LE PLUS. L'université gratuite et égalitaire, c'est un mythe dépassé pour François Garçon. Cet enseignant-chercheur propose de s'inspirer de ce qui se passe chez les Anglo-saxons : des droits d'inscription certes considérables et, paradoxalement, un nombre d'étudiants plus conséquent.
Contre cette idée reçue, on rappellera à l’ancien ministre, mais également à Laurent Wauquiez qui ferrailla ce même jour à ses côtés contre le même ennemi, que les droits d’inscription ne sont pas la barrière sociale redoutée.
Oublions l’incantation et revenons aux chiffres : avec des droits d’inscription moyen de l’ordre de 300 euros par an, la France, toutes filières confondues, compte 2,2 millions d’étudiants. Effectifs identiques en Grande-Bretagne (2,3 millions) où, en 2004, les travaillistes ont porté les droits d’inscription à 3700 euros (3250£). Qui n’en conclura que l’envolée des droits britanniques n’a donc pas nui à la démocratisation du secteur ?
Exemple plus spectaculaire encore aux États-Unis : en moyenne nationale, les droits d’inscription dans les 4300 établissements supérieurs nord-américaines s’élèvent à 30.000 dollars par an. À ces niveaux délirants, les universités américaines ne devraient être hantées que par les rejetons des traders de Wall Street. Pourtant, l’an dernier, l’enseignement supérieur américain comptait 17,7 millions d’étudiants soit, à démographie égale, une population d’étudiants 60% supérieure à la France où, on l’a vu, les droits d’inscription équivalent à un abonnement téléphonique.
À Jack Lang tout comme à Laurent Wauquiez, on ne recommandera pas seulement la lecture du rapport de Terra Nova que vient de signer Yves Litchtenberger, favorable à un renchérissement des droits d’inscription. On les invitera également à voyager, à s’intéresser à ce qui se passe hors de l’Hexagone, là où l’enseignement supérieur est pris au sérieux, tant par les pouvoirs publics que par les professeurs et leurs étudiants.
Ce qu’il convient de faire est de décupler les droits d’inscription actuels et, tout comme en Grande-Bretagne, d’assortir cette mesure de systèmes de prêts remboursables sous conditions de ressources (à partir de 24.000 euros par an en Grande-Bretagne) sur des périodes pouvant aller jusqu’à vingt ans.
Cercle vertueux : en Grande-Bretagne, les profs sont très correctement payés, grâce notamment aux moyens dégagés, sont tenus de conseiller et d’accueillir leurs étudiants entre 6 et 10 heures par semaine dans leurs bureaux individualisés, font moins d’heures de cours, et les cours magistraux passent à la trappe au profit de séminaires jugés plus formateurs.
Écarter cette politique, instaurée en Europe par les socialistes britanniques, revient dans les faits à protéger les classes dirigeantes, celles qui, en France, ont obtenu du législateur un allègement fiscal au motif qu’elles financent les études de leurs gamins, études dont on a vu qu’elles étaient pourtant gratuites.
Dans un article paru en juin dernier dans "The Times Higher Education", George Watson, professeur de littérature anglaise au St John’s College de Cambridge, diagnostiquait la bataille de tranchées autour de l’augmentation des droits d’inscription comme une ultime guerrilla des riches, désormais perdue : finalement, ils allaient devoir mettre la main au portefeuille pour les études de leurs enfants après avoir, pendant des décennies, fait croire que cette bataille dont ils touchaient les dividendes était celle de la nation toute entière.
De leur côté, faut-il que les Français soient bonnes poires pour supporter passivement le bonneteau de ces polytechniciens, fils de polytechniciens, être payés pendant leurs études gratuites (!?) pour, diplôme en poche, filer vers la City londonienne, engraisser les concessionnaires Mercedez. Les diplômés des ENS offrent, à quelques nuances près, un spectacle aussi scandaleux.
Non, messieurs les ministres, la gratuité de l’enseignement supérieur combinée à une politique de bourses aussi faméliques que massivement allouées n’est pas la condition de la démocratisation des études ! Soit vous le savez, et vous nous prenez pour des gogos. Soit vous l’ignorez, et vos conseillers doivent se mettre au benchmarking, de toute urgence.
Par Francois Garçon enseignant-chercheur
Edité par Daphnée Leportois
Modifié le 30-09-2011 à 19h06
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/197912;universite-la-gratuite-des-etudes-pire-ennemi-de-la-democratisation.html
Lundi 26 septembre, l’Institut Montaigne consacrait sa journée à l’enseignement supérieur sous l’intitulé "15 ans de réformes des universités : quels acquis, quels défis ?". Y assistaient notamment Nicolas Sarkozy, Laurent Wauquiez, Jean-François Copé, Claude Allègre et Jack Lang. Ce dernier, lors d’un excellent déjeuner, devait remarteler son attachement à la gratuité de l’enseignement supérieur, seule garantie, selon lui, de sa démocratisation.
Contre cette idée reçue, on rappellera à l’ancien ministre, mais également à Laurent Wauquiez qui ferrailla ce même jour à ses côtés contre le même ennemi, que les droits d’inscription ne sont pas la barrière sociale redoutée.
Salle de cours de l'université de Nantes, avril 2006 (F. Perry / AFP)
Oublions l’incantation et revenons aux chiffres : avec des droits d’inscription moyen de l’ordre de 300 euros par an, la France, toutes filières confondues, compte 2,2 millions d’étudiants. Effectifs identiques en Grande-Bretagne (2,3 millions) où, en 2004, les travaillistes ont porté les droits d’inscription à 3700 euros (3250£). Qui n’en conclura que l’envolée des droits britanniques n’a donc pas nui à la démocratisation du secteur ?
Exemple plus spectaculaire encore aux États-Unis : en moyenne nationale, les droits d’inscription dans les 4300 établissements supérieurs nord-américaines s’élèvent à 30.000 dollars par an. À ces niveaux délirants, les universités américaines ne devraient être hantées que par les rejetons des traders de Wall Street. Pourtant, l’an dernier, l’enseignement supérieur américain comptait 17,7 millions d’étudiants soit, à démographie égale, une population d’étudiants 60% supérieure à la France où, on l’a vu, les droits d’inscription équivalent à un abonnement téléphonique.
À Jack Lang tout comme à Laurent Wauquiez, on ne recommandera pas seulement la lecture du rapport de Terra Nova que vient de signer Yves Litchtenberger, favorable à un renchérissement des droits d’inscription. On les invitera également à voyager, à s’intéresser à ce qui se passe hors de l’Hexagone, là où l’enseignement supérieur est pris au sérieux, tant par les pouvoirs publics que par les professeurs et leurs étudiants.
Ce qu’il convient de faire est de décupler les droits d’inscription actuels et, tout comme en Grande-Bretagne, d’assortir cette mesure de systèmes de prêts remboursables sous conditions de ressources (à partir de 24.000 euros par an en Grande-Bretagne) sur des périodes pouvant aller jusqu’à vingt ans.
Cercle vertueux : en Grande-Bretagne, les profs sont très correctement payés, grâce notamment aux moyens dégagés, sont tenus de conseiller et d’accueillir leurs étudiants entre 6 et 10 heures par semaine dans leurs bureaux individualisés, font moins d’heures de cours, et les cours magistraux passent à la trappe au profit de séminaires jugés plus formateurs.
Écarter cette politique, instaurée en Europe par les socialistes britanniques, revient dans les faits à protéger les classes dirigeantes, celles qui, en France, ont obtenu du législateur un allègement fiscal au motif qu’elles financent les études de leurs gamins, études dont on a vu qu’elles étaient pourtant gratuites.
Dans un article paru en juin dernier dans "The Times Higher Education", George Watson, professeur de littérature anglaise au St John’s College de Cambridge, diagnostiquait la bataille de tranchées autour de l’augmentation des droits d’inscription comme une ultime guerrilla des riches, désormais perdue : finalement, ils allaient devoir mettre la main au portefeuille pour les études de leurs enfants après avoir, pendant des décennies, fait croire que cette bataille dont ils touchaient les dividendes était celle de la nation toute entière.
De leur côté, faut-il que les Français soient bonnes poires pour supporter passivement le bonneteau de ces polytechniciens, fils de polytechniciens, être payés pendant leurs études gratuites (!?) pour, diplôme en poche, filer vers la City londonienne, engraisser les concessionnaires Mercedez. Les diplômés des ENS offrent, à quelques nuances près, un spectacle aussi scandaleux.
Non, messieurs les ministres, la gratuité de l’enseignement supérieur combinée à une politique de bourses aussi faméliques que massivement allouées n’est pas la condition de la démocratisation des études ! Soit vous le savez, et vous nous prenez pour des gogos. Soit vous l’ignorez, et vos conseillers doivent se mettre au benchmarking, de toute urgence.
Par Francois Garçon enseignant-chercheur
Edité par Daphnée Leportois
Modifié le 30-09-2011 à 19h06
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/197912;universite-la-gratuite-des-etudes-pire-ennemi-de-la-democratisation.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire