lundi 3 octobre 2011

Révolution ou évolution?

On a appris avec scepticisme que les femmes d'Arabie saoudite pourraient désormais voter et être élues au niveau municipal. Ce royaume est contrôlé par une secte rigoriste de l'Islam où la séparation des sexes atteint des niveaux délirants. Les Saoudiennes continueront à être traitées en inférieures dans de nombreux autres domaines. Sans trop de conviction, le roi a-t-il lâché du lest pour éviter le pire?

Il s'agit pourtant d'une bonne nouvelle émanant d'une région ébranlée par un printemps arabe qui tarde à produire ses fruits en Tunisie et en Égypte, quand il n'est pas carrément sanglant en Syrie et en Libye. Une évolution frustrante, mais graduelle vers la démocratie aura-t-elle plus de succès qu'un processus révolutionnaire amenant à jeter le bébé avec l'eau du bain?

Table rase...
La comparaison est instructive entre la Tunisie et le Maroc, deux anciennes colonies françaises où l'Occident est vu de façon positive. Décrite parfois avec humour comme le plus arabe des pays européens, la petite Tunisie est substantiellement plus avancée que le Maroc en ce qui a trait à la condition de la femme et la laïcité. Il y existe une classe moyenne et intellectuelle importante. On pourrait penser que cela y rend la démocratie plus facile que dans un Maroc foncièrement conservateur.

Cela pourrait bien être le contraire. En Tunisie, on a renversé Ben Ali, un dictateur sans légitimité, enclenchant une dynamique révolutionnaire où on est tenté de faire table rase du passé. Sans raison, on veut réécrire totalement la constitution, ouvrant la voie aux islamistes pourtant très minoritaires. Au Maroc au contraire, un roi intelligent et respecté, entre autres comme leader religieux, a lancé un processus de démocratisation limité, mais réel, recueillant l'assentiment de la majorité de la population.

Dans un premier temps, une révolution est plus trippante. Elle peut sembler nécessaire dans des sociétés bloquées depuis longtemps. Moins frustrante que des mesures partielles laissant subsister de larges pans du passé dans des pays arriérés comme l'Arabie saoudite.

L'histoire montre pourtant que les révolutions finissent rarement bien, alors que les régimes évoluant graduellement peuvent atteindre des niveaux surprenants de démocratie et de prospérité. Quand il est ouvert au changement, le conservatisme apparaît plus porteur de progrès qu'une révolution.

...ou modération
Les sociétés arabes les plus modérées restent profondément musulmanes, avec le danger de dérives fondamentalistes qui ne sont pas cependant inéluctables. L'élément nouveau est une puissante pulsion démocratique issue du peuple. Liée à la révolution technologique, elle est là pour rester, y compris en Arabie saoudite.

À vouloir tout tout de suite, on n'obtient parfois pas grand-chose, quand on ne perd pas carrément ce qu'on a. Les Saoudiennes n'ont pas encore le droit de conduire une automobile, mais elles ont le pied dans l'étrier du pouvoir. Elles ont gagné des droits alors que les Tunisiennes, plus libérées, risquent malheureusement d'en perdre.

Christian Dufour

02/10/2011 09h15

http://lejournaldemontreal.canoe.ca/journaldemontreal/chroniques/christiandufour/archives/2011/10/20111002-091500.html

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