Lors de la clôture des Assises de l'entrepreneuriat en France, le Président Hollande annonçait une série de mesures pour « stimuler l'esprit d'entreprise et stimuler tous les talents » par la « formalisation d'un programme éducatif sur l'esprit d'initiative et l'innovation dans le Secondaire (de la sixième à la terminale) et dans l'enseignement supérieur. »
Dès 2003, le Gouvernement français, par un Protocole entre le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, le ministère délégué à l'enseignement scolaire et le secrétariat d'état aux PME, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation annonçait son intention de « développer l'esprit d'entreprendre » auprès des jeunes dans un communiqué de presse. Pour répondre à cette vue, l'école était déjà dans la ligne de mire.
Stimuler chez les jeunes leurs talents, créativité, initiative, et leur goût d'entreprendre, n'est-ce pas avec la transmissions des connaissances, un des buts premiers de l'éducation ? Ne s'agit-il pas des bases du développement de la personne quels que soient ses talents ?
Pourtant, pour certains, stimuler l'esprit d'entreprendre, c'est demander à l'école de transmettre les valeurs néolibérales, de redéfinir et de réorienter la pédagogie et les connaissances en fonction des lois du marché.
Pour d'autres, amorcer un rapprochement efficace entre l'école et le monde des travailleurs, c'est garantir un meilleur avenir aux jeunes et à l'ensemble de la société. Le débat est lancé. Et vu d'ailleurs, il est plutôt corsé.
Respecter la laïcité
Parce que la laïcité n'est pas que religieuse, mais qu'elle protège une certaine neutralité contre les doctrines et les idéologies uniques, le Président de la Commission nationale éducation du Parti de Gauche, Francis Dalpe s'élève contre cette réorientation de l'école vers « l'esprit d'entreprendre ». Il la voit comme une « dérive minimaliste et utilitariste du socle commun de compétence instauré par la précédente loi d'orientation de 2005 de François Fillon. »
Le Parti de Gauche dénonce cet « adéquationnisme » entre formation et besoins en emploi. Cette obsession d'arrimer les contenus et les connaissances et les approches pédagogiques aux diktats des entreprises. « Enfermements, aveuglements idéologiques, aliénations», la position du Parti de Gauche regrette cette mainmise gouvernementale sur l'école. Et surtout, il réaffirme la mission de l'école « d'instruire, de qualifier et d'émanciper». Oui, d'émanciper. Sous cet angle, il y a de quoi s'interroger.
Il nous semble quelque peu contradictoire de vouloir développer l'esprit d'entreprise, la créativité, l'initiative des jeunes alors qu'ils baignent eux aussi dans cette atmosphère européenne d'austérité, qui se caractérise notamment par une frilosité extrême de crédit bancaire. Austérité promue par le pouvoir politique.
Un entrepreneur, vous avez dit un entrepreneur?
Développer l'esprit d'entreprise, Esther Grisard, professeur d'appui en charge du programme "option découverte professionnelle", sait de quoi il en retourne. Les collégiens engagés dans cette option « découverte professionnelle » côtoient, à raison de trois heures semaines, des entrepreneurs. Loin des considérations idéologiques, ces jeunes n'en demeurent pas moins confrontés à la contradiction entre ce qu'ils observent sur le terrain et la "légende" de l'entrepreneur : le travail d'équipe d'un côté et de l'autre, ce que les entrepreneurs eux-mêmes promeuvent: l'autonomie, le travail en solitaire. Les jeunes ont besoin de cohérence.
Par ailleurs, Sylvie Lemaire, directrice des agences Ile-de-France d'une société d'outils de communications pour les entreprises, fait état de l'importance de mettre en contact ces jeunes qui, à 13 ans, se considèrent déjà trop « bêtes » pour suivre une voie générale parce que c'est ce qu'on leur a fait comprendre, avec des chefs de service qui, eux aussi, ont parfois eu un parcours de vie remplie d'embuches. Elle considère qu'il faudrait intervenir auuprès d'eux dès le début de l'école secondaire. Elle témoigne de son propre cheminement de femme dans un monde d'hommes, tente de leur expliquer « ce qu'est l'esprit d'entreprise, de les familiariser avec des fonctions dans le mondes technologies de l'information et du business to bussiness. »
Qu'est-ce au juste qu'un entrepreneur ? Si les jeunes se posent la question, ils trouveront peut-être la réponse dans l'inspiration qu'un chef d'entreprise leur aura insufflée. Par l'expérience de la relation qui s'établira entre eux. Assez étonnamment, le « mentorat » semble rester absent du langage associé à cet esprit d'entreprise, concept aux contours flous. Pourtant, dans le présent débat, le mentor ne devrait-il pas être l'entrepreneur et vice versa?
L'esprit d'entreprise de qui au juste?
Les enseignants craignent l'intrusion de l'idéologie marchande à l'école. L'impatience des entreprises à engager des jeunes efficaces, engagés, entrepreneurs, créatifs est palpable. Et les jeunes eux, désirent, cherchent, imaginent bien au-delà et malgré toutes ces considérations politiques et économiques, à l'école, en stage, dans leurs loisirs, sur le web. Ils sont des entrepreneurs sans aucun doute. Chacun à sa manière.
Patrick Rey offre un autre point de vue assez intéressant. Parce qu'il revient sur la mission de base de l'école: « former à lire, écrire, compter. » Ce qui à première vue peut sembler peu innovateur ( indépendemment de la manière dont on s'y prend pour réaliser cet objectif ). Mais pertinemment puisqu'on observe, en France comme en Amérique, que la maîtrise de ces savoirs de base n'est pas suffisamment acquise. À titre d'exemple, mentionnons les échecs aux examens de français d'admission dans les universités québécoises et les « écoles d'ingénieurs » en France qui doivent compenser en offrant des formations de mises à niveau.
Cet esprit d'entreprise, dans le fond, ne peut s'exprimer que dans un contexte où tout le monde le développe. En fait, peut-être fait on fausse route en ne l'associant qu'au secteur marchand. Dans le fond, l'esprit d'entreprise est affaire de tout le monde. Pour que, toujours selon Patrick Rey, « Des entrepreneurs deviennent enseignants/formateurs, des enseignants/formateurs deviennent entrepreneurs. »
Voilà une ouverture intéressante. Celle de mettre en réseau les jeunes, les éducateurs, les travailleurs, patrons et employés de tous les secteurs d'activité. Parce qu'on le sait que cet esprit d'entreprise habite autant un scientifique, un administrateur, un artiste, un pédagogue, un informaticien, les jeunes et les moins jeunes.
Bien sûr, cette intention politique s'est exprimée formellement tout récemment. Le débat est vif. De nombreuses positions de toutes les allégeances s'expriment sur les forums et les blogs. Les stages en entreprises ne sont pas nouveaux. Quelle autres initiatives seront déployées pour « incarner cet esprit d'entreprise »? À suivre...
Sources:
Ferry, Luc, Darcos, Xavier, Dutreil, Renaud, mars, 2003. Développer l'esprit d'entreprendre : une ambition partagée. Consulté le 17 juin 2013.http://www.dgcis.gouv.fr/files/files/archive/www.pme.gouv.fr/actualites/dossierpress/dp06032003/conventionpmeeduc.html
Portail, du ministère du redressement productif, Clôture des Assises de l'entreprenariat. Consulté le 17 juin 2013. http://www.redressement-productif.gouv.fr/cloture-assises-de-l-entrepreneuriat
Rey, Patrick, L'esprit d'entreprise à l'école : une envie ou une nécessité?http://www.enviedentreprendre.com/2013/05/lesprit-dentreprise-a-lecole-une-envie-ou-une-necessite/conventionpmeeduc.
Daspe, Francis, L'esprit d'entreprise à l'école : une atteinte à la laïcité. Consulté le 17 juin 2013. http://www.rue89.com/2013/05/23/lesprit-dentreprise-a-lecole-entre-coiffeuse-zuckerberg-242424
Lorenzi, Daisy, L'esprit d'entreprise à l'école : entre la coiffeuse et Zucherberg, consulté le 17 juin 2013. http://www.rue89.com/2013/05/23/lesprit-dentreprise-a-lecole-entre-coiffeuse-zuckerberg-242424
Le Monde FR. M Blogs. Esprit d'entreprise es-tu là? L'école va te parler. Consulté le 17 juin 2013.http://enseigner.blog.lemonde.fr/2013/05/15/esprit-dentreprise-es-tu-la-lecole-va-te-parler/
Créé le lundi 17 juin 2013 | Mise à jour le mardi 18 juin 2013
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Dès 2003, le Gouvernement français, par un Protocole entre le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, le ministère délégué à l'enseignement scolaire et le secrétariat d'état aux PME, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation annonçait son intention de « développer l'esprit d'entreprendre » auprès des jeunes dans un communiqué de presse. Pour répondre à cette vue, l'école était déjà dans la ligne de mire.
Stimuler chez les jeunes leurs talents, créativité, initiative, et leur goût d'entreprendre, n'est-ce pas avec la transmissions des connaissances, un des buts premiers de l'éducation ? Ne s'agit-il pas des bases du développement de la personne quels que soient ses talents ?
Pourtant, pour certains, stimuler l'esprit d'entreprendre, c'est demander à l'école de transmettre les valeurs néolibérales, de redéfinir et de réorienter la pédagogie et les connaissances en fonction des lois du marché.
Pour d'autres, amorcer un rapprochement efficace entre l'école et le monde des travailleurs, c'est garantir un meilleur avenir aux jeunes et à l'ensemble de la société. Le débat est lancé. Et vu d'ailleurs, il est plutôt corsé.
Respecter la laïcité
Parce que la laïcité n'est pas que religieuse, mais qu'elle protège une certaine neutralité contre les doctrines et les idéologies uniques, le Président de la Commission nationale éducation du Parti de Gauche, Francis Dalpe s'élève contre cette réorientation de l'école vers « l'esprit d'entreprendre ». Il la voit comme une « dérive minimaliste et utilitariste du socle commun de compétence instauré par la précédente loi d'orientation de 2005 de François Fillon. »
Le Parti de Gauche dénonce cet « adéquationnisme » entre formation et besoins en emploi. Cette obsession d'arrimer les contenus et les connaissances et les approches pédagogiques aux diktats des entreprises. « Enfermements, aveuglements idéologiques, aliénations», la position du Parti de Gauche regrette cette mainmise gouvernementale sur l'école. Et surtout, il réaffirme la mission de l'école « d'instruire, de qualifier et d'émanciper». Oui, d'émanciper. Sous cet angle, il y a de quoi s'interroger.
Il nous semble quelque peu contradictoire de vouloir développer l'esprit d'entreprise, la créativité, l'initiative des jeunes alors qu'ils baignent eux aussi dans cette atmosphère européenne d'austérité, qui se caractérise notamment par une frilosité extrême de crédit bancaire. Austérité promue par le pouvoir politique.
Un entrepreneur, vous avez dit un entrepreneur?
Développer l'esprit d'entreprise, Esther Grisard, professeur d'appui en charge du programme "option découverte professionnelle", sait de quoi il en retourne. Les collégiens engagés dans cette option « découverte professionnelle » côtoient, à raison de trois heures semaines, des entrepreneurs. Loin des considérations idéologiques, ces jeunes n'en demeurent pas moins confrontés à la contradiction entre ce qu'ils observent sur le terrain et la "légende" de l'entrepreneur : le travail d'équipe d'un côté et de l'autre, ce que les entrepreneurs eux-mêmes promeuvent: l'autonomie, le travail en solitaire. Les jeunes ont besoin de cohérence.
Par ailleurs, Sylvie Lemaire, directrice des agences Ile-de-France d'une société d'outils de communications pour les entreprises, fait état de l'importance de mettre en contact ces jeunes qui, à 13 ans, se considèrent déjà trop « bêtes » pour suivre une voie générale parce que c'est ce qu'on leur a fait comprendre, avec des chefs de service qui, eux aussi, ont parfois eu un parcours de vie remplie d'embuches. Elle considère qu'il faudrait intervenir auuprès d'eux dès le début de l'école secondaire. Elle témoigne de son propre cheminement de femme dans un monde d'hommes, tente de leur expliquer « ce qu'est l'esprit d'entreprise, de les familiariser avec des fonctions dans le mondes technologies de l'information et du business to bussiness. »
Qu'est-ce au juste qu'un entrepreneur ? Si les jeunes se posent la question, ils trouveront peut-être la réponse dans l'inspiration qu'un chef d'entreprise leur aura insufflée. Par l'expérience de la relation qui s'établira entre eux. Assez étonnamment, le « mentorat » semble rester absent du langage associé à cet esprit d'entreprise, concept aux contours flous. Pourtant, dans le présent débat, le mentor ne devrait-il pas être l'entrepreneur et vice versa?
L'esprit d'entreprise de qui au juste?
Les enseignants craignent l'intrusion de l'idéologie marchande à l'école. L'impatience des entreprises à engager des jeunes efficaces, engagés, entrepreneurs, créatifs est palpable. Et les jeunes eux, désirent, cherchent, imaginent bien au-delà et malgré toutes ces considérations politiques et économiques, à l'école, en stage, dans leurs loisirs, sur le web. Ils sont des entrepreneurs sans aucun doute. Chacun à sa manière.
Patrick Rey offre un autre point de vue assez intéressant. Parce qu'il revient sur la mission de base de l'école: « former à lire, écrire, compter. » Ce qui à première vue peut sembler peu innovateur ( indépendemment de la manière dont on s'y prend pour réaliser cet objectif ). Mais pertinemment puisqu'on observe, en France comme en Amérique, que la maîtrise de ces savoirs de base n'est pas suffisamment acquise. À titre d'exemple, mentionnons les échecs aux examens de français d'admission dans les universités québécoises et les « écoles d'ingénieurs » en France qui doivent compenser en offrant des formations de mises à niveau.
Cet esprit d'entreprise, dans le fond, ne peut s'exprimer que dans un contexte où tout le monde le développe. En fait, peut-être fait on fausse route en ne l'associant qu'au secteur marchand. Dans le fond, l'esprit d'entreprise est affaire de tout le monde. Pour que, toujours selon Patrick Rey, « Des entrepreneurs deviennent enseignants/formateurs, des enseignants/formateurs deviennent entrepreneurs. »
Voilà une ouverture intéressante. Celle de mettre en réseau les jeunes, les éducateurs, les travailleurs, patrons et employés de tous les secteurs d'activité. Parce qu'on le sait que cet esprit d'entreprise habite autant un scientifique, un administrateur, un artiste, un pédagogue, un informaticien, les jeunes et les moins jeunes.
Bien sûr, cette intention politique s'est exprimée formellement tout récemment. Le débat est vif. De nombreuses positions de toutes les allégeances s'expriment sur les forums et les blogs. Les stages en entreprises ne sont pas nouveaux. Quelle autres initiatives seront déployées pour « incarner cet esprit d'entreprise »? À suivre...
Sources:
Ferry, Luc, Darcos, Xavier, Dutreil, Renaud, mars, 2003. Développer l'esprit d'entreprendre : une ambition partagée. Consulté le 17 juin 2013.http://www.dgcis.gouv.fr/files/files/archive/www.pme.gouv.fr/actualites/dossierpress/dp06032003/conventionpmeeduc.html
Portail, du ministère du redressement productif, Clôture des Assises de l'entreprenariat. Consulté le 17 juin 2013. http://www.redressement-productif.gouv.fr/cloture-assises-de-l-entrepreneuriat
Rey, Patrick, L'esprit d'entreprise à l'école : une envie ou une nécessité?http://www.enviedentreprendre.com/2013/05/lesprit-dentreprise-a-lecole-une-envie-ou-une-necessite/conventionpmeeduc.
Daspe, Francis, L'esprit d'entreprise à l'école : une atteinte à la laïcité. Consulté le 17 juin 2013. http://www.rue89.com/2013/05/23/lesprit-dentreprise-a-lecole-entre-coiffeuse-zuckerberg-242424
Lorenzi, Daisy, L'esprit d'entreprise à l'école : entre la coiffeuse et Zucherberg, consulté le 17 juin 2013. http://www.rue89.com/2013/05/23/lesprit-dentreprise-a-lecole-entre-coiffeuse-zuckerberg-242424
Le Monde FR. M Blogs. Esprit d'entreprise es-tu là? L'école va te parler. Consulté le 17 juin 2013.http://enseigner.blog.lemonde.fr/2013/05/15/esprit-dentreprise-es-tu-la-lecole-va-te-parler/
Créé le lundi 17 juin 2013 | Mise à jour le mardi 18 juin 2013
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