Nul besoin d’être un grand sportif pour goûter aux charmes du désert tunisien, de ses villages troglodytes et de ses oasis, dans la douceur de l’automne.
De la terrasse du gîte Kenza, la vue est magnifique : juste en face, le ksar, citadelle en ruine, est juché sur une butte, où les habitants stockaient, jadis, des réserves alimentaires et des biens de valeur. En cas d’attaques (et elles furent nombreuses, de l’époque romaine jusqu’à la conquête arabe au XIIIe siècle), il servait de refuge, comme tous les ksour du sud de la Tunisie.
À ses pieds, des maisons troglodytes abandonnées. Toutes se cachent derrière des façades de pierre rousse, aux ouvertures béantes. Un peu à droite, la mosquée, toute blanche.
Plus bas, d’autres maisons, encore habitées, se remarquent à leurs portes de couleurs vives. Quasi désert aux heures chaudes du jour, le vieux village de Chenini, encore habitué par une cinquantaine de familles, s’anime aux premières heures du matin.
Les écoliers filent en riant. Quelques jeunes fument une cigarette et bavardent devant un pressoir à huile désaffecté, d’autres descendent, en chevauchant leur bourricot, les ruelles empierrées accrochées à flanc de collines. Trois femmes couvertes d’un long voile pastel passent. Une autre, vêtue de foncé, distribue à boire à ses chèvres devant sa porte.
La vie semble hors du temps
Ici, la vie semble hors du temps. Pourtant, en contrebas, un restaurant à trois étages accueille des fournées de touristes venus dans des cars énormes. Sur les hauteurs, le gîte Kenza préfère les voyageurs en quête de tranquillité et d’authenticité.
Sa cuisine, traditionnelle, est goutteuse. Ses chambres installées dans des grottes aménagées dans le style local, sont dotées de toutes les commodités. L’eau qui court depuis le réservoir du village, est chauffée par panneaux solaires. De là, ceux qui veulent profiter du désert, peuvent se lancer dans de belles randonnées.
Évidemment, cela se mérite. Une fois arrivé à Djerba où atterrissent les avions, il faut emprunter la voie romaine qui relie cette île au continent, ou si l’on préfère, prendre le bac, puis filer droit au sud, vers les montagnes du Dhaer.
On longe d’abord des champs de piments d’un vert insolent et, surtout, des étendues d’oliviers poussiéreux. Ici et là, des arbres fruitiers : ils deviennent de plus en plus rares à mesure que le sable et les cailloux prennent le dessus. La saison des pistaches est finie, celle des grenades bat son plein, celle des dattes débute.
« En Tunisie, nous avons trois sortes de désert »
Après trois heures de voiture, on aborde Tataouine, seule ville importante (70 000 habitants) du grand sud. Proche de la Libye, elle a vu affluer, à l’été, des milliers de réfugiés qui, depuis, sont, en majorité, repartis. Subsistent des étalages où se vendent des drapeaux aux couleurs de la révolution libyenne.
À Tataouine, on trouve, paraît-il, les meilleures « cornes de gazelle » du pays : fourrées aux amandes, trempées dans le miel liquide… Ici, jadis, les habitants vivaient de la culture du blé et des oliviers. Avec l’aggravation de la sécheresse et l’avancée du désert, la majorité des hommes doit aller travailler en Libye ou en France.
« S’il tombe 70 millimètres d’eau dans l’année, c’est bien ! », précise, philosophe, Mohamed. Ce guide vient de Nouaiel, « le dernier village avant le désert ». Intarissable sur les études de ses six filles, cet amoureux de littérature, arabe notamment, connaît la région. « En Tunisie, nous avons trois sortes de désert : le reg, désert de cailloux comme ici, à Chenini ; l’erg, le désert de dunes, et au milieu, le désert de steppe. » « Nous avons aussi, reprend-il, plusieurs sortes d’oasis. À Chenini, c’est une oasis de montagne. » Minuscule, peu entretenue, les palmiers y font pâle figure.
Des randonnées ponctuées de petits villages blancs
D’octobre à mars, lorsque la chaleur se fait moins forte, Mohamed emmène les touristes marcher sur les hauteurs. Ces randonnées ne sont pas difficiles et, de la corniche de Chenini, le regard porte loin. À une étendue de sable et de cailloux succède une autre, chacune ponctuée de petits villages blancs.
En marchant sur la corniche, on découvre la richesse de la vie dans le désert : moineaux, fennecs, lézards, genêts, thym, armoise… En trois petites heures, on atteint le village troglodyte de Douiret. Seul le vieux Khaded, un éleveur de chèvres, s’y accroche encore, avec sa famille. Et aussi Raouf qui transforme en gîte la maison de ses ancêtres.
Pour découvrir le village pittoresque mais abandonné de Ghermassa, en haut de son piton rocheux, il faut redescendre dans la plaine, traverser le nouveau Chenini (un petit millier d’habitants), et reprendre la route du nord.
Un détour s’impose par les villages perchés de Zahra et Oualed Soltan
Plus loin, on s’arrêtera à Toujane où les femmes tissent de splendides tapis sur des métiers traditionnels et vont encore chercher l’eau, très loin, avec des jerricans.
Avant de quitter le sud tunisien, un détour s’impose par les villages perchés de Zahra et de Oualed Soltan. Tous deux possèdent d’étonnants greniers, antérieurs à la conquête arabe.
En pierres enduites à la chaux, ils servaient à entreposer le blé que les habitants, des Berbères, se procuraient dans le Nord en échange de dattes et d’huile d’olive. Pendant des siècles, ces précieuses denrées ont ainsi été protégées des fréquentes razzias. Des temps troublés qui sont bien loin.
Paula BOYER à TATAOUINE, CHENINI
Une vue de la terrasse du gîte Kenza. On y aperçoit le ksar, une citadelle en ruine juchée sur la butte, et, à ses pieds, des maisons troglodytes, pour certaines encore habitées, se cachant derrière des façades de pierre rousse.
De la terrasse du gîte Kenza, la vue est magnifique : juste en face, le ksar, citadelle en ruine, est juché sur une butte, où les habitants stockaient, jadis, des réserves alimentaires et des biens de valeur. En cas d’attaques (et elles furent nombreuses, de l’époque romaine jusqu’à la conquête arabe au XIIIe siècle), il servait de refuge, comme tous les ksour du sud de la Tunisie.
À ses pieds, des maisons troglodytes abandonnées. Toutes se cachent derrière des façades de pierre rousse, aux ouvertures béantes. Un peu à droite, la mosquée, toute blanche.
Plus bas, d’autres maisons, encore habitées, se remarquent à leurs portes de couleurs vives. Quasi désert aux heures chaudes du jour, le vieux village de Chenini, encore habitué par une cinquantaine de familles, s’anime aux premières heures du matin.
Les écoliers filent en riant. Quelques jeunes fument une cigarette et bavardent devant un pressoir à huile désaffecté, d’autres descendent, en chevauchant leur bourricot, les ruelles empierrées accrochées à flanc de collines. Trois femmes couvertes d’un long voile pastel passent. Une autre, vêtue de foncé, distribue à boire à ses chèvres devant sa porte.
La vie semble hors du temps
Ici, la vie semble hors du temps. Pourtant, en contrebas, un restaurant à trois étages accueille des fournées de touristes venus dans des cars énormes. Sur les hauteurs, le gîte Kenza préfère les voyageurs en quête de tranquillité et d’authenticité.
Sa cuisine, traditionnelle, est goutteuse. Ses chambres installées dans des grottes aménagées dans le style local, sont dotées de toutes les commodités. L’eau qui court depuis le réservoir du village, est chauffée par panneaux solaires. De là, ceux qui veulent profiter du désert, peuvent se lancer dans de belles randonnées.
Évidemment, cela se mérite. Une fois arrivé à Djerba où atterrissent les avions, il faut emprunter la voie romaine qui relie cette île au continent, ou si l’on préfère, prendre le bac, puis filer droit au sud, vers les montagnes du Dhaer.
On longe d’abord des champs de piments d’un vert insolent et, surtout, des étendues d’oliviers poussiéreux. Ici et là, des arbres fruitiers : ils deviennent de plus en plus rares à mesure que le sable et les cailloux prennent le dessus. La saison des pistaches est finie, celle des grenades bat son plein, celle des dattes débute.
« En Tunisie, nous avons trois sortes de désert »
Après trois heures de voiture, on aborde Tataouine, seule ville importante (70 000 habitants) du grand sud. Proche de la Libye, elle a vu affluer, à l’été, des milliers de réfugiés qui, depuis, sont, en majorité, repartis. Subsistent des étalages où se vendent des drapeaux aux couleurs de la révolution libyenne.
À Tataouine, on trouve, paraît-il, les meilleures « cornes de gazelle » du pays : fourrées aux amandes, trempées dans le miel liquide… Ici, jadis, les habitants vivaient de la culture du blé et des oliviers. Avec l’aggravation de la sécheresse et l’avancée du désert, la majorité des hommes doit aller travailler en Libye ou en France.
« S’il tombe 70 millimètres d’eau dans l’année, c’est bien ! », précise, philosophe, Mohamed. Ce guide vient de Nouaiel, « le dernier village avant le désert ». Intarissable sur les études de ses six filles, cet amoureux de littérature, arabe notamment, connaît la région. « En Tunisie, nous avons trois sortes de désert : le reg, désert de cailloux comme ici, à Chenini ; l’erg, le désert de dunes, et au milieu, le désert de steppe. » « Nous avons aussi, reprend-il, plusieurs sortes d’oasis. À Chenini, c’est une oasis de montagne. » Minuscule, peu entretenue, les palmiers y font pâle figure.
Des randonnées ponctuées de petits villages blancs
D’octobre à mars, lorsque la chaleur se fait moins forte, Mohamed emmène les touristes marcher sur les hauteurs. Ces randonnées ne sont pas difficiles et, de la corniche de Chenini, le regard porte loin. À une étendue de sable et de cailloux succède une autre, chacune ponctuée de petits villages blancs.
En marchant sur la corniche, on découvre la richesse de la vie dans le désert : moineaux, fennecs, lézards, genêts, thym, armoise… En trois petites heures, on atteint le village troglodyte de Douiret. Seul le vieux Khaded, un éleveur de chèvres, s’y accroche encore, avec sa famille. Et aussi Raouf qui transforme en gîte la maison de ses ancêtres.
Pour découvrir le village pittoresque mais abandonné de Ghermassa, en haut de son piton rocheux, il faut redescendre dans la plaine, traverser le nouveau Chenini (un petit millier d’habitants), et reprendre la route du nord.
Un détour s’impose par les villages perchés de Zahra et Oualed Soltan
Plus loin, on s’arrêtera à Toujane où les femmes tissent de splendides tapis sur des métiers traditionnels et vont encore chercher l’eau, très loin, avec des jerricans.
Avant de quitter le sud tunisien, un détour s’impose par les villages perchés de Zahra et de Oualed Soltan. Tous deux possèdent d’étonnants greniers, antérieurs à la conquête arabe.
En pierres enduites à la chaux, ils servaient à entreposer le blé que les habitants, des Berbères, se procuraient dans le Nord en échange de dattes et d’huile d’olive. Pendant des siècles, ces précieuses denrées ont ainsi été protégées des fréquentes razzias. Des temps troublés qui sont bien loin.
Paula BOYER à TATAOUINE, CHENINI
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