françaises à l’étranger.
4. Régions. En repensant la distribution, l’articulation et le financement des plateformes régionales de créativité, le gouvernement pourrait contribuer à faire baisser les chiffres du chômage et inverser la fuite des cerveaux vers la région parisienne, voire à l’étranger. La consolidation des partenariats Grandes Ecoles-Universités-Entreprises au niveau régional donnerait une légitimité supplémentaire à ces plateformes. Une politique ciblée favoriserait également le développement du télétravail pour ancrer les populations de manière plus durable dans les territoires et contribuer aux objectifs environnementaux de baisse de CO2.
5. Infrastructure. La France a besoin de se présenter comme un pays favorable à l’innovation en offrant des services de base sur tout son territoire, comme la connexion Wi-Fi gratuite, la connectivité très haut-débit et l’accès à des points de recharge électrique dans les espaces publics. Des opérations de partenariat avec des prestataires technologiques permettraient de rendre ces initiatives abordables.
6. Mettre un visage sur la France de l’Innovation. Pourquoi ne pas considérer la création d’un secrétariat d’Etat, voire d’un ministère consacré à l’innovation ? Il pourrait « doper » les actuels secrétariats d’Etat chargés de l’Industrie et du Travail.
7. Aide au financement. Les avantages fiscaux et aides publiques devraient favoriser davantage le développement des start-ups. C’est un point fondamental qui influence très sensiblement la naissance des sociétés les plus innovantes.
L’innovation est vitale pour le dynamisme de toute économie. Elle est l’une des clés du « made in France » que chacun appelle de ses vœux. Mais l’innovation ne se décrète pas. Elle se pense et s’organise via l’encouragement et la levée des freins financiers, administratifs, mais aussi culturels. Pour les deux premiers, la responsabilité en revient pour majeure partie aux Etats. Pour le dernier, c’est davantage au niveau des individus et des entreprises que l’évolution doit se faire.
28/04/2012 | Jean-Marc Lazzari
http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/recherche-innovation/innovation/221146256/france-innovation-retrouver-leadership
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