mardi 3 mai 2011

Réseautage social à des fins éducatives - Deuxième partie : Les réseaux sociaux doivent-ils entrer à l'école ?

Les écoles doivent-elles favoriser l'accès aux réseaux sociaux et faciliter aux élèves et aux enseignants l’utilisation à l’école de ces sites ? Quelles réponses doivent-elles adopter face à ce phénomène rampant ? Est-ce le silence ? Est-ce la répression ?
Au regard de la formidable énergie intellectuelle et sociale que les jeunes investissent dans ces médias, une attitude négative ne serait-elle pas de courte vue ? Au lieu de chercher et imaginer des façons de réprimer cette énergie, ne serait-il pas mieux de commencer à envisager des façons de la rediriger, afin qu'elle soit dépensée dans la salle de classe plutôt qu'à l'extérieur ? Pourquoi ne pas essayer de construire un pont entre le monde des réseaux sociaux et celui de la salle de classe ?
Il est facile de constater que les jeunes développent une vie sociale virtuelle avec ces réseaux sociaux. Devons-nous être contre l'intervention des écoles dans leurs activités ? Fermer la porte de la salle de classe aux médias sociaux ne fera que rendre plus vide de sens le monde virtuel. Il y a 100 ans déjà, John Dewey (1) avait prévenu que quand les enseignants supprimaient les sujets naturels d'intérêt des enfants dans la salle de classe, ils «remplaçaient l'enfant par l'adulte, et ainsi affaiblissaient la curiosité et la vivacité intellectuelles, supprimant l'initiative et tuant l'intérêt». L’interdiction des réseaux sociaux à l'école ne reviendrait-il pas à commettre exactement la même erreur ? Ne devrions-nous pas plutôt nous attacher à rencontrer les jeunes là où ils vivent, c’est-à-dire sur le web ?

Quelles sont les raisons qui motivent le recours aux réseaux sociaux dans les écoles ?
Des études ont montré que grâce aux environnements technologiques et à des pratiques innovantes, les réseaux sociaux sont à l’origine de nouvelles pédagogies qui favorisent l’acquisition par les élèves de compétences transversales, nécessaires au 21e siècle. "Nous nous sommes aperçus que les étudiants qui utilisent les réseaux sociaux acquièrent précisément le type de compétences qu’on attend d’eux au 21e siècle pour réussir", lisait-on sur le site de l’Atelier (2).
Grâce à ces médias, les jeunes développent en effet un savoir-faire technologique non négligeable : téléchargement mais aussi édition et modification de contenu. Ils doivent être encouragés et aidés à approfondir leurs compétences et habilités acquises sur Internet. C’est désormais aux parents et aux éducateurs de se saisir de ce potentiel éducatif. En tant qu’éducateurs, nous avons le devoir d’être non pas des technophiles, non plus que des technophobes, mais des « technologues humanistes », pour reprendre l’expression de Joël de Rosnay (3).
Ainsi, fréquenter les réseaux sociaux serait un moyen pour les élèves d’acquérir de nombreuses compétences. Lesquelles ?
Il est admis aujourd’hui que l’école est appelée à former les élèves pour qu’ils soient capables de développer des méthodes de travail efficaces, de défendre un point de vue, de travailler en collaboration avec d’autres et d’utiliser les ordinateurs. Ces compétences se développent dans toutes les disciplines. Elles sont en quelque sorte ce qui permet d’apprendre à apprendre. Devauchelle écrivait (4) que «la société de la connaissance ne le sera que pour ceux qui sauront apprendre». C’est aussi le concept de «la capacité d’adaptation», qui est mis de l’avant. Thibert ajoutait (5) : «Oui, il faut former à l’école des gens capables d’être autonomes par la suite, de transférer des connaissances, des compétences dans d’autres domaines, des gens capables d’adaptation…». Il a un credo, emprunté à Charles Darwin : «Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements.»
La créativité, l’adaptabilité, la collaboration ou la construction collective ou collaborative de connaissances et bien entendu le « savoir apprendre » sont ces compétences transversales attendues de toutes les utilisations possibles des outils des réseaux sociaux. Elles sont novatrices et la portée de leur utilisation a été très variée, complexe et innovante. Cela sonne un peu comme le défi de la qualité de l'enseignement en général : comment encourager les élèves à devenir plus actifs et plus créatifs dans leur engagement dans le processus d'apprentissage, plutôt que de simplement suivre les sentiers infructueux de la passivité.
Il serait donc primordial de s’attacher à promouvoir création et invention au sein de l’éducation. Avec les TIC, la démonstration de l’adaptabilité n’est plus à faire. Il s’avère aussi que la construction collective ou collaborative de connaissances est largement facilitée. Plus que jamais, les jeunes, élèves ou étudiants, ont accès à des environnements collaboratifs qui favorisent le partage et la co-construction des connaissances. Les sites comme Wikipédia contiennent de plus en plus de contenu et d’approches susceptibles d’enrichir l’expérience d’apprentissage des étudiants. Cependant, ouvrir les pratiques pédagogiques vers une « co-créativité ouverte et libre dans le temps » exige un « contrôle plus horizontal ». C’est la base du concept de « l'intelligence collective ».
Cela signifie-t-il que les réseaux sociaux vont se situer au cœur d’un changement au niveau de l’enseignement et de l’apprentissage ?
Il nous faut comprendre les environnements technologiques actuels et futurs à la base du Web 2.0 et des réseaux sociaux ainsi que les outils Web 2.0 envisageables pour l’éducation. Il faut aussi identifier les liens de complémentarité et/ou de substituabilité entre les environnements numériques d’apprentissage officiels mis en place par les établissements scolaires et universitaires et les environnements Web 2.0 centrés sur les apprenants. De même, il faut prendre connaissance de pratiques innovantes faisant appel aux outils du Web 2.0, et identifier des pistes de recherche qui pourraient enrichir les connaissances. Nous faisons même face à un véritable défi à la conception pédagogique.

Références
(1) John Dewey. L'école et l'enfant (1913), Fabert, 2004
(2) L'Atelier BNP Paribas, 23 juin 2008. http://www.atelier.fr/usages/10/23062008/reseaux-sociaux-bons-education-universite-minnesota-36730-.html
(3) Joël de Rosnay, Le Carrefour du future, 2010. http://www.cite-sciences.fr/derosnay/
(4) Bruno Devauchelle. Créativité, construction collective de connaissances, adaptabilité : vers une société autodidacte ? Site web « Veille et Analyse TICE ». http://www.brunodevauchelle.com/blog/?p=327
(5) Rémi Thibert. Former des autodidactes ? Blog. 2009. http://thibert.apinc.org/2009/04/27/former-des-autodidactes/

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