mercredi 18 septembre 2013

La tablette en guise de cahier




INTERNATIONAL Sept écoles Steve Jobs dédiées à un apprentissage tout numérique viennent d’ouvrir.

La ville de Breda est encore un peu endormie en ce début de matinée, les écoles primaires ne sont pas ouvertes, les bus scolaires commencent tout juste leur tournée.

Mais le monde de demain se lève tôt, et privilégie surtout la flexibilité. L’une des premières écoles Steve Jobs, du nom du l’ex-patron fondateur de la marque Apple, accueille ses élèves de 7h30 à 9h30 du matin, et reste ouverte jusqu’à 18h30. A partir de 15h, les parents doivent participer financièrement.

Des horaires qui font partie des critères de choix du papa de la petite Elise : "Nous pouvons prendre nos vacances à notre gré, c’est vraiment pratique. L’école est aussi ouverte virtuellement toute la journée et les élèves peuvent travailler de la maison", explique-t-il. Sans oublier bien sûr la pédagogie de l’établissement. Entièrement dédiée au monde de demain, à porté de clics.

Depuis qu’Elise, 5 ans, peut pianoter du matin au soir, l’école est même devenue "très amusante". La fillette ne nous écoute déjà plus, absorbée par son jeu. "Avant, elle était toujours triste en rentrant", raconte encore son papa, "avec ma femme, on cherchait une solution. Quand on a découvert cette nouvelle pédagogie, nous n’avons pas hésité. En plus, Elise adore les langues et elle en apprendra plusieurs ici."

Enseignement pour une nouvelle ère

Les langues, les sciences, les diverses matières scolaires ainsi qu’un accès permanent aux applications éducatives, l’entrepreneur néerlandais Maurice De Hond n’a rien laissé au hasard. Sous la bannière de sa fondation O4NT, Onderwijs voor een Nieuwe Tijd, se traduisant par un enseignement pour une nouvelle ère, il lance pour cette rentrée 2013 un projet pionnier, qui démarre avec l’ouverture de sept écoles publiques (deux seulement sont semi-privées).

L’approbation du ministère de l’enseignement était essentielle. Les règles sur les horaires appliqués généralement dans les écoles traditionnelles, ont même été assouplies.

Aux Pays-Bas, on trouve déjà une offre éducative très variée, des écoles Montessori ou Dalton, aux écoles à confession religieuse. Les écoles Steve Jobs devront respecter le programme néerlandais et subir malgré tout une surveillance accrue.

L’établissement de Breda accueille pour l’instant treize enfants, de 0 à 12 ans. L’ensemble de l’équipe espère augmenter les effectifs de plusieurs dizaines d’élèves, d’ici le mois de décembre. Un iPad bleu pour les garçons, un iPad rose pour les filles, la liste des fournitures scolaires était très restreinte cette année.

En pénétrant dans les locaux, on aperçoit de grandes salles lumineuses et vitrées, donnant sur un large hall d’accueil. Cette maman essoufflée ne pense qu’à y trouver une prise électrique.

Ce n’est qu’après avoir indiqué à son fils où se trouvait son iPad, qu’elle partira elle-même travailler. Du coup, Jaap, 8 ans, erre un peu en attendant le chargement de sa batterie. Sur le canapé en cuir ornant la salle dédiée aux langues, ses cinq petits copains ont les yeux rivés sur leur écran. Soudain, éclatent des cris de colère, des coups de pieds sont lancés. Les garçons des écoles Steve Jobs seraient-ils des garçons comme les autres ?

Leur instituteur, ou "coach de talent", intervient rapidement. Jeune, l’allure sportive, des claquettes aux pieds et du gel dans les cheveux, il ressemble plus à un animateur. Heureusement, un autre canapé dans l’espace central permet à l’un des batailleurs de trouver refuge, avec son iPad bien sûr.

Pendant ce temps, l’heure est à la discussion pour Gert Jan Kleinpaste, le directeur. Il reçoit ce matin de potentiels parents et les questions fusent. Philosophie, emploi du temps, cursus et résultats, le rendez-vous d’information se terminera dans son bureau.

De son côté, dans la rue voisine, cette grand-mère de 61 ans, n’hésite pas du tout. "Jamais je n’accepterais que mes petits-enfants apprennent à lire et à écrire avec cet outil. Ils ont besoin d’utiliser des vrais stylos et de découvrir les livres", s’exclame Sophia N.

Projet à multiplier

Elle est aujourd’hui à la retraite et orthophoniste de profession. "L’écriture développe la motricité fine mais surtout la mémoire visuelle", continue-t-elle, "et personne ne peut prévoir les effets de cette surconsommation de temps passé devant un écran". Elle observe cette nouvelle école du quartier avec une grande inquiétude. "Pourvu qu’il n’en fleurisse pas d’autres", soupire-t-elle en s’éloignant.

Se multiplier est pourtant le projet principal des écoles Steve Jobs. Irène van Meel, en poste depuis le 12 août dernier, confirme qu’après l’inscription de 80 élèves, une nouvelle école du futur pourra ouvrir ses portes. Toute souriante, elle reconnaît avoir eu de la chance d’obtenir ce premier travail, après ses études en sciences de l’éducation à Vlissingen, en Zélande.

"J’enseigne toutes les matières, ainsi que mes collègues. Nous adaptons notre planning à l’agenda personnalisé de nos élèves, selon leur niveau et leur rythme", raconte-t-elle.

Développé également dans plusieurs pays européens ainsi qu’aux Etats-Unis, le courant Steve Jobs, avec l’utilisation de l’iPad comme unique outil pédagogique doit encore s’enrichir d’une atmosphère scolaire. Dans quelques années, il sera peut-être très suivi, ou restera la simple expression d’une tendance.

SONIA JOHNSON, CORRESPONDANTE AUX PAYS-BAS Publié le jeudi 12 septembre 2013 à 05h40 - Mis à jour le jeudi 12 septembre 2013 à 19h53

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire