samedi 6 juillet 2013

L’école


Un bien joli mot pour une bien jolie compagnie !

Une bien triste réalité aujourd'hui où il n'y a pas beaucoup d'heureux ! Tous y sont appelés et peu y sont élus, et qui ne s'y ennuie pas ?

Nous avons tous nos souvenirs d'école, des douceurs qui émergent comme des nostalgies de l'enfance ; on embellit le passé et l'on oublie trop, quand on est grand, qu'on s'y intéresse et qu'on en parle, de dire à quel point c'est un moment de vie, où l'affectif, les affections nous marquent à jamais. Aussi les injustices, les humiliations, les incompréhensions sont-elles prégnantes au point de changer le trajet d'une vie.

Regardant récemment une photo de classe, datant de mon CE1, j'ai compté quarante élèves ; quelques visages me disaient quelque chose et j'ai même retrouvé deux ou trois noms !

Quarante élèves ! Un scandale ! Et pourtant personne ne trouvait rien à redire et les suppliciés n'en étaient pas contrits !!

Quand on est gosse, on prend les choses comme elles sont, on n'a pas un regard critique sur ce qui peut paraître laid aux adultes ou compliqué ; les injustices et les humiliations blessent sans qu'on y oppose de défenses et peuvent marquer à jamais ; à l'inverse, le bonheur que l'on peut y vivre donne les forces pour se construire, mais ce ne sont que rapports humains, chaleureux ou froids, agréables ou contraignants ; au début du collège, les enfants deviennent bons si leur prof leur plaît, à l'inverse se replient s'il y a aversion ! Aucune directive ne peut changer cela : les relations humaines viennent d'un lieu en soi qui échappent aux règles. Cependant, et à condition de ne pas s'enferrer dans sa raison, on peut donner les conditions maximales pour que les intéressés soient heureux ! Or, les gens qui sont chargés de cette perspective ont été , tous, des bons élèves qui imposent à la diversité humaine leur point de vue ! À chacun de s'y mouler, avec force contorsions la plupart du temps.

Naguère les écoles étaient de petits bâtiments éparpillés dans les quartiers, dans les villages ; les enfants y allaient à pied car on n'avait plus peur du loup et pas encore de l'homme. Les gamins y arrivaient en grappes au fur et à mesure du chemin ; on s'attendait au carrefour, on finissait la route ensemble. Que disaient donc tous ces bavardages ?

Pas de bavardage aujourd'hui, les écoliers ne sont plus « une classe sociale » qui se serre, plus ou moins, les coudes mais des individus déposés aux grilles.

La récréation n'est plus le lieu de l'ennui pour certain, du défoulement pour d'autres, le lieu des chamailleries et même des lynchages auxquels venait mettre le holà, le maître en blouse grise. Non, c'est le lieu d'échanges et de convoitise de tous les joujoux de la création !

Plutôt que multiplier les petits lieux, on a construit des ensembles ; des milliers de gosses ou d'adolescents se croisent : anonymat garanti dans une surpopulation qui encourage tous les trafics, les harcèlements...

Il y a belle lurette que l'on sait que l'argent ne fait pas le bonheur.

Il y a belle lurette que l'on sait que la surpopulation engendre les violences, et pourtant, on persévère !

Je n'ai rien appris à l'école ; hors l'anglais ; mais on a bien dû déposer quelques sédiments qui m'ont permis d'apprendre, plus tard. Et c'est déjà beaucoup.

Quand je réfléchis à l'école, je ne pense pas à ce qui m'a manqué, puisque je n'y ai rien vu que l'ennui ; mais plus tard, avec mes enfants, j'ai vu les failles.

Je fais partie de cette génération de linguistes d'où est sortie toute une bande de rigolos qui a cru au structuralisme ; même des gens aussi huppés que Lacan ou Lévy-Strauss ont cru y trouver le Graal ; c'est dire si c'était séduisant. Ces rigolos-là auraient dû continuer leurs études , aller jusqu'à la grammaire générative de Chomsky et plus loin encore, jusqu'à la théorie de l'énonciation. Alors, la queue basse, ils seraient ressortis de la fac sans trouver job à sacrifier des générations d'écoliers.

La moutarde me monte encore au nez, vingt ans plus tard, quand j'y pense !

La vie nous dessille, c'est un fait.

J'ai pris conscience des dégâts du structuralisme (1), promu par des imbéciles et appliqué par des ignorants, quand mon fils était en sixième : au cours de son premier trimestre, je suivais avec intérêts ses devoirs ( la chose n'était pas facile et comme je décortiquais tout, il m'envoyait balader et finit par faire ses devoirs seul jusqu'à la fin de ses études) ; au rendez-vous des parents avec les professeurs, juste après une leçon d'anglais qui m'avait interpellée, d'égale à égale mais sans arrogance, j'ai voulu en parler avec le prof. Le cours portait sur « his » et « He's » ; mon gamin confondait tout et cela me paraissait invraisemblable ! Je me demandais bien pourquoi on avait agglutiné ces deux « choses » ; l'idée géniale du concepteur était que le son était commun ( quoique !). C'était tout, pas d'explication, juste des exemples à foison avec l'une ou l'autre forme !

Donc je demandai à ce prof s'il ne donnait pas des cours de grammaire ! Il me répondit que la grammaire était en fin de volume et que le gamin pouvait s'y reporter s'il le voulait ! Ah ?!

Et quel gamin veut faire des heures supplémentaires sans demande ?

En Français, c'était le même tabac !

J'ai compris alors que les « linguistes » malins, s'étaient remué les méninges pour trouver du neuf ! La linguistique était si jeune et si révolutionnaire, elle envahissait toutes les autres sciences humaines ! Et ils ont trouvé plein de trucs inédits, ont réussi- parce que c'était la mode- à faire passer leurs expérimentations ; résultat : deux ou trois générations de gamins qui n'ont jamais su à quel saint se vouer ! Les plus entourés réussirent, après leur licence, à se prendre en main pour retrouver un semblant d'orthographe ; chez moi, ce fut une correspondance hebdomadaire, volontaire, avec corrections, et puis la découverte que la grammaire, c'était tout sauf chiant, plutôt géniale, pleine de finesses : un véritable trésor pour l'expression.

Combien d'autres ne s'y sont pas collés et rêvent qu'on réforme l'orthographe et se réjouissent de l'ère des SMS ?

Mais pendant ce temps-là, pendant qu'on embrouillait tout, histoire de changer, il y a des tas de trucs utiles qu'on n'enseignait pas, et qu'on n'enseigne toujours pas à l'école.

Par exemple, ce qu'est un chat, un chien, un cheval, même une souris ou une hirondelle, bref, qui sont ceux que l'on croise tous les jours et même avec qui on vit ?

Un petit peu plus tard, quand on aura acquis toutes les vérités sur St. Louis, on pourrait donner quelques cours d'initiation au Droit, compte tenu du fait que nul n'est censé ignorer la loi. En profiter pour donner quelques bases du vocabulaire en ce domaine, à moins que nous l'ayons déjà débarrassé de ses archaïsmes et autre jargon ésotérique. Une révolution qui serait fort utile à tous.

Nous pourrions envisager de revenir à l'ordre chronologique, bête, en Histoire bien que ce ne soit pas rédhibitoire pour s'enrichir, de penser que Napoléon s'est battu contre Hitler ou que l'Afrique n'est pas encore rentrée dans l'Histoire.

Et puis, foin de la démagogie, plutôt que de descendre vers la culture audiovisuelle réelle, il serait plus fin de tirer vers la culture classique, celle-ci n'étant pas ennuyeuse ou démodée, mais bien universelle !

Il y a tant à faire, il faudrait peut-être y penser !

Il faut vouloir l'acquis des bases à la fin du collège de sorte que chacun à cet âge-là ait les outils nécessaires à la vie qu'il se choisit. Qu'il continue ou pas des études.

Les locaux.

C'est important les locaux, mais peut-être pas comme on nous le fait croire ! Quand on est jeune, on se fout – ou on devrait se foutre- comme d'une guigne de l'esthétique des lieux où l'on doit se trouver. La plus vieille fac de France ( avec Bordeaux et Montpellier) était si exiguë, que l'on prenait ses cours, ça et là dans la ville, dans tout ce que l'Église comportait de bâtiments, délabrés, de petites pièces froides l'hiver chaudes l'été ; rendez-vous compte : l'Université laïque qui s'étendait sur les propriétés de l'Église, la Rue en serait toute retournée aujourd'hui ; nous n'en n'avions rien à faire !

Plutôt qu'avoir fermé toutes les écoles de villages, il aurait mieux valu organiser un hébergement chez l'habitant, pour quelques gamins, deux ou trois nuits et sept repas par semaine, y inviter ceux en difficulté, et volontaires, dans les villes proches : trois ou quatre élèves de plus, mêlés aux villageois, ont plus de chances de voir autre chose de la vie, s'ouvrir, que s'ils sont amassés dans des préfabriqués avec desenseignants spécialisés ! Souplesse d'organisation oblige, les inadaptés à cet exil, pourraient retourner chez eux en cas de souffrance.

Quant aux lycées, pourquoi ne pas donner aux professeurs l'opportunité de faire des cours sur ce qu'ils connaissent le mieux, sur ce qu'ils aiment le plus ou sur des sujets qui pour l'heure suscitent leur désir de connaissance, de recherche ?

À partir de la seconde, les programmes pourraient s'organiser en Unités de Valeurs, avec un socle commun et obligatoire, réparti sur les trois années, dont les exposés, cours ou travaux dirigés seraient dispensés plusieurs fois dans l'année ; de manière à y revenir en cas de besoin. Certes pour ce faire, les Conseillers Pédagogiques auraient du pain sur la planche pour aider chaque élève, mais l'impasse pourrait être faite sur les unités optionnelles, sans préjudice, et les bons élèves pourraient toucher à tout tandis que les moins habiles pourraient revenir encore et encore pour approfondir et acquérir les bases. Chaque unité serait validée par un examen et le bac serait la validation de l'ensemble. À faire en trois ou quatre ans, le choix et la responsabilisation encadrée formerait la jeunesse !

Les locaux sont vides plus de quatre mois par an ! Pourquoi ne pas imaginer, pour qui le souhaite, des redites de valeurs, l'été, prises en charge par des profs qui pourraient étaler autrement leurs vacances, et suivies par des lycéens qui pourraient faire de même ! Groupes de peu de personnes, du moins aussi longtemps que les vacances d'été seraient inscrites comme « naturelles », travail plus sérieux tout en étant plus décontracté, il serait bien rare que l'on ne puisse pas couvrir ainsi une redite du programme sur trois ans !

Ces répétitions, ne recouvrant pas l'impression d'un temps perdu en redoublement sur tout, ne stigmatiseraient personne.

L'année scolaire deviendrait un temps beaucoup plus souple, moins de stress de réussite ou d'échec, un pas vers l'université, un apprentissage en quelque sorte de l'organisation de son temps.

Un organigramme casse-tête dans un premier temps, de qui fait quoi et quand, mais comme toujours, j'ai grande confiance à l'organisation spontanée, si elle ne trouve aucune contrainte imposée d'en haut ; tout le monde s'adapte très bien au bon sens et à l'obligation d'honorer les impératifs pédagogiques.

Bien sûr, tant que dans notre bel hexagone, l'instruction et l'éducation sont le cadet des soucis des politiques, comme il leur paraît plus judicieux d'économiser là plutôt qu'ailleurs, cette idée semble folle à tous ceux ceux qui finissent par croire qu'aucun rêve n'est permis ! ( je sais que le Ministère de l'Éducation Nationale fait partie des épargnés de l'austérité , cependant les moyens alloués en personnel me semblent une aumône consentie sans grande réflexion sur le fond).

En attendant, la place nous est laissée libre dans les collèges et lycées, qui manquent de remplaçants, alors investissons-la !

Car, au fond, est-il plus efficace de réclamer au patron une augmentation de salaire et de meilleures conditions de travail, en vain, que de préparer l'avenir en éduquant les jeunes, en leur prouvant notre investissement personnel, que nous soyons parents, enseignants, administratifs ou tout simplement citoyens, non plus pour les formater, mais en repoussant les limites poussiéreuses de l'école, celle qui est devenue discriminatoire, leur donner le goût du savoir.

Investissons les heures creuses, les salles vides, donnons aux enfants en dérive des outils insolites, des lieux de réflexion, un regard... favorisons l'intervention de poètes, d'écrivains, d'artistes, non pour qu'ils promeuvent leurs ouvrages, mais pour parler, conter, offrir un monde qui sans eux ne sera pas accessible : tout passe par le contact !

Et, aujourd'hui, toutes les recherches, les formations des maîtres, vont dans le sens de l'enseignement sur le web ! Au secours : ces gens-là, les innovateurs, ont-ils tout oublié de leur enfance ?

L'éducation est la seule valeur d'avenir sur laquelle toute politique devrait miser ; or elle contraint, au contraire, pour le bénéfice des privés, par l'embrigadement dans des dogmes ou par une embrocation des velléités, des énergies et de l'inventivité. Elle oublie d'encourager les compétences multiples, d'aider à la réalisation de soi tout en maintenant, en induisant une responsabilité collective. Responsabilité qui pourrait être récompensée par la réussite et la satisfaction à produire une harmonie...

L'école ne devra plus être l'enseignement d'un savoir de spécialistes, qui crée la dépendance, l'aliénation et le gaspillage de talents non dévoilés.

L'école devra être la priorité, non seulement parce qu'elle est le gage de l'avenir mais parce qu'elle impliquera les anciens dans un renouveau !

(1) ; en gros, et pour faire simple, le structuralisme a inventé les " exercices à trous" ; une ineptie qui a rendu ignard tout le monde ! Aussi rassembler en " champs sémantiques", dans mon exemple en " champs phonétiques" tout un bric-à-brac digne d'un capharnaüm !!)

parAlinea(son site)samedi 6 juillet 2013

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