lundi 9 avril 2012

La formation dans 6 pays d’Europe: quelle influence du cadre légal?

9 avril 2012 | Ecrit par Mathilde Bourdat
Le blog de la formation professionnelle et continue


L’enquête « La formation professionnelle en Europe », réalisée par Cegos, a été publiée le 5 avril 2012. Elle couvre 6 pays européens: France, Allemagne, Espagne, Italie, Royaume Uni, Pays-Bas et permet de croiser les points de vue de 2800 salariés et 600 DRH, de tous secteurs d’activités et toutes tailles d’entreprise, sur la formation.

La richesse de l’information ainsi produite nous permet d’explorer une première question: le cadre national se traduit-il par de réelles différences en matière de formation des salariés?

Des grilles de lecture des systèmes nationaux

Parmi les 6 pays couverts par l’enquête Cegos, nous avons:

- 3 pays dans lesquels il n’y a pas d’obligation légale, pour les entreprises, de financer la formation des salariés:
  • L’Allemagne. La formation professionnelle y est de la compétence des Länder. Le système de financement repose sur la négociation, la collecte de fonds mutualisés pouvant être organisée par les conventions collectives. Dans la plupart des Länder, des dispositions garantissent aux salariés 4 à 5 jours de congé pour la participation à des stages de formation professionnelle ou politique. Un compte épargne temps dédié à la formation existe depuis 2001. Les entreprises sont très investies dans la formation professionnelle initiale, avec le système dual.
  • Les Pays-Bas, où il existe un continuum entre formation initiale et formation continue, avec un financement public important des filières de formation permanente. Les pouvoirs publics financent des formations à temps partiel, de niveau secondaire et supérieur, généralement suivies parallèlement à l’activité professionnelle.
  • Le Royaume-Uni a fait depuis les années 2000 un important effort national en matière de formation professionnelle. Il n’y a aucune réglementation contraignante pour les entreprises, mais les employeurs sont incités à former leurs salariés faiblement qualifiés, par le biais de refinancements: voir, par exemple, les ETP, Employer Training Pilots.

3 pays dans lesquels il y a une obligation de financement mutualisé pour les employeurs:
  • En tête, la France, avec sa contribution de 1,6% de la masse salariale.
  • Puis l’Espagne, avec une contribution de 0,7% de la masse salariale. La moitié de cette contribution finance la formation des actifs du secteur public et privé, l’autre moitié celle des demandeurs d’emploi. Les salariés ont accès à un congé individuel de formation, pour des formations certifiantes.
  • Et enfin l’Italie, avec une contribution mutualisée par les entreprises à hauteur de 0,3% de leur masse salariale. Cette taxe peut être versée à des fonds interprofessionnels paritaires pour la formation professionnelle, qui financent ou cofinancent des actions de formation au niveau d’entreprises, de secteurs, ou de régions.Les régions attribuent aux personnes des « chèques formation » qui permettent de financer jusqu’à 75% des frais de formation – celles-ci se déroulent alors généralement en dehors du temps de travail. Enfin, il existe un congé de formation non payé, d’une durée maximale de 5 mois.

Quel accès à la formation pour les salariés de ces 6 pays?

L’enquête CVTS (Continuous Vocational Traning Survey) rend bien compte de l’intensité des pratiques de formation en Europe:



Le « taux d’accès aux formation » reflète le % de salariés qui ont eu accès à la formation.

Le taux d’entreprises formatrices reflète le % d’entreprises qui ont formé au moins un salarié.

Que remarque- t’on, au regard de notre question de départ?

- L’Espagne figure dans le troisième groupe, celui où le taux d’accès à la formation est faible avec un taux d’entreprises formatrices moyen. Nous n’avons pas ici les résultats pour l’Italie, mais d’autres enquêtes (Adult Education Survey, 2007) montrent que le taux de participation à la formation des actifs italiens est assez faible (22ème rang européen).

- La France, qui se rapprochait de l’Espagne et de l’Italie pour ce qui est de l’obligation de financement, figure en revanche dans le groupe 1, avec un fort taux d’entreprises formatrices et un taux d’accès à la formation des salariés de 50%.

Pour ce qui est des trois pays qui n’ont pas d’obligation de financement:

-L’Allemagne figure dans le groupe 2 du graphique ci-dessus, avec un taux d’entreprises formatrices un peu moindre que la France, et un taux d’accès à la formation inférieur de plus de 10%.

-Les Pays Bas ont un taux d’entreprises formatrices équivalent à la France, mais un taux d’accès à la formation inférieur.

- Le Royaume Uni est très proche des Pays Bas.

Première conclusion: rien ne permet de faire le lien entre un « modèle » de système national de formation continue et l’accès à la formation des salariés- même si, indéniablement, les incitations mises en place au niveau étatique, régional ou sectoriel ont un impact.

Quel lien entre système national de formation et réponse aux attentes des salariés?

Globalement, les salariés des 6 pays interrogés par Cegos sont satisfaits des formations qu’ils ont suivies:
Dans la barre vert foncé (« Très satisfait ») la mention du pays qui obtient le score le plus fort sur cette réponse: le Royaume Uni.

Dans la barre vert clair (satisfait), le plus fort score est obtenu par les Pays Bas.

Et à droite (peu satisfait ou pas du tout satisfait), le plus fort score est obtenu par l’Espagne.

En dessous, les scores français, dans la moyenne.

Cette satisfaction globale et unanime n’empêche pas les salariés de nos six pays d’avoir des attitudes différentes vis à vis de la formation.

Les néerlandais et les espagnols sont généralement à l’initiative de leur formation, ils participent plus souvent à leur financement, et elle se déroule plus souvent en dehors du temps de travail. Les français et les allemands ont plus souvent leur formation financée par l’entreprise, elle se déroule plus souvent sur temps de travail. Contrepartie: leur formation leur est plus souvent imposée.

Surtout, les salariés de ces pays ne ressentent pas de la même manière la qualité d’accompagnement de leur entreprise:



Ainsi, les réponses à la question « Estimez vous que votre entreprise met en place tous les moyens pour… » dessinent une géographie indépendante des systèmes législatifs en place.
Dans la colonne des pays où les salariés se déclarent les plus satisfaits des moyens mis en place par l’entreprise, on retrouve l’Allemagne, avec son système conventionnel, et le Royaume Uni, où la formation est laissée à l’initiative de l’employeur. Et dans la colonne des pays où les salariés se déclarent les moins satisfaits, on retrouve la France, avec sa législation complexe et son obligation de financement contraignante, et les Pays-Bas, avec leur système d’éducation permanente développé et hors de l’entreprise.

A l’heure où il est question d’une énième réforme de la formation professionnelle en France, ceci devrait nous faire réfléchir. La législation crée des effets d’aubaine, des habitudes – comme celle, en France, de se former sur le temps de travail aux frais de l’employeur et d’assimiler « formation » à « stage ». Mais ce sont les parties prenantes qui donnent le sens -salariés, managers, directions – et ceci est relativement indépendant du système légal et de financement en place.

http://www.formation-professionnelle.fr/2012/04/09/la-formation-dans-6-pays-deurope-quelle-influence-du-cadre-legal/

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