Dans le billet intitulé "Ressorts d’engagement et interventions tutorales sur le plan motivationnel"Jacques Rodet m’interpelle d ela façon suivante :
"A partir de cet inventaire, il serait possible d’examiner comment compléter ou combiner ces ressorts d’engagement par des interventions tutorales sur le plan motivationnel. Il est bien possible que Jean-Paul Moiraud ait déjà quelques réponses…"
Je préfère parler de pistes de réflexions avancées, plutôt que réponses. Commençons par cadrer cette analyse en nous référant à la définition du plan de support motivationnel. donnée par Jacques Rodet, dans un billet du blog de T@D intitulé "Distinction entre support motivationnel et support socio-affectif des apprenants" : (extrait)
"Le motivationnel est un plan de support à l’apprentissage qui vise à encourager la persévérance à la formation et à prévenir l’abandon. Le tuteur, ne doit pas se limiter à intervenir comme aiguillon et relais des stratégies de motivation extrinsèque mais doit également agir de manière à ce que l’apprenant renforce sa motivation intrinsèque.
Ceci est particulièrement nécessaire lorsque l’apprenant n’arrivant plus à faire face à ses difficultés d’apprentissage envisage l’abandon. Le tuteur ne devrait pas non plus être avare d’encouragements et de félicitations car le renvoi seul de l’apprenant à ces erreurs ou à ces échecs est profondément démotivant pour de nombreuses personnes." Source - Blog de T@D Jacques Rodet
Je propose de jalonner quelques pistes pour ébaucher un plan de support motivationnel en monde immersif. Elles n’ont pas de valeurs prescriptives, elles sont un champ des possibles, une première approche exploratoire.
Les mondes virtuels émergent dans la formation à distance, les modalités du tutorat sont à définir. Il est préférable, dans un premier temps, de s’attacher à cerner prioritairement les usages plutôt que les enjeux manipulatoires (même s’ils sont une source évidente de questionnement).
C’est ce que souligne Christelle Mariais : "Concernant la conception d’un scénario au stade de l’esquisse, notre approche se focalise sur l’activité des apprenants, indépendamment des outils qui seront utilisés lors de l’exécution" Christelle Mariais, Florence Michau , Jean-Philippe Pernin, Nadine Mandran, in [« Learning Role-Playing Games » : méthodologie et formalisme de description pour l’assistance à la conception] (2011)
Je procèderai en deux temps, en parlant d’abord des ressorts d’engagement motivationnel pour les tuteurs, puis ceux des apprenants. Une construction qui pourrait s’apparenter à une ébauche de scénario à granularité fine.
•Motiver le tuteur
L’apprenant et la chaine de formation
Je vais emprunter une voie de traverse en évoquant en premier la motivation du tuteur. Il est nécessaire de rappeler que le monde virtuel de formation n’a d’existence et de consistance que s’il est pensé dans le continuum d’une chaine de formation.
Le rôle du tuteur est spécifique. Motiver l’apprenant c’est comprendre les enjeux tutoraux immersifs et les fonctions adjacentes (schéma ci-contre). La charge cognitive est forte dans un monde virtuel. Les tâches spécifiques des acteurs du dispositif doivent être distribuées. Un scénariste, un développeur, un concepteur de cours, un tuteur, un community manager, un capteur de ressources. Les apprenants ne pourront être encadrés, écoutés, motivés que si le tuteur peut se concentrer sur l’aide aux apprenants en s’affranchissant des contraintes amont et aval (1).
•Motiver l’apprenant
Après le détour nécessaire sur les rives du tutorat, il convient d’examiner quels sont les ressorts d’engagement pour les apprenants (le terme apprenant englobant les étudiants de la formation initiale et les salariés en formation tout au long de la vie ou life long learning). Je vais reprendre un extrait de l’article de Christelle Mariais, Florence Michau , Jean-Philippe Pernin et Nadine Mandran (op.cit.).
Ils déterminent les quatre premiers ressorts d’engagement sous les termes de "agôn, alea, mimicry et ilinx" soit, traduit « être en compétition », « être soumis au hasard » « jouer un rôle » et « perdre le contrôle ». Le dernier ressort proche de l’injonction paradoxale, nous enjoint de trouver le point d’équilibre entre l’impératif de faire perdre le contrôle à l’apprenant et celle de le rassurer. L’intervention tutorale immersive est spécifique.
Elle est formalisée dans trois dimensions ; L’incarnation tridimentionnelle du tuteur, l’instrumentation interactive de la gestuelle, l’intervention dans un espace signifiant. Trois points d’ancrage pour les ressorts motivationnels. -
Une représentation 3D du tuteur
Avatar Robot
Avatar humanoïde
La structure des mondes virtuels permet au tuteur d’interagir non seulement par la voix, le texte, l’image, la vidéo mais aussi grâce à son avatar. Dans un dispositif habituel, type classe virtuelle, l’apprenant doit se représenter le tuteur par construction d’une image mentale (on suppose que la webcam est désactivée). En monde immersif le tuteur est représenté sous une forme "avatarisée", charge à son détenteur, de lui conférer une sociabilité. Choisir une représentation humaine ou robotisée n’a pas le même sens.
Le tuteur projette une part de lui même dans sa représentation numérique. L’avatar du monde virtuel est représenté en 3D et évolue dans un espace 3D. Il peut se mouvoir, interagir avec les autres acteurs. Le tuteur pourra ainsi rencontrer l’apprenant dans l’espace de formation. Il pourra instaurer un lien de proximité effectif par la combinaison fine, des déplacements spatiaux, de la voix et du texte et de la gestuelle.
- Instrumenter la gestuelle de l’avatar
Les possibles technologiques de la programmation permettent d’intégrer une gestuelle humaine, une attitude. Par attitude nous entendons "une attitude est un état mental de préparation à l’action qui exerce une influence dynamique sur nos comportements. C’est en somme une manière de se comporter ou une prédisposition à porter un jugement, à manifester un comportement dans une situation donnée." Allport (1935) "In Quelques repères pour évaluer les attitudes et les comportements professionnels en soins infirmiers" - Margot Phaneuf, inf., Ph. D. Infiressources, août 2010.
Il y a ici un champ de réflexion sur la place du geste et de l’attitude dans un dispositif immersif et sa possible instrumentation. L’aide, la motivation, l’acte qui consiste à rassurer l’apprenant lorsque cela s’avère nécessaire peut être augmentée grâce au geste .
Le geste chaleureux, le geste d’encouragement (nécessité de concevoir des simulations spécifiques mais avec une finesse du geste et/ou de l’attitude) sont à intégrer comme élément de réflexion du scénario. Le geste est -il à l’heure actuelle un élément pertinent pour structurer les aspects motivationnels ? La mise en forme d’un document définissant ce qu’est le geste professionnel du tuteur pourrait être une ressource précieuse pour donner une réponse. Son prolongement pouvant être des travaux de "programmation" pour les transformer en geste numérique adapté au tutorat.
- Agir dans un espace signifiant
Le lieu de formation immersif doit se comprendre comme un espace normé. Il n’est pas le bureau du tuteur, il n’est pas le domicile de l’apprenant. Il est un lieu réel d’interaction pour l’apprentissage, l’enseignement et le tutorat. Dans les dispositifs habituels de formation en ligne (classe virtuelle, visio-conférence ...) le tuteur accompagne via les chats, les forums, les wikis, le mail, la visio...
En immersion il est bien sûr possible de dialoguer mais il est en plus loisible de rencontrer le tuteur dans une unité d’espace et de temps. Le design du lieu doit contribuer à créer un sentiment d’identité et de confort spatial. Se rencontrer réellement en immersion (l’avatar étant utilisé comme médiateur) semble être une plus value pour répondre aux questions sensibles des apprenants comme la difficulté de compréhension, le risque de décrochage. Ajoutons que le dispositif immersif éloigne des bruits de fond numérique.
Être dans un monde numérique de formation coupe des sollicitations extérieures qui construisent la culture du "zapping" (lire ses mails, consulter ses messages sur Facebook, surveiller ses tweets). L’immersion favorise le tutorat en permettant de se concentrer sur l’essentiel, évoquer ses difficultés de formation. En disant cela, j’élude volontairement la question de la difficulté pour l’apprenant d’identifier et d’exprimer ses difficultés, il s’agit là d’une autre question.
- Évoquer les interventions tutorales sur le plan motivationnel, même si l’on est dans un registre différent, c’est ouvrir la question du contexte socio-affectif immersif.
L’approche en monde virtuel nécessite des compétences manipulatoires fortes (maîtrise du navigateur, avatar, boite directionnelle, vue subjective, gestion de l’espace, des gestes ... Le technique conditionne ici l’acquisition des savoirs. A distance l’apprenant peut éprouver un sentiment de solitude technologique tout en étant en situation d’interaction sociale.
-------------------------------------------------------------------------------
(1) Le recensement des usages que je suis en train d’effectuer me montre que les expériences sont encore largement le fait de passionnés. La chaîne de formation avec partage des compétences est à créer. Le monde virtuel semble faire l’objet d’observations institutionnelles mais les engagements ne sont pas encore au rendez- vous.
par moiraud(son site) mercredi 28 septembre 2011
http://www.educavox.fr/Monde-virtuel-et-motivation-des
"A partir de cet inventaire, il serait possible d’examiner comment compléter ou combiner ces ressorts d’engagement par des interventions tutorales sur le plan motivationnel. Il est bien possible que Jean-Paul Moiraud ait déjà quelques réponses…"
Je préfère parler de pistes de réflexions avancées, plutôt que réponses. Commençons par cadrer cette analyse en nous référant à la définition du plan de support motivationnel. donnée par Jacques Rodet, dans un billet du blog de T@D intitulé "Distinction entre support motivationnel et support socio-affectif des apprenants" : (extrait)
"Le motivationnel est un plan de support à l’apprentissage qui vise à encourager la persévérance à la formation et à prévenir l’abandon. Le tuteur, ne doit pas se limiter à intervenir comme aiguillon et relais des stratégies de motivation extrinsèque mais doit également agir de manière à ce que l’apprenant renforce sa motivation intrinsèque.
Ceci est particulièrement nécessaire lorsque l’apprenant n’arrivant plus à faire face à ses difficultés d’apprentissage envisage l’abandon. Le tuteur ne devrait pas non plus être avare d’encouragements et de félicitations car le renvoi seul de l’apprenant à ces erreurs ou à ces échecs est profondément démotivant pour de nombreuses personnes." Source - Blog de T@D Jacques Rodet
Je propose de jalonner quelques pistes pour ébaucher un plan de support motivationnel en monde immersif. Elles n’ont pas de valeurs prescriptives, elles sont un champ des possibles, une première approche exploratoire.
Les mondes virtuels émergent dans la formation à distance, les modalités du tutorat sont à définir. Il est préférable, dans un premier temps, de s’attacher à cerner prioritairement les usages plutôt que les enjeux manipulatoires (même s’ils sont une source évidente de questionnement).
C’est ce que souligne Christelle Mariais : "Concernant la conception d’un scénario au stade de l’esquisse, notre approche se focalise sur l’activité des apprenants, indépendamment des outils qui seront utilisés lors de l’exécution" Christelle Mariais, Florence Michau , Jean-Philippe Pernin, Nadine Mandran, in [« Learning Role-Playing Games » : méthodologie et formalisme de description pour l’assistance à la conception] (2011)
Je procèderai en deux temps, en parlant d’abord des ressorts d’engagement motivationnel pour les tuteurs, puis ceux des apprenants. Une construction qui pourrait s’apparenter à une ébauche de scénario à granularité fine.
•Motiver le tuteur
L’apprenant et la chaine de formation
Je vais emprunter une voie de traverse en évoquant en premier la motivation du tuteur. Il est nécessaire de rappeler que le monde virtuel de formation n’a d’existence et de consistance que s’il est pensé dans le continuum d’une chaine de formation.
Le rôle du tuteur est spécifique. Motiver l’apprenant c’est comprendre les enjeux tutoraux immersifs et les fonctions adjacentes (schéma ci-contre). La charge cognitive est forte dans un monde virtuel. Les tâches spécifiques des acteurs du dispositif doivent être distribuées. Un scénariste, un développeur, un concepteur de cours, un tuteur, un community manager, un capteur de ressources. Les apprenants ne pourront être encadrés, écoutés, motivés que si le tuteur peut se concentrer sur l’aide aux apprenants en s’affranchissant des contraintes amont et aval (1).
•Motiver l’apprenant
Après le détour nécessaire sur les rives du tutorat, il convient d’examiner quels sont les ressorts d’engagement pour les apprenants (le terme apprenant englobant les étudiants de la formation initiale et les salariés en formation tout au long de la vie ou life long learning). Je vais reprendre un extrait de l’article de Christelle Mariais, Florence Michau , Jean-Philippe Pernin et Nadine Mandran (op.cit.).
Ils déterminent les quatre premiers ressorts d’engagement sous les termes de "agôn, alea, mimicry et ilinx" soit, traduit « être en compétition », « être soumis au hasard » « jouer un rôle » et « perdre le contrôle ». Le dernier ressort proche de l’injonction paradoxale, nous enjoint de trouver le point d’équilibre entre l’impératif de faire perdre le contrôle à l’apprenant et celle de le rassurer. L’intervention tutorale immersive est spécifique.
Elle est formalisée dans trois dimensions ; L’incarnation tridimentionnelle du tuteur, l’instrumentation interactive de la gestuelle, l’intervention dans un espace signifiant. Trois points d’ancrage pour les ressorts motivationnels. -
Une représentation 3D du tuteur
Avatar Robot
Avatar humanoïde
La structure des mondes virtuels permet au tuteur d’interagir non seulement par la voix, le texte, l’image, la vidéo mais aussi grâce à son avatar. Dans un dispositif habituel, type classe virtuelle, l’apprenant doit se représenter le tuteur par construction d’une image mentale (on suppose que la webcam est désactivée). En monde immersif le tuteur est représenté sous une forme "avatarisée", charge à son détenteur, de lui conférer une sociabilité. Choisir une représentation humaine ou robotisée n’a pas le même sens.
Le tuteur projette une part de lui même dans sa représentation numérique. L’avatar du monde virtuel est représenté en 3D et évolue dans un espace 3D. Il peut se mouvoir, interagir avec les autres acteurs. Le tuteur pourra ainsi rencontrer l’apprenant dans l’espace de formation. Il pourra instaurer un lien de proximité effectif par la combinaison fine, des déplacements spatiaux, de la voix et du texte et de la gestuelle.
- Instrumenter la gestuelle de l’avatar
Les possibles technologiques de la programmation permettent d’intégrer une gestuelle humaine, une attitude. Par attitude nous entendons "une attitude est un état mental de préparation à l’action qui exerce une influence dynamique sur nos comportements. C’est en somme une manière de se comporter ou une prédisposition à porter un jugement, à manifester un comportement dans une situation donnée." Allport (1935) "In Quelques repères pour évaluer les attitudes et les comportements professionnels en soins infirmiers" - Margot Phaneuf, inf., Ph. D. Infiressources, août 2010.
Il y a ici un champ de réflexion sur la place du geste et de l’attitude dans un dispositif immersif et sa possible instrumentation. L’aide, la motivation, l’acte qui consiste à rassurer l’apprenant lorsque cela s’avère nécessaire peut être augmentée grâce au geste .
Le geste chaleureux, le geste d’encouragement (nécessité de concevoir des simulations spécifiques mais avec une finesse du geste et/ou de l’attitude) sont à intégrer comme élément de réflexion du scénario. Le geste est -il à l’heure actuelle un élément pertinent pour structurer les aspects motivationnels ? La mise en forme d’un document définissant ce qu’est le geste professionnel du tuteur pourrait être une ressource précieuse pour donner une réponse. Son prolongement pouvant être des travaux de "programmation" pour les transformer en geste numérique adapté au tutorat.
- Agir dans un espace signifiant
Le lieu de formation immersif doit se comprendre comme un espace normé. Il n’est pas le bureau du tuteur, il n’est pas le domicile de l’apprenant. Il est un lieu réel d’interaction pour l’apprentissage, l’enseignement et le tutorat. Dans les dispositifs habituels de formation en ligne (classe virtuelle, visio-conférence ...) le tuteur accompagne via les chats, les forums, les wikis, le mail, la visio...
En immersion il est bien sûr possible de dialoguer mais il est en plus loisible de rencontrer le tuteur dans une unité d’espace et de temps. Le design du lieu doit contribuer à créer un sentiment d’identité et de confort spatial. Se rencontrer réellement en immersion (l’avatar étant utilisé comme médiateur) semble être une plus value pour répondre aux questions sensibles des apprenants comme la difficulté de compréhension, le risque de décrochage. Ajoutons que le dispositif immersif éloigne des bruits de fond numérique.
Être dans un monde numérique de formation coupe des sollicitations extérieures qui construisent la culture du "zapping" (lire ses mails, consulter ses messages sur Facebook, surveiller ses tweets). L’immersion favorise le tutorat en permettant de se concentrer sur l’essentiel, évoquer ses difficultés de formation. En disant cela, j’élude volontairement la question de la difficulté pour l’apprenant d’identifier et d’exprimer ses difficultés, il s’agit là d’une autre question.
- Évoquer les interventions tutorales sur le plan motivationnel, même si l’on est dans un registre différent, c’est ouvrir la question du contexte socio-affectif immersif.
L’approche en monde virtuel nécessite des compétences manipulatoires fortes (maîtrise du navigateur, avatar, boite directionnelle, vue subjective, gestion de l’espace, des gestes ... Le technique conditionne ici l’acquisition des savoirs. A distance l’apprenant peut éprouver un sentiment de solitude technologique tout en étant en situation d’interaction sociale.
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(1) Le recensement des usages que je suis en train d’effectuer me montre que les expériences sont encore largement le fait de passionnés. La chaîne de formation avec partage des compétences est à créer. Le monde virtuel semble faire l’objet d’observations institutionnelles mais les engagements ne sont pas encore au rendez- vous.
par moiraud(son site) mercredi 28 septembre 2011
http://www.educavox.fr/Monde-virtuel-et-motivation-des
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