Chronique de Dominique Reynié – Le journal du dimanche, 1er octobre 2011
Un vrai bouleversement touche l’école. Cette institution qui demeure largement inchangée accueille des élèves qui, eux, ont profondément évolué psychologiquement et culturellement, via la culture de l’écran. Les élèves qui fréquentent les bancs des écoles ont accédé au texte, à l’information, au monde, par la médiation des consoles de jeux, de la télévision, des téléphones portables et des ordinateurs. Ils vivent dans un univers remuant où l’attention est toujours relancée et qui les invite sans cesse à aller voir ailleurs, par l’hypertexte et le multimédia.
Ces élèves-là ne peuvent pas avoir le même rapport à l’organisation de la classe que leurs prédécesseurs. Pourtant, l’école leur demande la même chose. Ils entrent aujourd’hui dans une classe fermée et l’on voudrait, comme en 1880, qu’ils restent assis derrière une table dans une position contrainte pendant de longues heures alors qu’à l’extérieur, ils sont dans une posture plus dynamique, plus interactive, en perpétuelle rupture de rythme. D’où une grande difficulté pour les élèves à tenir physiquement en place.
Dans ce nouveau contexte, l’institution ne cesse pourtant pas d’attendre des maîtres qu’ils accomplissent la même mission qu’hier, susciter et conserver l’attention des élèves, tandis que le contenu du message professoral n’a pas, par nature, la même attractivité que celui du monde des écrans. Une des causes de la souffrance du monde enseignant est dans cette exigence hypocrite de la société : faire comme si tout était comme avant, alors que tout a changé.
C’est à l’école de s’adapter mais la famille doit aussi porter une part de l’effort pour maintenir la capacité des enfants à se concentrer sur un travail intellectuel, par exemple par la lecture et ce, quel que soit le support. Dans les milieux sociaux à capital culturel fort, la tâche sera plus facile que dans des milieux sociaux à capital culturel faible où les enfants dépendent plus de cette culture de l’écran parce qu’ils n’ont pas d’autres sollicitations.
L’école aujourd’hui se transforme. Cette culture de l’écran fait partie des grands bouleversements qui la déstabilisent. À quoi il convient d’ajouter l’émergence des familles recomposées et monoparentales, une hétérogénéité territoriale et sociale plus grande et enfin des phénomènes hérités de l’immigration qui peuvent entraîner des différences de capacités linguistiques. Ici ressurgit le monde de l’écran qui permet aux familles originaires d’un autre pays de rester culturellement beaucoup plus liées avec celui-ci qu’autrefois grâce à Internet, à la TNT ou à Skype. Le processus d’intégration culturelle est dès lors beaucoup plus lent qu’autrefois. Cette bi-culture est un avantage sur le long terme mais au départ, c’est une difficulté pour l’école.
Il faut reconsidérer le projet de l’école en plaçant en son centre cette culture de l’écran. Il faut inventer l’éducation par l’écran et l’éducation à l’écran, son utilisation en même temps qu’un rapport critique. Il faut ensuite repenser l’organisation des cours et l’aménagement des classes en imaginant des ruptures plus fréquentes dans la journée et des façons différentes de faire cours pour prendre en compte le nouveau rapport au monde des élèves d’aujourd’hui.
Lire la chronique sur le site du Journal du dimanche
par Fondapol, le 3 octobre 2011
http://www.fondapol.org/debats/le-journal-du-dimanche-dominique-reynie-l%e2%80%99ecole-doit-s%e2%80%99adapter-a-l%e2%80%99ecran/
Un vrai bouleversement touche l’école. Cette institution qui demeure largement inchangée accueille des élèves qui, eux, ont profondément évolué psychologiquement et culturellement, via la culture de l’écran. Les élèves qui fréquentent les bancs des écoles ont accédé au texte, à l’information, au monde, par la médiation des consoles de jeux, de la télévision, des téléphones portables et des ordinateurs. Ils vivent dans un univers remuant où l’attention est toujours relancée et qui les invite sans cesse à aller voir ailleurs, par l’hypertexte et le multimédia.
Ces élèves-là ne peuvent pas avoir le même rapport à l’organisation de la classe que leurs prédécesseurs. Pourtant, l’école leur demande la même chose. Ils entrent aujourd’hui dans une classe fermée et l’on voudrait, comme en 1880, qu’ils restent assis derrière une table dans une position contrainte pendant de longues heures alors qu’à l’extérieur, ils sont dans une posture plus dynamique, plus interactive, en perpétuelle rupture de rythme. D’où une grande difficulté pour les élèves à tenir physiquement en place.
Dans ce nouveau contexte, l’institution ne cesse pourtant pas d’attendre des maîtres qu’ils accomplissent la même mission qu’hier, susciter et conserver l’attention des élèves, tandis que le contenu du message professoral n’a pas, par nature, la même attractivité que celui du monde des écrans. Une des causes de la souffrance du monde enseignant est dans cette exigence hypocrite de la société : faire comme si tout était comme avant, alors que tout a changé.
C’est à l’école de s’adapter mais la famille doit aussi porter une part de l’effort pour maintenir la capacité des enfants à se concentrer sur un travail intellectuel, par exemple par la lecture et ce, quel que soit le support. Dans les milieux sociaux à capital culturel fort, la tâche sera plus facile que dans des milieux sociaux à capital culturel faible où les enfants dépendent plus de cette culture de l’écran parce qu’ils n’ont pas d’autres sollicitations.
L’école aujourd’hui se transforme. Cette culture de l’écran fait partie des grands bouleversements qui la déstabilisent. À quoi il convient d’ajouter l’émergence des familles recomposées et monoparentales, une hétérogénéité territoriale et sociale plus grande et enfin des phénomènes hérités de l’immigration qui peuvent entraîner des différences de capacités linguistiques. Ici ressurgit le monde de l’écran qui permet aux familles originaires d’un autre pays de rester culturellement beaucoup plus liées avec celui-ci qu’autrefois grâce à Internet, à la TNT ou à Skype. Le processus d’intégration culturelle est dès lors beaucoup plus lent qu’autrefois. Cette bi-culture est un avantage sur le long terme mais au départ, c’est une difficulté pour l’école.
Il faut reconsidérer le projet de l’école en plaçant en son centre cette culture de l’écran. Il faut inventer l’éducation par l’écran et l’éducation à l’écran, son utilisation en même temps qu’un rapport critique. Il faut ensuite repenser l’organisation des cours et l’aménagement des classes en imaginant des ruptures plus fréquentes dans la journée et des façons différentes de faire cours pour prendre en compte le nouveau rapport au monde des élèves d’aujourd’hui.
Lire la chronique sur le site du Journal du dimanche
par Fondapol, le 3 octobre 2011
http://www.fondapol.org/debats/le-journal-du-dimanche-dominique-reynie-l%e2%80%99ecole-doit-s%e2%80%99adapter-a-l%e2%80%99ecran/
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